• Bien avant l’éclatement de la guerre en Ukraine et l’impossibilité pour diverses raisons d’y importer du blé, les boulangeries manquaient terriblement de farine et les petits commerces ainsi que les grandes surfaces n’offraient plus de semoule et de riz.
• Aujourd’hui, on se mobilise, tous azimuts, pour lutter efficacement contre les spéculateurs et les professionnels de la contrebande, avec pour objectif de préserver nos denrées alimentaires, si rares soient-elles.
• La Banque mondiale promet un plan d’assistance alimentaire aux pays de la région Mena touchés, dont la Tunisie, et le ministère de l’Industrie appelle à la rationalisation de la consommation de carburants
Comme prévu et comme l’ensemble des observateurs, des analystes, voire des citoyens lambda, le prédisaient même avant son éclatement, la guerre russo-ukrainienne a commencé à produire ses effets directs sur l’économie tunisienne qui souffrait bien avant que les Russes ne décident de ramener le président ukrainien à la raison, celle bien sûr de Poutine, de plusieurs maux dont en premier la guerre impitoyable que mènent les spéculateurs de tous bords contre le pouvoir d’achat chancelant des Tunisiens et pas uniquement ceux qui appartiennent aux catégories sociales dites vulnérables.
On savait que la crise de la farine et de la semoule allait s’aggraver de jour en jour au point que les boulangeries se sont retrouvées dans l’obligation de fonctionner à la séance unique dans la mesure où les consommateurs ne trouvaient plus leurs baguettes à partir de 14h00, voire à midi dans certains quartiers. Lors des deux derniers jours, la crise a pris une autre dimension puisque l’on apprend que le pays n’est plus en mesure d’importer du blé en vue de la confection du pain.
En effet, selon l’agence Reuters, l’Office tunisien des céréales (OTC) aurait refusé d’acheter 100 mille tonnes de blé ukrainien en raison des prix élevés exigés par les Ukrainiens.
L’information est répercutée par Reuters qui reprend des informations qui lui ont été livrées par des commerçants européens.
Du côté de l’Office tunisien des céréales, on gade le silence et on oppose une oreille sourde aux informations selon lesquelles les Ukrainiens refusent de répondre par la positive aux commandes en blé faites par l’OTC tout simplement parce que l’Office est dans l’incapacité de payer cash ses commandes, sans oublier la hausse vertigineuse qu’ont connue les prix à la faveur de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
En attendant que l’OTC et la ministre du Commerce rassurent les Tunisiens sur l’importation du blé qui servira à la confection de leur pain même si les Ukrainiens camperaient sur leur position, on continue à souligner et à répandre que les produits alimentaires qui ont disparu des rayons des grandes surfaces auprès des petits commerçants de quartier, en premier lieu la farine et la semoule, l’ont été surtout «par la faute des professionnels de la spéculation et aussi par cette ruée inexplicable des consommateurs sur ces mêmes produits» au point que certains médias n’ont pas hésité à considérer que «la guerre a éclaté en Ukraine et que la famine s’est installée en Tunisie».
Quand la Banque mondiale s’en mêle
Et même si les horizons sont sombres et que l’on s’attend à vivre des jours encore plus difficiles, l’on a le sentiment qu’il existe une certaine conscience qu’il faut agir, ensemble, afin que les répercussions négatives de la crise produisent le moins de désastres possibles et que les dégâts inévitables soient partagés par le maximum de citoyens.
La ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Neila Nouira Gorgi, se dit «effrayée» par la hausse du prix du baril de pétrole. Elle déclare: «La situation est mauvaise. On essayera de la surmonter en rationalisant la consommation de carburants».
Elle annonce, en outre, la création d’une commission de contrôle d’utilisation des carburants et de l’énergie dans les administrations tunisiennes.
Du côté de la Banque mondiale, c’est Férid Belhaj, le président du groupe de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, qui tout en indiquant que plusieurs économies de la région Mena (y compris la Tunisie) seront «concrètement affectées par le conflit en Ukraine, annonce : «La Banque mondiale est disposée à intensifier son soutien à la production et à la commercialisation agroalimentaire nationale, à la gestion du risque agricole et à la gestion des réserves alimentaires dans les pays subissant des chocs à ce niveau, que ce soit par une hausse des coûts de l’énergie et des engrais ou par une combinaison des deux dans certains pays de la région comme la Tunisie».
En Tunisie, on ne se croise pas les bras en attendant que la Banque mondiale passe à la concrétisation du programme annoncé par Férid Belhaj.
Tout en affirmant que la pénurie de farine et de semoule «est le fait des actes de spéculation et de contrebande», on fait activer les mécanismes de contrôle et de lutte contre les spéculateurs à un rythme de plus en plus soutenu.
Ainsi, l’on apprend que 17 tonnes de produits alimentaires ont été saisies dans la région de Sfax et que le propriétaire d’une entreprise de produits alimentaires dans la région de La Manouba (Bir Nejma de Mornaguia) a été écroué pour détention illégale de 24 tonnes de produits de base subventionnés, à savoir du sucre, de la farine, de la semoule, des pâtes alimentaires et du couscous.