• Une nouvelle déconvenue infligée à Rached Ghannouchi par les habitants de Mellassine et de Ben Arous qui ont décidé de le congédier quand il est allé vendredi et dimanche derniers accomplir les prières d’Al Maghrib et d’attarawih
• La marche de protestation organisée par Ennahdha et ses antennes, dimanche 10 avril, à l’avenue Bourguiba n’a réuni que quelque 400 participants, dont certains étaient motivés matériellement
Quels enseignements est-on en mesure de tirer de deux événements qui se sont produits à deux journées d’intervalle concernant Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha ?
Le premier événement s’est déroulé, en effet, le vendredi 8 avril à Mellassine où Ghannouchi a été chassé à sa sortie d’une mosquée par un groupe de citoyens qui lui ont intimé l’ordre de «dégager» et ont essayé même de l’agresser. Le président d’Ennahdha s’y est rendu pour effectuer la prière d’Al Maghrib. Une vidéo répercutée sur les réseaux sociaux montre les citoyens l’ayant «dégagé» le qualifier de «criminel et d’assassin».
Quant au deuxième événement, il s’est déroulé dimanche 10 avril 2022, devant la mosquée «Al Tawba» (Le repentir) à Ben Arous, où Rached Ghannouchi a été pris à partie par un groupe de citoyens qui ont scandé à son encontre le rituel slogan «Ghannouchi criminel, Ghannouchi assassin».
L’ayant aperçu, les citoyens ont crié à son encontre le fameux slogan: «Dégage».
Une première conclusion à souligner, avant de voir comment Ghannouchi et ses alliés réagissent à ce double événement et comment ils commentent le déroulement de la manifestation que le mouvement Ennahdha et le mouvement «Citoyens contre le complot» ont organisée, dimanche 10 avril, sur l’avenue Habib-Bourguiba, en dépit de la décision du gouverneur de Tunis de consacrer la même avenue exclusivement aux activités culturelles et de jeunesse».
Un désaveu qualifié
Certains observateurs voient dans la décision de Ghannouchi d’aller prier dans deux mosquées situées dans deux régions des plus populaires du Grand Tunis, en l’occurence la Cité Mellassine et la région de Ben Arous, une tentative de montrer qu’il préserve toujours «sa popularité d’antan dans les milieux où son parti est le plus enraciné, où ses sympathisants se comptent toujours par milliers et où ses fidèles contrôlent encore la situation comme à l’époque où Ennahdha et ses leaders étaient encore au pouvoir».
«Malheureusement, ajoutent ces mêmes observateurs, les calculs de Ghannouchi et de ses conseillers sont tombés à l’eau puisqu’il s’est avéré que même dans ces quartiers populaires qu’il considérait comme son fidèle réservoir électoral, il est devenu persona non grata et les habitants de ces quartiers n’hésitent plus à lui faire comprendre, à haute voix, qu’il est, désormais, indésirable parmi eux, même s’il est venu prier et se purifier».
Un message clair et précis semble ne pas être saisi comme il se doit par aussi bien Ennahdha que par ses différents leaders dans la mesure où le parti islamiste a repris la rhétorique habituelle dans un communiqué en réaction à l’agression subie par son président. Le communiqué dénonce une agression commise par «des mercenaires venus pour une mission précise, pour un agenda précis».
Et comme le désaveu subi par le président d’Ennahdha n’a pas été évalué à sa juste valeur et comme la réaction des Tunisiens n’a pas été comprise comme il se doit, les nahdhaouis poursuivent leur fuite en avant en organisant, dimanche 10 avril, un sit-in à l’avenue Bourguiba, à l’occasion de la commémoration de la fête des Martyrs.
Une manifestation qui a rassemblé quelque quatre cents personnes venues dénoncer la dissolution du Parlement par le Président Kaïs Saïed et écouter le discours de Ghannouchi, de ses lieutenants et de leurs alliés faisant partie du mouvement dit «Citoyens contre le coup d’Etat».
Et comme l’on s’y attendait, le discours développé était basé sur le slogan selon lequel le peuple est contre «le putsch et qu’il faut rétablir le Parlement dissous dans ses anciennes fonctions».
Sauf qu’Ennahdha n’a pas dérogé à ses anciennes habitudes en se contentant de pousser ses alliés au-devant de la scène dans la mesure où «aucune figure connue d’Ennahdha n’a pris la peine de participer à la manifestation, laissant le champ libre à ses alliés».
Toujours selon la même tactique, les manifestants étaient motivés par les billets de banque qui leur ont été distribués pour les inciter à participer au rassemblement.Selon les investigations effectuées par les agents de sécurité, certains suspects ont reconnu avoir touché la somme de 100 dinars de la part d’une partie ayant appelé à la manifestation.