
Etre un «Ifidar» nécessite un combat de longue haleine. C’est un mérite difficile à porter, mais qui reste toujours particulier et distingué. A la différence des autres parcours universitaires, les deux années de formation passées au sein de l’Ifid ne peuvent que traduire un long travail dur et fort éprouvant, mais qui porte toujours ses fruits. Ce qui distingue cet institut des autres établissements. A l’occasion de son 40e anniversaire, M. Adnene Gallass, directeur de l’Ifid, évoque dans cet entretien les défis actuels et futurs et les chantiers qu’il compte ouvrir pour consolider la position d’excellence de cet institut.
Qu’est-ce que l’Ifid et quelle mission s’assigne-t-il ?
Créé en 1981 par les États tunisien et algérien pour dispenser une formation permettant à ses bénéficiaires d’obtenir un diplôme post-maîtrise dans les domaines en relation avec le financement du développement, et plus particulièrement ceux de la Banque et de l’Assurance, l’Institut de financement du développement du Maghreb arabe (Ifid) a vu le jour dans le cadre d’une ferme volonté de renforcement des liens de fraternité entre les deux voisins maghrébins, mais aussi d’une forte volonté de promouvoir une coopération soutenue dans le domaine de la formation.
Après une série d’échange et de concertation, la convention de création a été signée le 3 septembre 1981 par MM. Mansour Moalla et Mohamed Hadj Yaâla, respectivement ministre tunisien des Finances et du Plan et ministre algérien des Finances. D’après ses statuts, l’Ifid est aussi une institution qui réalise des travaux de recherche et d’études appliquées entrant dans le domaine d’activité des banques et des assurances et qui exploite les résultats des études appliquées et des travaux réalisés et en assure la publication ainsi que la diffusion.
Depuis sa création, des personnalités de haut niveau ont pris la commande de cet établissement qui, au fil des années, est devenu un acquis national. Je cite par ordre MM. Moncef Cheikhrouhou (82-83), Mongi Ben Othmane (83-89), feu Mahmoud Besbès (89-95), Hachemi Alaya (95-98), feu Mohamed Amor (98-2000), Mohamed Haj Mansour (2000-2003), Sémi Cherif (2003-2011) et Samir Mlaouhia (2011-2017). Tous ces directeurs, qui ont marqué de leur empreinte l’Ifid, ont, surtout, su sauvegarder son rayonnement. Dans leurs actions, ces grands calibres ont toujours pu compter sur un personnel dévoué, volontariste, mais aussi sur des universitaires et des professionnels compétents… Ce que nous sommes devenus aujourd’hui est le fruit d’un travail dur, laborieux, intensif et surtout de sacrifices.
La formation au sein de l’Ifid est caractérisée par la prise en compte des antécédents professionnels. Pouvez-vous développer davantage ce point ?
La formation à l’Ifid s’étend sur une période de deux ans et s’articule autour de quatre semestres, ponctué chacun par un stage pratique dans l’entreprise de parrainage. Son modèle pédagogique est fondé sur des enseignements en petites promotions, ne dépassant pas 40 étudiants pour la filière assurance et 55 étudiants pour la filière banque. Et depuis 1982, date de démarrage de la formation de la première promotion de l’Ifid, ce sont, aujourd’hui, pas moins de 2.131 étudiants qui ont obtenu leur diplôme, répartis sur 42 promotions dont 35 promotions mixtes (spécialité banque et assurance), une promotion spéciale dédiée au ministère des Finances, deux promotions dédiées exclusivement au secteur des assurances et quatre promotions dédiées exclusivement au secteur bancaire. Et entre 1982 et 1998, notre institut a permis à des générations d’étudiants (tunisiens, algériens, marocains et mauritaniens) d’aller effectuer des stages de deux mois dans des banques et des compagnies d’assurances européennes et autres institutions financières internationales.
Et donc, l’ensemble de ces formations a été d’un grand intérêt et a été instructif. Mais là aussi, il est important de préciser que le secteur bancaire a la part du lion dans ce parcours de formation durant ces 40 ans. En effet, 76% de formation a été assuré à la filière banque, contre 24% pour la filière assurance, et ce, pour des considérations surtout financières et non pas sur la base d’une appréciation concrète.
De l’autre côté, l’incorporation de l’approche genre est d’une importance vitale pour l’Ifid où 40% des diplômés sont des femmes et 60% sont des hommes. Mais d’ici cinq ans, cette tendance devrait se renverser, car plus de 80% des actuelles inscriptions sont issues des femmes. S’agissant des nationalités : 58% sont des Tunisiens, contre 41% des Algériens et 1% entre Marocains et Mauritaniens.
Et lorsqu’on dit formation, c’est aussi plus de 200 intervenants et plus de 100 partenaires depuis 1982. Aujourd’hui, près de 50% des directeurs généraux au niveau de la Banque centrale de Tunisie (BCT) sont des Ifidars, alors que 30% des DG sont au niveau du ministère des Finances et pas moins de 50% des premiers responsables au niveau du secteur des assurances sont aussi des Ifidars.
Comment avez-vous conservé ce trait durant des années malgré les fluctuations et l’instabilité qu’ont connues le pays et la région d’une manière générale ?
La formation au sein de l’Ifid continue toujours à faire ses preuves grâce notamment à sa capacité à se renouveler. En effet, l’architecture de la formation a été revue à plusieurs reprises dont la plus importante celle réalisée en 2004-2005. Cette réforme a permis de mettre en place une formation de haut niveau à même de développer chez l’Ifidar sa capacité de synthèse et de résolution, d’aiguiser son esprit d’initiative et ses aptitudes managériales et d’améliorer sa faculté d’adaptation aux exigences d’un environnement de travail en pleine évolution.
Je cite aussi un autre axe important qui n’est autre que le renforcement continu des outils pédagogiques à travers l’installation de nouveaux outils et la rénovation de ceux déjà existants à l’instar de la rénovation de la salle des marchés école, qui est composée de 14 postes, dont 4 reliés directement avec la plate-forme Rifinitiv. Cette salle permet aux étudiants de l’Institut de consulter les données financières de plusieurs pays et de suivre en temps réel l’ensemble des cotations disponibles pour le marché boursier, le marché des taux, le marché des changes et celui des matières premières.
On a, également, mis en place une nouvelle application web de gestion de la bibliothèque et une nouvelle plateforme appelée «DigiBanque» qui permet la formation pratique dans une agence bancaire virtuelle, y compris les opérations bancaires avec l’étranger.
Par ailleurs, l’Ifid est en train de finaliser la mise en place, au niveau de son agence assurance école, d’une nouvelle plateforme informatique qui permettra de simuler toutes les opérations réalisées au niveau d’une agence d’assurance. Tout cela est accompagné par une multiplication des séminaires animés par des personnalités de renom des deux pays traitant de sujets d’actualité.
Tout un chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. Et ce qui a distingué l’Ifid des autres établissements ce sont ses travaux de recherche qui, malheureusement, ont connu une suspension pendant quelques années ?
En effet, depuis sa création, l’Ifid a su apporter une contribution significative tant aux connaissances scientifiques qu’à la résolution des problèmes pratiques dans le domaine du financement du développement.
Ainsi, notre institut a pu promouvoir des actions de recherche appliquées au domaine du financement du développement en associant des chercheurs maghrébins au sein d’équipes de travail sur des projets d’intérêts communs. En outre, plusieurs études ont été élaborées à l’instar de l’étude sur la balance de paiements, l’étude sur les mécanismes d’ajustement dans les pays du Maghreb… et d’autres. Et depuis sa création, l’Ifid a publié durant 15 ans, sans interruption, sa fameuse revue «Finances et développement au Maghreb» dont les colonnes étaient ouvertes aux praticiens et universitaires maghrébins et étrangers. Mais malheureusement, cette revue a cessé de paraître depuis 2001 pour des raisons financières. Mais on n’est pas resté les bras croisés devant cette situation. Depuis 2020, l’Ifid a repris la diffusion d’un nouveau périodique intitulé « Les cahiers de l’Ifid », qui publie les meilleurs travaux de recherches de nos étudiants dans le cadre de mémoires de fin de scolarité. Ce document biannuel est mis en ligne et il est téléchargeable gratuitement via le site web de l’institut.
Quels sont vos projets futurs pour assurer la pérennité de vos activités et un service de qualité ?
L’Ifid compte consolider sa position en tant qu’institut d’excellence. Pour ce faire, notre vision s’articule autour de deux axes majeurs. Tout d’abord, l’Ifid compte opérer une grande refonte de l’architecture et de l’organisation de la formation longue afin de faire face aux exigences et défis actuels en termes de digitalisation, de spécialisation, etc. Aussi, l’Ifid se doit de réfléchir au développement de son activité de formation en créant des cycles de formatons spécifiques aux cadres et étudiants des autres pays du Maghreb et des pays francophones.
Finalement, mais pas moins important, il est plus que jamais temps de renforcer la communication, et ce, afin de renforcer la compétitivité et la visibilité de l’Institut.… C’est dans ce cadre que nous comptons organiser un colloque international prévu pour le 25 de ce mois pour la célébration du 40e anniversaire de l’Ifid.
Après près d’un an de retard ?
Comme vous le savez, l’Ifid a été créé en 1981 et s’apprête, aujourd’hui, à célébrer son 40e anniversaire. Alors, vous vous dîtes que nous avons un an de retard et vous avez entièrement raison…, car la célébration du 40e anniversaire, initialement prévue en octobre 2021, a été reportée au mois de mai 2022. Cela était justifié en grande partie par la situation sanitaire et les restrictions de voyage entre la Tunisie et l’Algérie. Et après concertation avec les membres du conseil d’administration de l’Ifid, nous avons pris la décision de reporter la célébration au mois de mai 2022.
Et quelles sont les grandes lignes de cette célébration et comment justifiez-vous le choix de ce sujet ?
Cette célébration, qui va parcourir quarante ans d’histoire de l’Institut, permettra de rappeler aux anciens de l’Ifid et à ses partenaires que notre institut a su préserver son identité et ses fondamentaux. Mieux encore, ça sera une occasion pour confirmer encore une fois que l’Ifid a su s’adapter et évoluer dans un contexte de plus en plus imprévisible.
Pour le thème choisi pour ce colloque international, il débattra le «Financement de l’économie post-Covid par les banques et assurances». Le choix de ce thème découle directement d’une des missions de l’Institut, à savoir apporter une contribution significative à la résolution des problèmes pratiques dans le domaine du financement du développement.
À cela s’ajoute le fait que la question est d’actualité étant donné que l’économie mondiale a subi une transformation radicale, suite à la crise de la pandémie liée au Covid-19, qui dure maintenant depuis près de deux ans, et à laquelle s’ajoute la crise ukrainienne.
Et donc, l’objet de ce colloque est d’étudier la problématique du financement de l’économie par les banques et assurances devant les nouvelles contraintes et nouveaux défis après plus de deux années de pandémie de Covid-19, qui transformera les habitudes de travail, de production, de consommation, d’épargne, d’investissement…
Par ailleurs, durant le quatrième trimestre de cette année, l’Ifid compte aussi organiser un deuxième colloque international, mais cette fois-ci à Alger, et qui aura pour thème «Fintech et assurtech».
Au programme des festivités marquant le 40e anniversaire de l’Institut, il existe aussi la production d’un film documentaire regroupant des témoignages des anciens ifidars, anciens enseignants et personnel de l’Ifid.