
L’économie créative est un domaine de recherche considéré comme étant le prolongement de l’économie de la connaissance. Promouvoir l’économie créative devrait être alors une sorte de contribution au passage à l’économie du savoir, très riche en activités à haute valeur ajoutée et intensives en technologie. C’est d’ailleurs le rôle qui échoit au Centre international de Tunis pour l’économie culturelle créative qui a vu le jour en 2019. Nouvellement créé, le centre a un long chemin à parcourir pour faire de l’économie créative une composante essentielle de la création de la valeur ajoutée. Nous avons rencontré la directrice générale du centre, Saloua Abdelkhalek, et ce, en marge du débat sur le métaverse qui s’est tenu la semaine dernière à la Cité de la culture. Elle apporte son éclairage.
Présentez-nous le centre et sa mission ?
La mission principale du centre est de faire de la culture, et du contenu culturel, un contenu qui a une valeur ajoutée économique. Pour ce faire, nous avons mis en place des programmes qui sont basés sur la valorisation du patrimoine et du contenu culturel. On entend par patrimoine tout ce qui est patrimoine matériel, sites archéologiques, monuments, musées mais aussi patrimoine immatériel, notamment le patrimoine culinaire, l’habit traditionnel, le savoir-faire… Le contenu culturel concerne les industries culturelles créatives, c’est-à-dire les jeux vidéos, le design…, bref toute activité culturelle et créative selon la définition des diverses institutions internationales telles que l’Unesco et l’Union européenne.
Donc, notre objectif est de promouvoir les industries culturelles et créatives via le digital. Le centre encourage et appuie les startup et les jeunes porteurs de projets afin de les aider à lancer des projets culturels innovants avec la touche digitale. A travers ces projets, nous travaillons, tout d’abord, sur la valorisation de notre patrimoine et des contenus culturels via les nouvelles technologies. Cela va nous aider à redorer l’image de la Tunisie à l’international et à faire la promotion de notre destination. D’autre part, nous accompagnons les jeunes à rejoindre le marché du travail en les aidant à lancer leurs startup et pénétrer le marché. C’est dire l’importance de ce nouveau créneau qu’est l’économie créative et son apport en termes d’emplois pour les jeunes et aussi en termes de croissance d’autant que les industries culturelles et créatives contribuent en moyenne de 3% au PIB international alors qu’en Tunisie, malgré les richesses patrimoniale, culturelle, civilisationnelle, et humaine (la Tunisie fourmille de jeunes compétences dans le domaine des nouvelles technologies), la contribution de l’industrie créative ne dépasse pas le 1%. Cela revient probablement à la conception que l’on se fait de la culture, traditionnellement perçue comme un secteur purement social et de loisir et non pas comme un vecteur économique, générateur d’emplois qui peut apporter de la valeur ajoutée économique.
Quel type d’accompagnement le centre fournit-il aux jeunes porteurs de projet ?
Nous accompagnons les startuppeurs dès les toutes premières phases du projet, c’est-à-dire depuis la phase idéation. Nous avons un programme d’incubation qui s’étale sur six mois au cours duquel les jeunes peuvent bénéficier de plusieurs formations qui portent sur différents sujets tels que le business model, le marketing, les droits d’auteur, la matière technique et scientifique du patrimoine, la communication et le pitching.
Notre objectif est de les aider à se préparer pour qu’à la fin de cette incubation, ils disposent d’un prototype complet de leurs projets.
C’est important parce que c’est cela qui va leur permettre de lever des fonds et pénétrer le marché. Nous les aidons également à bénéficier des avantages de la loi Start Up Act.
La récente rencontre organisée par le centre a porté sur le sujet du métaverse. Pourquoi le choix de ce thème? Est-ce que vous considérez que le métaverse est porteur d’opportunités pour les jeunes tunisiens?
Lors du mois de Ramadan, on a choisi de débattre de plusieurs sujets. On a commencé avec le sujet des industries culturelles et créatives à l’ère de l’intelligence artificielle. Le débat s’est tenu la semaine dernière pour mettre sur le tapis la question de l’apport de l’intelligence artificielle à cette industrie et les moyens à disposition qui vont permettre de tirer profit de cette technologie. Maintenant, le débat sur le métaverse tente d’éclairer le lien entre ce nouveau concept et la création artistique et littéraire. Nous avons essayé de trouver des réponses à la question suivante : Est-ce que le métaverse peut servir de tremplin pour ces industries et, d’une manière générale, pour la création artistique et littéraire ou vont-elles subir cette transformation ? Notre objectif était de susciter la discussion autour du métaverse puisqu’on est à la croisée des chemins, soit on se positionne sur les nouvelles technologies qui accompagnent l’arrivée du métaverse, soit on reste à leur marge d’autant que le débat s’est tenu en présence d’experts et de spécialistes en technologies créatifs.
Vous avez évoqué l’appel à projets créatifs qui a été lancé à l’occasion du Sommet de la francophonie qui se tiendra cette année à Djerba. Pouvez-vous nous en dire plus?
L’appel à projets a été lancé au cours de l’année dernière. C’était un appel à destination des associations et des startup qui proposent des projets d’industries culturelles et créatives qui seront présentés à l’occasion du Sommet de la francophonie. Nous avons reçu quelques propositions et aujourd’hui on est en train de les fignoler. A vrai dire, le report du sommet a permis aux candidats d’avoir plus de temps pour finaliser leurs projets et préparer des contenus digitaux. Il faut dire que c’est une occasion en or pour la Tunisie parce qu’on va essayer, grâce au digital, de faire vivre aux visiteurs venus de divers horizons et pays francophones, une expérience tunisienne inédite. Parmi les projets qui ont été retenus, on cite la restitution en 3D des sites archéologiques, des visites 360 degrés et des visites virtuelles de monuments et de musées. Il y a des applications de localisation des sites et des monuments historiques avec des technologies qui permettent aussi aux personnes handicapées d’y accéder. Il y a d’autres projets qui se focalisent sur Djerba, l’île qui va accueillir l’événement. Je cite également l’application dédiée aux enfants “Kids tour” et d’autres projets immersifs puisque le village de la francophonie comprend une salle immersive dans laquelle on espère que tous ces projets seront présentés. Les projets retenus seront examinés par le comité du sommet pour qu’ils soient visionnés dans le pavillon tunisien, ou dans les autres composantes du village. Le cas échéant, on peut profiter des événements qui se tiendront parallèlement au sommet pour exposer tous ces projets.