Houssem Eddine Touiti, directeur général de la concurrence et des enquêtes économiques au ministère du Commerce
« Les circuits de distribution représentent les canaux par lesquels passent les produits, aussi bien pour les producteurs ou les importateurs, avant d’arriver au consommateur final. Ces circuits de distribution comportent plusieurs maillons et impliquent différents intervenants. Ces circuits varient selon les secteurs. Parmi les maillons de ces circuits, il existe la vente en gros et en détail, la collecte des produits, le transport, et le stockage. Toute irrégularité au niveau de l’un de ces maillons affecte les prix et les marges de bénéfice. Ce qui favorise certaines pratiques illicites comme le monopole et la spéculation, et engendre une hausse excessive des prix. Il y a aujourd’hui plus de 600 entrepôts frigorifiques. On a remarqué une certaine réticence de la part des agriculteurs qui ne veulent plus vendre leurs produits dans le marché de gros. De ce fait, les intermédiaires se déplacent directement dans les zones de production pour acheter les produits directement chez l’agriculteur pour les vendre ensuite aux détaillants et aux marchés hebdomadaires. Il s’agit là d’un circuit illégal mais également une contrainte imposée par les conditions difficiles des agriculteurs. La hausse de certains prix est normale vu l’augmentation du coût de production en raison de l’envolée des prix du carburant et des matières premières, sachant que ces matières utilisées dans la production agricole, sont, pour la plupart, importées et subissent les fluctuations des prix internationaux et le taux de change du dinar. Le stockage a une fonction sociale et économique dans la mesure où il permet de protéger les récoltes abondantes et de les fournir aux consommateurs tout au long de l’année et, particulièrement, pendant les pics de consommation et les périodes de baisse de production. Egalement, certains produits doivent être stockés dans ces entrepôts frigorifiques jusqu’à ce qu’ils mûrissent. Mais le coût de stockage et de transport, outre les taxes imposées sur les marchés organisés, découragent les acteurs du secteur d’accéder à ces marchés.
Le produit passe du producteur aux marchés de production, ensuite aux marchés de gros ou encore des entrepôts aux marchés de gros, qui représentent le maillon le plus déterminant du circuit de distribution et l’espace de rencontre naturel de l’offre et de la demande. La vente directe du producteur au consommateur obéit à certaines conditions et doit être effectuée dans des points de vente spéciaux. 90% des agriculteurs tunisiens sont de petits agriculteurs dont les récoltes ne sont pas assez abondantes. Leurs produits sont collectés via des opérations organisées par des sociétés ou des coopératives ou encore des ouvriers pour qu’ils soient, par la suite, injectés sur les marchés de gros ou directement vendus aux consommateurs. Un projet pour la révision de l’intégralité du système de distribution a été élaboré en collaboration avec plusieurs intervenants afin de remédier aux différentes lacunes que connaissent ces circuits ».
Aram Belhadj, économiste et expert financier
« La hausse du taux d’inflation remonte au mois d’octobre, et non pas aux trois derniers mois, ajoutant que ce taux est passé de 6.2% en janvier à 7.2% en mars 2022. Cette tendance haussière est induite par certains facteurs extérieurs, dont notamment, l’augmentation de la demande dans les marchés internationaux notamment après la crise sanitaire, à l’origine de l’envolée des prix des matières premières, ainsi que l’augmentation des coûts de transport maritime. Cette crise s’est creusée davantage avec la guerre en Ukraine. L’Etat a imposé de nouvelles taxes sur le tabac et les boissons alcoolisées qui ont approfondi le taux d’inflation, rappelant que la situation des circuits de distribution a contribué à la hausse d’inflation. La hausse des prix des produits alimentaires s’explique par la hausse des prix des œufs de 22.2% et des prix de l’huile d’olive de 20%, ce qui affecte le pouvoir d’achat du citoyen ».
Hossn El Woujoud Ben Mustapha, vice-présidente de la Conect
« Les mesures économiques urgentes annoncées par le gouvernement ont été élaborées en collaboration avec la Conect. Il est important de les mettre en œuvre. La Conect a mis en garde, à maintes reprises, contre la marginalisation du volet économique qui est à l’origine de l’aggravation de la crise que traverse la Tunisie. J’appelle à mettre en œuvre ces mesures et décisions d’une manière efficace et rapide, car il ne convient pas d’attendre encore plusieurs années pour concrétiser les 50 mesures annoncées par le ministre de l’Economie, d’autant plus que certaines mesures ne requièrent pas de grands budgets, mais plutôt une volonté politique. Les textes d’application de la loi relative au financement participatif (Crowdfunding) du 6 août 2020, la loi relative à l’économie sociale et solidaire, et le décret-loi sur le statut de l’auto-entrepreneur doivent être émis pour dynamiser l’économie tunisienne. De même, il faut lever les obstacles qui freinent le développement du secteur des énergies renouvelables, outre l’amélioration de la compétitivité du tissu industriel pour qu’il soit créatif de la valeur. Face au rétrécissement du tissu industriel et le recul de la compétitivité des entreprises, l’Etat doit intervenir en urgence et concrétiser ces mesures. Comment peut-on parler d’accès des PME au financement, tout en sachant que l’Etat s’endette auprès des banques ».