A l’heure actuelle, les crises prolongées dues aux conflits et à d’autres crises humanitaires (pandémies), ainsi que l’accroissement démographique rapide ont provoqué une envolée des prix des produits agricoles de base et une dépendance accrue à l’égard des importations alimentaires.
La nouvelle escalade des prix agricoles due au conflit Russie-Ukraine a dû alarmer les pays du monde. Elle intervient dans un contexte où les prix des denrées de base étaient déjà exceptionnellement tendus. L’aggravation de ce conflit militaire constitue ainsi une menace pour la sécurité alimentaire, bien au-delà du pays envahi.
Fréquemment conjugués à des chocs économiques, ces risques, qui se recoupent souvent, sapent les moyens de subsistance et plongent des millions de personnes dans une insécurité alimentaire aiguë élevée. La pauvreté, les inégalités généralisées et l’impact sanitaire aggravent la situation.
Les conséquences économiques des crises sur l’économie tunisienne sont très peu mesurées et annoncent une crise complexe et multiforme. Cette crise est le résultat de la combinaison de deux perturbations économiques distinctes qui, de par leur synchronisation, s’amplifient mutuellement. Il s’agit des conséquences économiques mondiales de la pandémie, transmises à l’économie nationale par le reste du monde, principalement via la crise du marché pétrolier et secondairement par les autres marchés, notamment celui des produits alimentaires. S’ajoute à cela la forte perturbation interne qu’a subie l’économie nationale, engendrée par le net ralentissement de l’activité économique.
Eliminer l’insécurité alimentaire
Garantir une alimentation suffisante et accessible à toute la population est un objectif constant imposé par l’ampleur de la pauvreté qui touche, depuis quelques années, les citoyens. L’accès de tous à une alimentation bon marché est ainsi devenu, avec le temps, un élément constitutif du contrat social proposé au peuple. Assurer les disponibilités et maintenir les prix alimentaires à des niveaux conformes au niveau du pouvoir d’achat du citoyen sont l’objectif assigné, tout en faisant face aux ruptures d’approvisionnement et aux pénuries alimentaires. La sécurité alimentaire et nutritionnelle concerne non seulement les questions de l’alimentation stricto sensu, mais également différents domaines qui relèvent du développement, de la paix et de la sécurité globales, tels qu’énoncés par les Objectifs du développement durable. L’étude de l’Institut tunisien des études stratégiques sur « la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Tunisie » — basée sur une hypothèse fondamentale que la sécurité alimentaire et nutritionnelle est inséparable de la sécurité agricole —, montre que l’agriculture tunisienne a réalisé durant les deux dernières décennies d’importants progrès notamment en atteignant l’autosuffisance dans certains produits (lait, viandes, fruits et légumes), en limitant la dépendance aux importations et en s’imposant sur des marchés externes grâce à des produits d’un bon rapport qualité/prix. L’étude reconnaît aussi que le système de protection sociale fait partie des instruments principaux pour améliorer la résilience et protéger les plus vulnérables dans des situations fragiles. « Le système de protection sociale est un mécanisme dont le rôle est d’atténuer et, chaque fois que c’est possible, éliminer l’insécurité alimentaire et la faim à l’échelle des ménages. Des programmes de protection sociale bien conçus et bien mis en œuvre peuvent traiter efficacement les causes de l’insécurité alimentaire ». La Tunisie n’a, depuis de nombreuses décades, jamais connu de situation de pénurie alimentaire et /ou de graves difficultés d’approvisionnement ayant entraîné une quelconque insécurité alimentaire. Les questions de disponibilité et d’accès aux produits alimentaires ne se sont jamais posées depuis de longues années. D’ailleurs elle est l’un des trois pays africains à être classée au niveau mondial dans la catégorie « good performance » en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle.
D’ailleurs, c’est grâce au filet social et plus particulièrement à la Caisse générale de compensation que le pays a pu se prémunir des répercussions de la crise alimentaire mondiale de 2007-2008.
Risques et défis
Des risques, on en recense beaucoup touchant les problèmes fonciers, l’usage non raisonné des pesticides, l’épuisement des nappes phréatiques, la pollution, la désertification, l’inadaptation des circuits de distribution, la faible organisation du monde rural, le soutien institutionnel insuffisant accordé au secteur agricole, la hausse des coûts de production et à la consommation, le ralentissement de la croissance, les changements climatiques, le stress hydrique.
Face à la multitude des risques, « le pays doit relever les défis pour se prémunir de l’impact de l’insécurité alimentaire. Ces défis concernent particulièrement la disponibilité des aliments dont le pays est largement dépendant de l’étranger pour sa nourriture, sachant que l’accroissement de la production nationale est entravé par les conditions climatiques et les faiblesses techniques et financières. Cela outre l’utilisation et les habitudes de consommation qui sont tributaires des prix pratiqués sur le marché intérieur. Tant que persistent les distorsions actuelles en matière de prix de produits subventionnés, la consommation du Tunisien aura tendance à rester déséquilibrée. Avec la mise en œuvre du nouveau plan de développement, la Tunisie devra impérativement répondre aux attentes des agriculteurs, des consommateurs, des producteurs. La stratégie de la sécurité alimentaire et nutritionnelle devrait également prendre en compte l’évolution des rapports géopolitiques entre le nord et le sud de la Méditerranée, entre les pays développés et le reste du monde.