Accueil Actualités Cérémonie de commémoration du décès du Dr Hamed Karoui : Une vie au service de la patrie

Cérémonie de commémoration du décès du Dr Hamed Karoui : Une vie au service de la patrie

Il y a deux ans disparaissait le Dr Hamed Karoui, homme d’Etat par excellence qui a dévoué sa vie au service de sa patrie depuis sa prime jeunesse jusqu’au crépuscule de sa vie.

Dimanche dernier, ses amis, ses compagnons de route et les membres de sa famille se sont recueillis à sa mémoire pour évoquer les hauts faits de cet homme dont l’empreinte restera à jamais gravée dans l’histoire du pays et de sa région natale, Sousse.

Mohamed Raouf Yaiche, en maître de cérémonie, a énuméré les qualités intrinsèques de cet homme intègre qui a consacré sa vie à servir son pays et  qui le placent parmi les personnalités les plus influentes qui ont marqué l’histoire du pays. 

Deux moments forts ont marqué cette cérémonie qui n’a pu être organisée après son décès qui a eu lieu en pleine pandémie, le 27 mars 2020, à savoir la projection d’un film documentaire brillamment réalisé par le grand journaliste Khaled Njah, en collaboration avec l’historien Arbi Snoussi, avec la participation des archives de la Télévision nationale. Ce film, qui retrace le chemin du défunt depuis son adhésion au mouvement scout au Sahel, son départ en France pour poursuivre ses études en médecine et la fondation de l’Uget et de son activisme au sein de la Ligue des étudiants de l’Afrique du Nord à Paris,  est revenu sur son passé de militant au sein du parti destourien dès l’âge de 15 ans ainsi que des différentes responsabilités dont il a eu la mission d’assumer dans les hautes sphères de l’Etat. Plusieurs témoignages ont rehaussé la trame de ce film, à l’instar de celui de Foued Mbazaa, ancien président de la République, qui a affirmé que c’était Hamed Karoui qui l’avait convaincu d’accepter cette charge historique à un moment très délicat de l’histoire du pays. «J’ai dit à Mohamed Ghannouchi que vous avez trouvé la seule personne à laquelle je ne pouvais pas dire non», a-t-il indiqué. «C’est lui qui a été à l’origine de l’idée d’une conciliation nationale après 2011», a-t-il révélé. Mohamed Ghannouchi, ancien Premier ministre, a restitué dans son témoignages les grandes qualités de cette personnalité en termes de rigueur, de ponctualité, de perspicacité, de pragmatisme,  d’éthique et de valeurs démocratiques.

Sadok Ayech, ancien gouverneur de Sousse, est lui aussi revenu sur ses souvenirs avec le Dr Hamed Karoui et a évoqué les efforts consentis par lui en faveur du développement de cette ville et de son expansion. Ancien conseiller médiatique qui a travaillé à ses côtés, Taïeb Youseffi a  rappelé la place qu’il accordait à la santé en répétant une citation chère au Dr Hamed Karoui à savoir que «la sante quoi qu’elle coûte n’a pas de prix». Moez Driss a pour sa part évoqué l’apport de cet homme dont l’amour n’a jamais été interrompu à son club, l’Etoile sportive du Sahel, et son soutien indéfectible à ce club où il a joué en tant que junior avant d’en assumer la présidence pendant plusieurs années. Le fim porte aussi sur sa passion pour la chasse qui avait l’avantage de le mettre en contact permanent avec les agriculteurs et la population rurales, a souligné Ibrahim Sghaïer, agriculteur. Sa veuve, Rafika, a évoqué pour sa part Hamed Karoui, l’homme, le père de famille attentionné et affable.

Faire participer l’opposition

Prenant la parole, Chedly Naffati, ancien ministre et ex-SG du RCD, a rappelé les positions délicates mais courageuses dans le domaine politique du Dr Hamed Karoui, à l’instar de son insistance à faire participer l’opposition aux élections législatives et en tant que fervent défenseur de l’entrée de cette opposition au Parlement en 1994. Il a dit que Hamed Karoui voulait convaincre Ben Ali à mettre un terme à la crise de la Ligue tunisienne des droits de l’homme en 1992, mais qu’il n’est pas parvenu à le faire. «Cela lui restera comme un pincement au cœur», a-t-il affirmé. Pour sa part, Ghazi Ben Tounes, l’un des fondateurs du mouvement destourien après 2011, est revenu sur ses différentes rencontres avec Hamed Karoui avant et après 2011. Il affirme que la phrase d’un officier français à l’égard de Hamed Karoui qui portait une chéchia en lui intimant l’ordre d’enlever «cette cage à poux», l’a exhorté à entrer en politique alors qu’il était encore enfant. «Pour Hamed Karoui, la politique c’est comme la bicyclette on l’apprend jeune, jamais adulte», disait Hamed Karoui. Il s’est aussi remémoré de sa phrase percutante, après 2011: «Destouriens, relevez vos têtes», qui a eu l’effet mobilisateur pour le retour sur scène des militants de ce parti à la vie politique. L’ancien ministre Mohamed Jgham a lui aussi pris la parole pour décrire la relation entre deux amis qui se connaissent depuis 1979 alors qu’ils assumaient tous les deux des responsabilités municipales à Sousse et Hammam-Sousse. Il a passé en revue les efforts déployés pour l’action municipale et pour le tourisme. «On a passé trente années sous Bourguiba, vingt trois années sous Ben Ali. C’était une direction éclairée, avec un niveau de rendement qui a honoré le pays et l’a propulsé sur la voie de la prospérité. Parmi ces hommes qui font honneur au pays, il y avait Hamed Karoui», a-t-il conclu. Faïza Kefi, ancienne présidente de l’Unft et ex-secrétaire d’Etat et ministre, est revenue sur l’appui constant du Dr Hamed Karoui au profit de la femme. Elle a témoigné de son engagement en faveur de la femme tunisienne et a évoqué ses positions courageuses à l’origine de plusieurs lois et initiatives pour la promotion de ses droits et son intégration dans la société. Elle a déploré le fait qu’après tant d’efforts, on parle de nouveau de l’éradication de l’analphabétisme des femmes et des discriminations à son encontre dans divers secteurs. Abdelhakim Bouraoui, ancien chef de cabinet de Hamed Karoui, a résumé sa méthode de travail en tant que Premier ministre aux pouvoirs limités dans un régime présidentiel. Il a indiqué que cet homme a pu insuffler au Premier ministère une nouvelle dynamique basée sur la compétence, l’effort, le mérite et la perspicacité. «Il n’a jamais jugé les gens à partir de leurs affiliations politiques ou origines et préférait la stabilité dans l’administration», a-t-il affirmé. Hédi Djilani, ancien patron de l’Utica, n’a pas tari d’éloges sur le parcours distingué de Hamed Karoui qui était toujours à la rescousse de l’investissement local et a été d’un soutien indéfectible pour la protection de l’économie et de ses secteurs vitaux face à la pression de la communauté européenne. Il a indiqué que grâce à cette synergie positive avec le patronat, «on est parvenu à employer 850 mille jeunes en quelques années», a-t-il affirmé.

Pas de manoeuvres

Raouf Berrejeb a abondé dans le même sens en disant que Hamed Karoui n’a jamais fait partie de quelques manœuvres politiques que ce soit et qu’il s’est toujours rangé du côté des causes justes. «Il recevait les ministres et les hauts responsables après la fin de leur mission pour les réconforter et leur expliquer les raisons de leur limogeage», a-t-il indiqué. Il avait redonné âme au Pacte national et a défendu l’idée de la légalisation du Mouvement islamiste en autorisant la publication du journal Al Fajr. Il a aussi donné forme aux négociations sociales trisannuelles pour garantir la stabilité politique et la paix sociale, selon ses propos.

Aissa Baccouche est revenu sur le passé de Hamed Karoui en tant que militant au sein de l’Uget et a affirmé qu’il était un bourguibien jusqu’à l’os. «Il disait que seul le militantisme donnait un sens à la vie», a-t-il affirmé. Revenant sur ses années passées à la tête de l’ESS, Hammadi Mestiri a évoqué son adhésion en tant que joueur junior au sein de cette équipe. Il a relaté l’histoire de la dissolution de l’ESS par Bourguiba suite à des violences qui ont émaillé un match de foot et les efforts consentis par Hamed Karoui pour retenir les joueurs en les plaçant au club soussien et comment il a pu convaincre Bourguiba de revenir sur sa décision.

Abdellatif Fourati a évoqué comment il a pu convaincre Hamed Karoui de parler de ses souvenirs et a affirmé qu’une importante somme de témoignages est disponible pour les historiens et les chercheurs. «Des heures de tournage ont été filmées par Taoufik Habieb (Leaders), éditeur du livre Une vie en politique, a-t-il révélé. Son fils Maher Karoui a remercié au nom de la famille tous les présents. «Au cours de ses derniers jours, mon père, qui se réveillait de temps à autre de son coma, n’avait que deux questions à demander : comment va le pays et comment va l’ESS ?», a-t-il indiqué.

Cette cérémonie aura permis à l’assistance de mieux appréhender le pragmatisme et l’habileté de Hamed Karoui à trouver, à attirer et à utiliser les compétences. En effet, les différents témoignages ont pu mettre en exergue sa maîtrise des dossiers et son aptitude à contrôler l’évolution de ses troupes, des qualités qui forment quelques-uns des atouts qui forcent l’estime. En le côtoyant de près, ses compagnons de route ont mis en lumière le secret latent de la personnalité de cet homme dont la volonté est constamment tendue vers l’action et la création. Avec son départ, la Tunisie déplore une grande perte d’une figure politique hors pair symbole de dévouement et d’abnégation.


Bio express

— Hamed Karoui est né le 30 septembre 1927 à Sousse où il a poursuivi ses études primaires et secondaires.

— Il a adhéré à l’âge de quinze ans au Parti du destour libre (1942-1964). Il s’est ainsi engagé dans le Mouvement de la libération nationale, tout en adhérant au Mouvement scout tunisien et a été chargé de superviser le journal de résistance interdit «Al Kifah».

— Après avoir obtenu son baccalauréat en juin 1946, il part en France pour poursuivre ses études à la faculté de Médecine de Paris. Entre-temps, il a été élu président de la cellule destourienne et président de la Fédération destourienne en France. Il était aussi actif au sein de la Ligue des étudiants musulmans de l’Afrique du Nord et est l’un des fondateurs de l’Uget en 1953.

— Après avoir obtenu son doctorat en médecine dans la spécialité des maladies respiratoires, il regagne la Tunisie pour exercer en tant que spécialiste et chef du service des maladies respiratoires à l’Hôpital régional de Sousse.

— Il a présidé la cellule destourienne de Sousse-ville (1957-1988) et a été élu à plusieurs reprises membre du Comité de coordination du parti et en tant que vice-président de la commune de Sousse (1957-1992) et en tant que président de celle-ci (1985-1990)

— Hamed Karoui est aussi connu pour ses activités sportives intenses à travers sa présidence de l’Etoile Sportive du Sahel de 1962 à 1981 et en tant que président du Club Soussien lors de la fusion des deux clubs de 1962 à 1963.

— Il a été élu en 1964 député à l’Assemblée nationale pour la région de Sousse et a été réélu en 1981, 1986, et 1989 et en tant que vice-président de l’Assemblée (1983-1986).

— Durant les années soixante-dix, il a été élu membre du Comité central du parti et a été nommé membre du Bureau politique du parti en 1981.

— Hamed Karoui a aussi assumé plusieurs hautes responsabilités au sein de l’Etat puisqu’il a été nommé par Bourguiba en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports (1986-1987) et en tant que directeur du parti (1987).

— Il a été nommé par l’ancien président Ben Ali en tant que ministre de la Justice (1988-1989), Premier ministre (1989-1999) et vice-président du RCD jusqu’à septembre 2008.

— Après avoir quitté la politique pour des années, Hamed Karoui fonde le parti du Mouvement destourien, le 23 décembre 2013, qui deviendra le Parti destourien libre (PDL), le 16 aout 2016.

— Le 27 mars 2020, Hamed karoui décède après une grande carrière politique honorable


 

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