Le visuel, les statistiques, l’impression et la comparaison nous disent que notre équipe de Tunisie a été surtout «chanceuse» et peu créative. Ce n’est pas cela qu’on aime comme image et profil en allant au Mondial.
On s’est qualifié au Mondial qatari, et c’est une performance, personne n’en doute. On est content, bien sûr pour la réalisation en tant qu’objectif atteint. Et c’est tout, car au fond, cette qualification n’était pas convaincante du tout. Elle n’était pas sensationnelle, elle n’a pas touché quelque chose en nous. Ce fut même une qualification effrayante, stressante contre un Mali qui a mieux joué que nous, qui nous a mis au bloc très bas, essayant de défendre avec solidité sans plus. Franchement, c’était une «petite» qualification.
Faux, vrais arguments
Sur les deux matches face au Mali, on n’a produit qu’une seule vraie occasion digne de ce nom. Face à 40.000 spectateurs et pendant 90’, on n’a fait que défendre.
Devant, ce fut des attaques et des mouvements peu clairs, légers et pas du tout solides pour déstabiliser la défense malienne. On a laissé l’initiative au Mali et là, contrairement à ce que certains disent, on a laissé le ballon et la construction à l’adversaire non par choix, mais par obligation. Ils étaient meilleurs, surtout à l’entrejeu où ils ont gagné beaucoup de duels. Ils ont maîtrisé le rythme du match face à un bloc tunisien soudé, oui, mais qui n’a pas avancé. Les Maliens n’étaient pas tranchants en attaque, et c’est notre défense qui en a profité pleinement. Regardez les deux matches, et vous allez voir que c’était un calvaire. Nous défendons, nous subissons trop le jeu sans rien entreprendre en attaque. Plus qu’une supériorité technique, c’était le défaut de ne rien tenter, et le choix de donner la confiance à l’adversaire.
Concours de circonstances, pas plus
Ceux qui parlent des fameux clichés, tels que «le plus important est de se qualifier», ou «ces matches ne se jouent pas, mais se gagnent» ou «la solidarité et l’abnégation en défense», savent très bien que notre équipe de Tunisie a été favorisée par un énorme concours de circonstances (ou chance si vous voulez) face au Mali. A l’aller, un but contre son camp, au retour au but malien heureusement faussé par hors-jeu actif d’un autre joueur malien, et un Haydara, meilleur joueur des siens qui sort blessé avant la mi-temps. La chance, c’est bien, et ce sont les grandes équipes qui l’ont. Mais quand on mise souvent sur cela, le foot finit un jour par vous tourner le dos.
On se souvient aussi de ce fameux 0-0 contre la Libye en 2017 et cette qualification pénible où les Libyens n’ont pas été si déterminés pour gagner. L’histoire se répète presque : le Mali était plus fort que la Libye, mais c’est toujours cette réussite qui vient de nulle part pour nous aider. Cela, ce n’est pas la bonne image qu’on veut de notre équipe qui a des joueurs pour mieux jouer, mieux se comporter et nous épargner cette éternelle souffrance à attendre l’adversaire et verrouiller notre zone, en attendant un contre, une erreur adverse qui vient, ou ne vient pas.
Et Jalel Kadri dans tout cela ? L’homme entre dans l’histoire comme étant celui qui a qualifié l’équipe de Tunisie au Mondial. Mais, en même temps, il n’a pu apporter plus de conviction par rapport à Kebaïer. C’est toujours le même style fade, c’est toujours ce goût d’inachevé quand on gagne. Pourquoi ce stratagème défensif qui devient un modèle tactique permanent ? C’est qu’au fil des années, notre équipe nationale verse de plus en plus dans ce profil d’équipe «attentiste», recroquevillée en défense pour espérer surprendre l’adversaire. Au fil des années, on défend plus (et pas nécessairement mieux), on attaque et on produit moins. La version de la sélection qui a affronté le Mali est la plus défensive, la moins créative sûrement. Et ce ne sont pas les joueurs qui manquent pour offrir quelque chose de solide. On peut défendre, subir même, mais quand ça devient un «réflexe», quand des joueurs comme Msakni, Sliti, Ben Romdhane, Maâloul ou Drager ne réussissent presque rien sur deux matches, là on peut (on doit) réagir et critiquer. Cette qualification est bonne à prendre, mais qu’elle était si pénible et si inconfortable ! Sur les dix sélections qui ont disputé le dernier tour des éliminatoires, nous sommes l’équipe qui a produit le plus petit volume de jeu, statistiques à l’appui. La vraie question : est-ce avec ce type de jeu («non jeu» en fait) qu’on veut marquer notre Mondial qatari? Qu’on se réveille un peu de cette illusion et de ce rêve : on n’est pas le Brésil ou la France, mais on n’est pas non plus une sélection émergente ou une petite nation de foot pour nous attacher à cette fausse image. On ne demande pas grand-chose : juste qu’on joue, qu’on tente, qu’on génère des sensations et qu’on voit plus grand. Faute de quoi, on ne fera sûrement pas mieux que ces «petites» et défaillantes participations où, à chaque fois, nous avons manqué de cœur et de sensations. Et maintenant qu’on s’est qualifié, quelque chose va-t-elle changer?
crédit photos : © Mokhtar HMIMA