Il était 14h00 en ce dimanche du 2e jour de Ramadan, et précisément au carrefour de Bab El Khadra, quand une altercation éclata entre un piéton et un chauffeur de bus pour des raisons futiles…
… Une centaine de mètres plus loin, une autre dispute a eu pour théâtre le marché de Sidi El Bahri : un marchand de légumes, qui a dû oublier de rendre la petite monnaie à son client, fut traité de voleur! et, du coup, le ton monta d’un cran, on a même failli passer aux mains n’eût été l’intervention rapide de l’assistance qui a pu calmer les nerfs et inciter les deux protagonistes à la réconciliation.
Des scènes de ce genre, ayant pour cause la mauvaise humeur appelée communément «H’chicha», se reproduisent souvent au cours de ce mois de carême.
Plusieurs «jeûneurs» deviennent agressifs et nerveux. Cet état de fait risque de compromettre la sérénité des rapports au sein de la société et de la famille.
Une mine grogneuse
Un jeune lycéen nous révèle qu’il préfère ne pas adresser la parole à son paternel qui affiche tout au long de la journée une mine grogneuse durant tout le mois saint.
Un autre lycéen reconnaît aussi le changement de caractère de son père qui, d’habitude gai et complaisant, devient mélancolique et taciturne.
Une mère de famille, employée de banque, reconnaît ses sautes d’humeur et impute son état d’énervement au rétrécissement du temps réservé à l’accomplissement des différentes tâches ménagères. «Je ne tolère pas les turbulences et les jeux imprudents de mes gosses, puisque je suis appelée à mettre de l’ordre dans ma demeure et préparer le repas d’El Iftar. Je suis tenue de respecter durant 30 jours le même impératif, à savoir ne pas traîner et achever mes tâches avant la rupture du jeûne, il faut avoir des nerfs en acier!», conclut-elle.
L’avis d’un neurologue
Nul doute que l’état psychique de l’individu est intimement lié à l’état physique. Dr N.T., spécialiste en neurologie, nous fait savoir que la mauvaise humeur affichée par quelques pseudo-croyants est généralement due au manque de sommeil. Les veillées exagérées et continues durant tout le mois du jeûne ne font que «torturer» le corps humain, qui a besoin de sept à huit heures de sommeil toutes les vingt-quatre heures. «La fatigue physique ou la nonchalance du jeûneur mal endormi ont de mauvaises répercussions sur le système nerveux, qui commande toutes les facultés de l’individu. Ne maîtrisant pas parfaitement l’ensemble de ses capacités mentales, le jeûneur en question devient à des moments précis de la journée assez dépressif».
L’avis d’un psy
Pour d’autres personnes, la saute d’humeur est imputable aux difficultés ressenties par la seule abstinence de fumer ou de boire le café matinal.
Dr T.L., psychologue, explique, en effet, que la nicotine et la caféine sont de véritables drogues qui conditionnent, d’une façon continue, l’état psychologique du fumeur. Celui-ci, en se privant du jour au lendemain du tabac, souffre inéluctablement d’un malaise psychique.
Selon Dr T.L., l’ampleur des difficultés ressenties par les fumeurs observant le jeûne dépend du degré d’accoutumance du corps humain vis-à-vis du tabac. Or, il existe deux catégories de fumeurs; une catégorie qui fume à toute heure pour satisfaire une autosuggestion permanente qui, à son tour, n’est pas reliée à un quelconque processus de stimulation. Pour une autre catégorie, qui fume dans une période précise de la journée, généralement entre les repas; les réflexes d’autosuggestion sont commandés par le travail de l’appareil digestif, tant que cet appareil observe une pause l’individu fumeur ne ressent pas l’envie de fumer.
D’après l’avis du Dr T.L. c’est plutôt la première catégorie qui supporte difficilement la période de l’abstinence et qui souffre le plus de l’état de manque de la dose journalière de tabac.
Un prétexte pour les pseudo-jeûneurs
Notre analyse sur les origines ou les causes probables de la mauvaise humeurs (H’chicha), qui sévit un peu partout durant ce mois de carême, n’est pas de nature à plaider en faveur de ceux qui se sentent forcés d’accomplir le devoir du jeûne sans pour autant pouvoir confirmer la force de leur foi. Cette analyse succincte s’insère uniquement dans un cadre purement descriptif d’une quelconque défaillance, il faut d’abord connaître ses causes et ses effets.
Toutefois, quelles que soient les explications données en vue de démystifier un état de fait, l’approche scientifique aura le mérite d’extirper le ou les origines du mal.
Si la ‘‘H’chicha’’ a des causes supposées scientifiques, il n’en demeure pas moins qu’elle sert de prétexte pour ceux qui jeûnent uniquement, parce qu’ils sont obligés de le faire, soit par simple imitation ou par effet d’entraînement sans forte conviction, car accomplir le devoir sacré du jeûne ne relève pas uniquement d’un simple rite religieux, mais d’une foi et d’une croyance qui doivent faire du mois saint une épreuve de patience, de bonne volonté, d’abstinence et de sobriété, où l’homme aura l’occasion, pour un laps de temps déterminé, de faire prévaloir l’esprit au corps.
La saute d’humeur, quelles que soient ses causes, traduit, pour le moins, l’absence du contenu spirituel dans l’accomplissement du devoir religieux… et c’est bien dommage !
Tarek ZARROUK