Accueil Economie Corruption administrative : Un mal qui répand la terreur

Corruption administrative : Un mal qui répand la terreur

Une étude menée par l’Association tunisienne des contrôleurs publics, en collaboration avec le Centre national des tribunaux d’Etat, révèle que la « corruption administrative », appelée également petite corruption, s’est aggravée suite à la pandémie  du covid-19. Ce fléau  aurait augmenté de  21% par rapport à 2014. 

Après le rapport annuel sur l’indice de perception de la corruption dans le secteur public pour l’année 2021, publié récemment par « Transparency International », qui classe la Tunisie, à la 70e place mondiale sur 180 pays-entités-territoires, et 6e dans le groupe des pays arabes, un autre verdict vient de tomber.

Une étude menée par l’Association tunisienne des contrôleurs publics, en collaboration avec le Centre national des tribunaux auprès de 1.000 personnes d’Etat, dévoile que 1,5 million de Tunisiens ont payé 570 millions de dinars de pots-de-vin en 2021. Environ 19 % de l’échantillon avouent avoir donné une certaine somme d’argent en contrepartie d’un service demandé.  Un taux qui se rapproche beaucoup de l’Indice de Perception de la Corruption  dévoilé par l’Organisation de la transparence internationale (Transparency International) qui est de 18%.

76% sont des hommes

L’étude révèle également que la « corruption administrative » s’est aggravée suite à la pandémie  du covid-19. Ce fléau  aurait augmenté de  21% par rapport à 2014. A cette date, la valeur d’un seul pot-de- vin était estimée à 217 dinars. Actuellement, il dépasse 375 dinars. D’après le travail réalisé par l’Atcp, 76% des hommes recourent à la corruption contre 24 % de femmes. La tranche d’âge de ces personnes varie entre 26 et 45 ans. L’étude, financée par l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, montre que la corruption concerne toutes les couches sociales, tous les niveaux d’éducation et aussi tous les secteurs, et ne se limite pas à un profil de personne en particulier. Il est également important de signaler que le niveau d’instruction n’a pas d’impact sur le volume de la petite corruption. L’échantillon concerné par l’étude montre que les personnes qui ont eu recours aux pots-de-vin ont des niveaux d’éducation différents (primaire, secondaire et universitaire). Ce constat laisse croire que le phénomène de corruption en Tunisie ne disparaîtra pas aisément. Dire qu’à chaque fois que le niveau d’instruction augmente le recours à la corruption diminue est tout à fait erroné.

L’étude de l’Atcp montre, par ailleurs, que les secteurs dans lesquels la corruption est la plus répandue sont la sécurité (50%), la santé (20%), les collectivités locales (14%)  et les établissements publics de tous types (10%). Le reste des secteurs sont aussi concernés par ce phénomène, mais à des degrés moindres, on citera par exemple  l’équipement, les banques, le transport, les syndicats et même les partis politiques.

Tous les secteurs sont concernés

Il est aussi important de mentionner que dix gouvernorats ont réalisé des résultats au-dessus de la moyenne nationale (oscillant entre 30% à Béja et 28% à Kasserine), alors que trois gouvernorats (Monastir, Nabeul et Tunis) sont au même niveau que celui réalisé à l’échelle nationale, six gouvernorats entre 17 et 10%, dont trois relèvent de la région du Sud (Médenine, Kébili et Tataouine). La quasi-totalité des professions relevant du secteur privé sont concernées par la petite corruption. Selon l’étude, les professions libérales, les chefs d’entreprise, les cadres moyens du secteur privé, les agriculteurs ont donné un pot-de-vin et les taux ont dépassé, pour la plupart des cas, la moyenne nationale. Il s’agit là d’un indice sur le mauvais climat d’affaires qui règne dans le pays. Pour ce qui est des professions du secteur public et des retraités, les pots-de-vin se font rares (10% pour les employés et 3% pour les enseignants). Selon les interprétations faites par les auteurs de ce travail, les faibles taux pour cette catégorie ne traduisent pas l’absence de corruption, mais laissent penser à d’autres formes  de corruption, à savoir les services rendus ou le favoritisme. Les pots-de-vin, le régionalisme et le clientélisme sont les formes de corruption les plus courantes auprès des Tunisiens. Certains pensent même que donner des cadeaux ou faire du favoritisme sont des pratiques très normales, voire  obligatoires. Selon l’étude, 86% des personnes sondées jugent que le phénomène s’est beaucoup aggravé en 2020, contre seulement 4% qui voient le contraire.

Selon la définition donnée à la petite corruption, cette dernière est reconnue lorsqu’une personne soudoie des fonctionnaires, comme des policiers, des professionnels de la santé ou des agents des douanes, dans le but de bénéficier d’un traitement préférentiel ou d’accélérer des démarches bureaucratiques. Même si les sommes en jeu sont généralement faibles, la petite corruption est considérée comme répandue et difficile à éradiquer.

Il est à rappeler que selon le rapport de « Transparency international », publié le 25 janvier dernier, la Tunisie a maintenu le même score dans l’indice de perception de la corruption que celui de l’année précédente, soit 44 points sur 100 (0 étant celui du plus corrompu et 100 du plus intègre). En 2010, dernière année du régime dictatorial de Ben Ali, la Tunisie a été classée 59e (soit un recul de 11 points en 11 ans). La Tunisie s’est également classée 6e dans le monde arabe après les Émirats arabes unis (24e), le Qatar (31e), l’Arabie saoudite (52e), le Sultanat d’Oman (56e) et la Jordanie (58 e). Ce qui est pour le moins paradoxal, car, à l’exception de la Jordanie, où la démocratie est une réalité, tous ces pays sont des monarchies dominées par des familles régnantes.

131 pays n’ont fait aucun progrès significatif

Le rapport de cette année a révélé que les niveaux de corruption varient dans le monde, car 131 pays n’ont fait aucun progrès significatif dans la lutte contre la corruption au cours de la dernière décennie, et les deux tiers des pays ont obtenu moins de 50 points, et ce rapport considère que cela indique qu’ils ont de graves problèmes de corruption, alors que 27 pays sont à un niveau historiquement bas.

Le rapport pointe la « stagnation » des efforts de lutte contre la corruption dans le monde et les scores les plus bas dans ce domaine sont enregistrés dans les pays qui violent les libertés civiles et enregistrent des atteintes aux droits de l’Homme et à la démocratie, ajoutant, en revanche, que la pandémie du covid-19 a été utilisée dans de nombreux pays comme excuse pour ne pas faire d’efforts pour lutter contre la corruption. Dans un communiqué publié à l’occasion de la parution de ce rapport, l’organisation «I Watch» a déclaré que le maintien par la Tunisie du même score traduit une stagnation des politiques de l’Etat pour faire face au phénomène de la corruption, considérant que notre pays a échoué au cours des dix dernières années à descendre au-dessous du seuil des 50 points. Pour «I Watch», le laxisme dans la lutte contre la corruption au cours de la dernière décennie et l’incapacité du système judiciaire à mettre fin à la culture de l’impunité  ont entraîné l’aggravation des violations des droits de l’Homme et l’affaiblissement de la démocratie, ce qui contribue également  à augmenter les niveaux de corruption.

Charger plus d'articles
Charger plus par Saoussen BOULEKBACHE
Charger plus dans Economie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *