Cela est de bon augure lorsqu’on croit tenir un projet qui annonce la fin de la direction «bicéphale» qui a, jusque-là, éreinté les producteurs de cinéma et constitué une pierre d’achoppement devant le développement du 7e art. Dans cet entretien, le directeur général du Centre national du cinéma et de l’image nous définit les points les plus importants de ce projet.
On croit savoir qu’il y aura une centralisation au niveau du Cnci de toute la procédure liée à la production cinématographique avec le projet de réforme du décret 717…
L’objectif avec la création du Cnci, c’est qu’il soit le seul interlocuteur pour les professionnels du secteur de cinéma en matière d’octroi des subventions et des différents services liés à l’exercice des activités de production, de distribution et d’exploitation cinématographique. Cette passation entre la direction générale de l’audiovisuel au ministère et le Cnci est l’occasion pour réviser le cadre juridique actuel afin de mettre en place les réformes nécessaires pour accompagner le développement que connaît le secteur du cinéma en Tunisie.
C’est dans ce cadre que nous avons élaboré ce nouveau projet de décret qui apportera plusieurs changements dans les modalités de l’octroi de l’aide à la production. A travers ce texte, c’est le Cnci qui se chargera de gérer l’aide à la production de l’appel à dépôt jusqu’à la signature des conventions et le déblocage des tranches de paiement.
Rappelez-nous les points les plus importants de ce texte…
D’abord, nous avons instauré une aide au développement qui sera donc plus large et plus conséquente. Nous avons aussi révisé le plafond de l’aide pour la production des longs-métrages qui passera à 50% au lieu de 35% actuellement. Nous avons aussi créé une nouvelle catégorie d’aide qui concernera les films de long-métrage à petits budgets pour lesquels la subvention de l’Etat pourra atteindre les 70%. Il a été entendu que le montant d’un «Low budget» sera défini par le Cnci. Il y aura dorénavant deux sessions de dépôt des dossiers et la date de limite de dépôt sera en janvier pour la première session et en juillet pour la seconde. Sur un autre plan, nous allons dorénavant publier la liste des dossiers qui ne sont pas éligibles avant le démarrage des travaux de la commission afin d’informer les producteurs et leur laisser la possibilité de faire un recours et aussi se préparer pour la prochaine session. Ce décret prévoit aussi la possibilité de créer plusieurs commissions pour l’étude des projets selon leurs catégories. Un nombre minimum de projets, qui sont la première ou seconde œuvre du réalisateur, vont être automatiquement subventionnés. Par ailleurs et pour plus de transparence, un rapport financier certifié par un commissaire aux comptes sera demandé à l’occasion du déblocage de la dernière tranche en ce qui concerne les dépenses effectuées dans le cadre de la subvention.
Il semble que la composition de la commission, selon ce projet de décret, a gagné en représentativité…
En effet, chaque commission comportera dorénavant trois réalisateurs, deux producteurs et une personne connue pour son expérience ou sa culture cinématographique, en plus du président. Auparavant, il n’y avait qu’un réalisateur et un producteur. Cette commission comportera aussi un représentant du ministère des Affaires culturelles et un autre du Cnci qui seront par contre des membres sans droit de vote.
Une commission composée de producteurs et de réalisateurs ne risque-t-elle pas d’alimenter les querelles de clocher dans le cinéma et l’occasion de régler des comptes ?…
A mon sens, ça ne sera pas le cas; au contraire ça va permettre d’avoir plus de transparence et aussi plus de garantie par rapport à l’objectivité des décisions qui vont être prises, vu que cette représentativité plus importante des professionnels ne peut qu’enrichir les discussions dans le cadre de l’étude des projets soumis.
Qu’en est-il de l’autorisation de tournage ?
En ce qui concerne l’autorisation de tournage, nous avons réalisé une étude qui a permis de constater les limites du mécanisme actuel du guichet unique instauré depuis 2009, et de définir les réformes nécessaires à mettre en place. Cette étude a débouché vers la création d’un bureau de tournage qui aura des prérogatives plus larges que l’octroi de l’autorisation, à savoir la promotion de la Tunisie en tant que destination de tournage. Sa mission sera également de travailler en back-office avec les institutions les plus sollicitées en matière d’octroi d’autorisations de tournage, tels certains ministères, des établissements publics ou encore les municipalités, pour faciliter les tournages aussi bien des films tunisiens qu’étrangers et pour qu’il y ait plus de transparence et de clarté par rapport aux procédures et aux délais. Le dossier de demande d’autorisation sera également allégé, il suffit d’avoir un engagement signé du producteur par rapport à des conditions qui doivent être respectées.
On ne va pas demander les copies des contrats par exemple, mais le producteur doit s’engager à ce que ces contrats ont été effectués en bonne et due forme. Sur terrain, il va y avoir des contrôles lors du tournage. Côté carte professionnelle, on va plutôt exiger qu’une partie de l’équipe technique soit munie de la carte en question sans en spécifier le poste. Par ailleurs, un montant plus conséquent sera payé pour les autorisations, ainsi que pour les visas d’exploitation, mais les recettes reviendront, cette fois, à un fonds consacré pour le cinéma tunisien. Nous sommes actuellement en train de finaliser ce nouveau projet de texte qui sera envoyé bientôt pour approbation.
Le secteur de la distribution va aussi bénéficier d’une aide de la part du Cnci ?
En effet, nous avons préparé un projet de texte qui va permettre de soutenir les distributeurs de films à travers une subvention à hauteur de 50% des dépenses de communication pour les sorties des longs-métrages tunisiens dans les salles, cette subvention sera à hauteur de 80 % pour les documentaires et la projection d’un cycle de courts-métrages. Cela nous garantira une campagne de communication plus efficace qui augmentera les chances du film d’être visionné et particulièrement les documentaires et les courts-métrages. Nous avons également comme objectif, à travers ce soutien à la distribution, d’encourager encore plus les distributeurs à distribuer les documentaires et les courts-métrages.
Quand est-ce que ce texte entrera en vigueur ?
Les deux projets de textes concernant l’aide à la production et l’aide à la distribution sont dans la phase finale d’approbation et entreront en vigueur dès leur publication dans le Journal officiel, et je veux profiter de cette occasion pour remercier tous les cinéastes et les professionnels qui ont contribué dans la phase de réflexion et de l’élaboration de ces projets de textes et particulièrement le Syndicat des producteurs et l’association des réalisateurs tunisiens.