L’ODC, ainsi que d’autres organismes de défense du consommateur, comme l’Institut national de la consommation, présidé par Mourad Ben Hassine, sous tutelle du ministère du Commerce, ou encore l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur, présidée par Lotfi Riahi, organe né en 2019 et rattaché au ministère du Commerce, ont, de tout temps, permis de retarder le plus possible, après dix années de révolution, les fléaux sociaux qui mettent à genoux le citoyen. Même s’il y a un constat d’échec aujourd’hui de l’ancien bureau directeur, Amar Dhaya, le nouveau président de l’ODC, qui est un ancien enseignant à l’Institut de presse et des sciences de l’information et de la communication, officiellement élu lors du 7e congrès de l’ODC les 5 et 6 novembre 2021, veut relever le défi, au moins en matière de bonne communication. Et le chantier est vaste. En cause, la dégradation du pouvoir d’achat, la baisse du niveau de vie, les dépassements en tous genres dans le commerce, avec la spéculation conjuguée à l’inflation galopante ces dernières années. Nous lui avons demandé de nous dévoiler la stratégie qu’il compte mettre en place en concertation avec le ministère du Commerce afin de restaurer la confiance entre les commerçants et les consommateurs.
M. Dhaya, veuillez nous rappeler le contexte de votre élection à la tête de cette institution nationale, votre parcours en bref et pourquoi avez-vous accepté le challenge de succéder à Slim Saadallah ?
Mon arrivée à la tête de l’Organisation de défense du consommateur est inattendue. A vrai dire, je m’attendais à occuper un autre poste, à savoir celui de responsable au sein du département de la communication au sein de l’ODC. Je dois désormais dépasser mes fonctions de communicateur, car un président élu doit être au cœur de l’organisation et communiquer en permanence sur son travail et présenter un plan d’action.
Les nouveaux membres élus pour un mandat de cinq ans se doivent également de relever le défi de l’échec des dernières années et tirer les leçons du passé. Il s’agit de relever un challenge important pour améliorer l’environnement tunisien délétère sur le plan commercial notamment, car il y a beaucoup de corruption, malgré l’absence de moyens financiers suffisants. L’ODC, organe indépendant, reçoit régulièrement des subventions de l’Etat depuis 2011, mais depuis 2019, les vannes ont été coupées. Parmi les problèmes sous-jacents à l’activité, 3 fonctionnaires n’ont pas perçu leurs salaires depuis janvier 2022. En outre, il y a des impayés avec des factures Steg et Sonede qui traînent dans les tiroirs. L’organisation administrative reste inchangée et toujours bien en place. Dans chaque gouvernorat et délégation, il y a un bureau local, des membres élus pour 5 ans avec la contribution permanente des anciens présidents de l’ODC depuis 2011, dont Mohamed Zarrouk, Lotfi Saïdi et Slim Saadallah. Nous travaillons pour que les Tunisiens deviennent des consommateurs avertis et qui sont informés et sensibilisés sur les dépassements en tous genres, les lois, le fonctionnement des circuits…
Nous voulons tenir informés en permanence ces derniers, en créant une nouvelle dynamique et en organisant des séminaires, des workshops, des tables rondes et bien plus encore.
Est-il possible de mettre un frein à la dégradation lente et inexorable du pouvoir d’achat du Tunisien ? Même si des solutions sont proposées, à l’instar de la création de points de vente du producteur au consommateur, celles-ci sont ponctuelles et ne s’inscrivent pas du tout dans la durabilité…
La situation est très complexe. De ce fait, l’ODC reçoit beaucoup de doléances provenant des consommateurs, sur tout ce qui se passe sur les circuits de distribution. La conjoncture actuelle difficile avec, notamment la guerre en Ukraine, va impacter négativement sur l’activité des industriels et des agriculteurs qui vont être contraints d’augmenter les prix à la production. Malgré tout, il faudra s’atteler à veiller à la traçabilité des produits et contrecarrer les pénuries artificielles sur les circuits de distribution avec la rigueur requise. Il faut rassurer le consommateur et arriver à baisser ou, du moins, faire stagner les prix, car il y a un risque d’effondrement de l’économie tunisienne en l’état actuel des choses. Il y a 4 millions de Tunisiens qui vivent dans la pauvreté. Beaucoup vivent avec 4,8 dinars par jour quand d’autres familles nécessiteuses ne perçoivent qu’une maigre allocation de 200 dinars par mois. Les travailleurs temporaires, les ouvriers de chantier… arrivent difficilement à joindre les deux bouts à la fin du mois avec 400 dinars mensuels, et la classe moyenne a un pouvoir d’achat qui se dégrade au fil des ans avec des salariés dont la paie mensuelle de 1.500 D tient tout juste pour 15 jours. Certes, l’Etat, à travers le ministère de tutelle, continue à subventionner les denrées alimentaires de base, à l’instar des pâtes, de l’huile, de la farine… et lutte contre les dépassements et les pratiques illicites dans les circuits officiels. L’ODC se concerte régulièrement avec le ministère du Commerce pour combattre la cherté des prix sur les étals des marchés. Mais seulement sur le court terme.
N’y a-t-il pas lieu d’innover et de trouver d’autres parades plus rigoureuses et efficaces pour soutenir le pouvoir d’achat du Tunisien ?
Nous ne devons pas nous contenter de recevoir les doléances des consommateurs. Des solutions radicales doivent être envisagées. Des formations techniques pour les équipes de l’ODC auront lieu en mai et octobre prochains sur le commerce électronique. Pour l’anecdote, j’ai vécu, il y a quelque temps, une expérience insolite durant laquelle j’ai constaté que l’agriculteur vendait son kilo de tomates à 200 millimes, alors qu’il est écoulé sur les étalages du marché à 1,5 D, ce qui suppose qu’il existe une marge de 1,3 D qui est absorbée… par les intermédiaires du transport et du marchand final. Je crois en la dynamique humaine sur le plan régional, local et central pour créer toute une chaîne visant à informer en permanence le consommateur final. Pour exemple, la page facebook «Mauvais plan», initiative d’un collectif de citoyens, recense beaucoup de défaillances dans le secteur commercial. Le dernier tollé soulevé en Belgique et en France sur la présence de salmonelle dans les chocolats Kinder a seulement fait l’objet d’un communiqué des ministères de la Santé et du Commerce pour avertir sur les risques de la consommation de ces produits incriminés, sans en interdire formellement l’importation et la commercialisation, alors qu’ils peuvent être potentiellement dangereux pour nos enfants. Il est certain que «les gros poissons» de la distribution commerciale des produits importés, ont leur mot à dire et cherchent à tout prix à écouler leurs stocks. Or, l’ODC ne peut s’opposer aux décisions des autorités de tutelle.
Les prix à la consommation n’ont pas cessé d’augmenter ces dernières années, comment expliquez-vous cela ?
Le consommateur tunisien s’endette à longueur d’année à coups de crédits à la consommation, si bien que le jour “J” pour se soigner, il ne trouve pas l’argent nécessaire. On vit dans un système à l’américaine, axé sur la surconsommation et qui ne fait qu’appauvrir la classe moyenne.
Les magasins de prêt-à-porter ne font plus recette à cause des charges et des taxes qui sont lourdes et de la concurrence déloyale de la friperie. Comment améliorer le pouvoir d’achat du consommateur tunisien?
Le consommateur tunisien est la clé de voûte de l’économie tunisienne. Cependant, vu le contexte actuel, on constatera un faible pourcentage de consommateurs durant la deuxième quinzaine de Ramadan qui vont aller acheter les vêtements de l’Aïd pour leurs enfants. Nous avons pu constater que les derniers soldes d’hiver sont un échec cuisant. Le Tunisien doit revoir son rapport à la consommation. Durant les années 40, au plus fort de la Seconde guerre mondiale, quand il n’y avait pas de fripe, des tissus de vêtements militaires et des sacs de semoule, de riz ou de sucre sont récupérés pour en faire des habits pour les enfants et les adultes. Actuellement, beaucoup de citoyens appartenant à la classe moyenne n’ont pas les moyens de s’acheter de nouveaux vêtements, vu les prix élevés dans les centres commerciaux et magasins. Donc, je pense qu’il est temps d’adapter les prix au pouvoir d’achat des Tunisiens.
Pensez-vous que le boycott soit une arme efficace contre la spéculation?
Le boycott est une arme contre les abus et les dépassements. L’importation à outrance doit être réduite au profit des médicaments qui sont prioritaires. En outre, le consommateur doit être conscient qu’il doit rationaliser ses dépenses et ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Je demande aux consommateurs tunisiens de se renseigner en permanence sur les prix des produits et de communiquer toute fraude ou dépassement à l’ODC, sur le standard : 71.190.190 ou sur sa page officielle facebook.
chokri
24 avril 2022 à 09:23
C’est bien de nous expliquer votre parcours de parler de défense du consommateur. Le peuple Tunisien demande l’affichage des prix, 90% des commerçants n’affiches pas les prix, les balances sont falcifier, il suffit de jeter un oeil sur les balances: soit l’écran est caché derrière l’étalage de marchandises, soit la balance elle penche, il y a un niveau sur les balances électronique, il n’est jamais juste. Je vous invite vous journalistes à vérifier mes propos.
Abdelaziz
3 août 2023 à 16:00
Bonjour,
J’essaie de vous contacter pour un problème avec ma banque qui facture un service et ne le fait pas en plus ne repend pas à mes mails. Mais vos numéros ne fonctionnent pas, votre site ne donne pas de formulaire pour vous contacter ! Alors comment vous défendez les consommateurs tunisiens ?