«Il y a un langage esthétique caché à la vue de tous dans les murs de la Tunisie. C’est un héritage vivant de paradoxes visuels».
Le titre, fait d’acronymes et de chiffres, pourrait sembler un code. Le lieu n’en est pas moins improbable : derrière Moncef Jouets, que tous les enfants connaissent, à l’angle du café Ayari qui semble tout aussi réputé (!!!), à côté du dépôt de Founa Shop.
On y entre par une porte de dépôt, on y accède par un escalier métallique et bruyant, ou par un monte-charge encombré de matériaux de construction… Et on arrive… à La Ruche.
Un lieu insolite, animé, espèce de co-working artistique, totalement dans l’air du temps. Là, dans le couloir du fond, des ateliers d’artistes et d’artisans, celui d’un photographe, un cabinet d’architecte, le tout émaillé de meubles anciens, surprenants dans ce contexte. Et puis une grande plateforme, généralement consacrée à des shootings de photographes, que Yosr Ben Ammar a investie pour trois semaines.
Et quand on dit «investir», ce n’est pas à la légère, car Yosr ne fait rien à moitié : espace restructuré par des panneaux mobiles, lumières aménagées, peintures et sols repensés, la galerie éphémère est faite sur mesure pour accueillir le projet ST4, et ses œuvres.
Étonnamment, dans ce quartier grouillant d’activités, dans cet espace où se croisent différents corps de métiers, on se sent hors du temps et de l’espace. Est-ce la couleur choisie pour ouvrir sur des horizons imaginaires, l’éclaboussement chromatique qui anime les cimaises, les cadres découpés dans l’espace en d’étonnantes architectures, le fait est que «à portée de votre vue, il y a un endroit où ce que l’on voit se fond à l’étrange, et chaque mot prononcé renvoie un écho prolongé et légèrement altéré. Nous nous tenons à ce seuil maintenant».
Cet endroit improbable et éphémère se structure en de subtiles architectures, inspirées —pourrait-on le dire?— des médinas de Nejib Belkhoja. Sur des panneaux d’aluminium, recouverts de poudre de marbre, le duo ST4 calligraphie des architectures, ou architecture des calligraphies, crée d’étranges cités où l’on aurait aimé se perdre, et de façon iconoclaste, découpe le traditionnel cadre en courbes et creux inattendus.
«Il y a un langage esthétique caché à la vue de tous dans les murs de la Tunisie. C’est un héritage vivant de paradoxes visuels».
Doté du don de perception de l’invisible, ST4 s’attache à décoder ce langage et à le mettre en forme et en couleurs. Quant à Yosr Ben Ammar, que l’on salue pour cette belle exposition, ce lieu improbable l’ayant inspirée, elle souhaite ouvrir bientôt une galerie dans le voisinage.