Un champ de mines

Editorial La Presse

En mission en Tunisie, l’équipe du FMI ne semble pas avoir cerné une vision cohérente entre la partie gouvernementale et les partenaires sociaux sur la mise en œuvre des réformes préconisées par les autorités et exigées par ce bailleur de fonds pour pouvoir relancer la croissance et améliorer la soutenabilité de la dette du pays. Ces mesures concernent essentiellement la réduction de la masse salariale et la levée progressive des subventions, tout en accordant la priorité aux dépenses de santé et à l’investissement, ainsi qu’en protégeant les dépenses sociales ciblées. Cela dit, sans un programme de réforme solide, crédible et bénéficiant d’un soutien étendu pour entamer la réforme des entreprises publiques, pour rendre la fiscalité plus équitable et favorable à la croissance, et pour apurer les arriérés qui ont été accumulés dans le système de sécurité sociale, il serait impossible d’avoir une nouvelle lampée financière à même de rallumer les moteurs de l’économie nationale.

Malgré les effets insoupçonnés de la crise en Tunisie, l’Ugtt, principale force ouvrière dans le pays, a opposé une fin de non-recevoir à certaines mesures douloureuses pour les couches sociales.

Ce qui laisse les envoyés du FMI peu confiants dans les engagements du gouvernement consignés dans un document pour entreprendre les réformes envisagées. C’est que le gouvernement Bouden n’est pas le premier à avoir promis de telles mesures sans toutefois pouvoir mener à terme ses engagements, faute d’adhésion des partenaires sociaux.

Et même si l’Ugtt est consciente des effets dévastateurs sur la paix sociale, la centrale syndicale, qui refuse d’être le témoin du massacre des couches sociales, n’est pas contre l’octroi de nouveaux crédits au pays. Mais le débat qui semble avoir pris l’allure d’une simple divergence de points de vue entre le gouvernement et l’Ugtt est beaucoup plus grave. En effet, avec un pouvoir d’achat qui s’érode à vue d’œil, rien que le gel des salaires pourrait provoquer à court terme une colère sociale dans un contexte périlleux où le pays est en pleine turbulence à cause des tiraillements politiques. C’est un champ de mines où s’avancer ne sera pas sans risques.

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