Mouvements sociaux : Fin de la trêve hivernale ?

Il s’agit d’un très long débat qui revient inlassablement sur des dossiers aussi explosifs que ceux des ouvriers de chantiers, des diplômés chômeurs, des blessés et martyrs de la révolution, des doctorants chercheurs, des fichés de la police et bien d’autres jusque-là en suspens.

« Neuf mois de fausse grossesse déjà passés après le fameux 25 juillet, au cours desquels on s’est battu contre des moulins à vent, sans venir à bout de notre cause réelle », c’est en ces termes que vient s’exprimer le jeune Abdelhak Basdouri, porte-voix des mouvements sociaux et représentant de leur coordination à l’échelle nationale, lors d’une conférence de presse tenue, hier matin, au Snjt à Tunis. Son intitulé « Entre l’existant et le souhaité » réveille les vieux démons d’un nombre de questions sociales sur lesquelles ont buté tous les gouvernements post-révolution.

Décennie de vaches maigres

A vrai dire, il s’agit d’un très long débat qui revient inlassablement sur des dossiers aussi explosifs que ceux des ouvriers de chantiers, diplômés chômeurs, blessés et martyrs de la révolution, les doctorants chercheurs, les fichés de la police et bien d’autres jusque-là en suspens. Partout dans le pays, les mouvements sociaux avaient, à maintes fois, déclaré la guerre contre toute forme d’emploi précaire. « Ce fut, alors, une décennie de vache maigre, puis vint le 25 juillet, à qui on croyait fort. Mais l’espoir de voir venir des solutions vola, hélas, en éclats », déplore Basdouri, reprochant ainsi une fuite en avant. Comme si le Président Saïed avait, semble-t-il, classé ces dossiers, sans suite. « Il les a mis à la marge. Et c’est là que le bât blesse !», fustige-t-il. Et de rappeler que le soulèvement du 17 décembre-14 janvier a commencé par un simple slogan réclamant droit à l’emploi.

Aujourd’hui, au moment où les familles des blessés et martyrs de la révolution sont en sit-in ouvert, au siège de la Ltdh, d’autres mouvements sont sur le point d’éclater. « Fini la trêve, il faut revenir à la charge », hausse-t-il le ton. Le feu couve sous la cendre. Et personne ne peut prévoir l’ampleur de la menace d’escalade. Tout porte à croire que ces mouvements ne vont pas lâcher prise. Leur porte-parole persiste et signe : « Si rien n’est fait, nous allons descendre dans la rue », mettant en garde contre toute intervention musclée ou une éventuelle répression policière.  Son collègue Jamel Zamouri, chargé du dossier des ouvriers de chantiers, a passé en revue les étapes phares des négociations Ugtt-gouvernement engagées à ce sujet. Toutefois, l’accord signé à cet effet, en octobre 2020, n’a pas encore porté ses fruits.

Rompre avec l’emploi précaire

De même, la régularisation de la situation des ouvriers de plus de 45 ans fait aussi défaut. Il réclame l’application de la loi 27-2021 du 7 juin dernier, portant sur le recrutement progressif ou l’octroi d’indemnité de départ volontaire. Pire, le décret gouvernemental 436 ne semble pas assez clair et précis. Il est aussi question d’en finir avec le mécanisme 20, une des principales causes de l’emploi précaire. Il a appelé à la suppression du décret 88, afin de préserver la dignité des diplômés en chômage de longue durée. Et là, la loi 2020-38 sur le recrutement dans le secteur public continue à faire du bruit. Son rejet par le Président Saïed n’a cessé de susciter colère et exacerber des tensions régionales. Même sort pour les diplômés fichés par la police. Ces derniers ont vu leur chômage perdurer. Ils sont victimes de l’ancien régime. Et depuis, ils s’enlisent dans une crise persistante. Sans issue! Idem pour les doctorants chercheurs, une élite que l’Etat lui a confisqué son droit au recrutement. Il y a maintenant des années que cette catégorie de diplômés est marginalisée.

Un décret tant attendu !

Un des blessés de la révolution devenu aujourd’hui handicapé moteur, Khaled Ben Nejma, est revenu, quant à lui, sur l’activation, après modification, d’un décret tant attendu, celui n° 97 relatif aux procédures accompagnant la publication de la liste, déjà établie, des blessés et martyrs de la révolution. Sa promulgation tarde encore à venir. Et ce n’est que dernièrement, lors d’une rencontre au palais de Carthage, que le Président de la République a promis de la publier d’ici la fin du mois prochain.

En voilà l’ensemble des revendications mentionnées au cours de la conférence par la coordination nationale des mouvements sociaux qui n’a pas manqué d’appeler à resserrer les rangs et faire en sorte que le gouvernement lui trouve des solutions. Son message est inviter toutes les parties concernées à s’asseoir, de nouveau, autour de la table de dialogue.

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