Entre les deux pays, toute une histoire des liens de partage, de solidarité et de coopération. Une similitude de vues qui confirme la dynamique dialectique née de choix et d’orientations communs.
1er juin 1955, fête de la Victoire en Tunisie, et de même pour l’Indonésie en 1945, célébrée, chaque année, sous le signe de la libération nationale et de l’émancipation des affres du colonialisme. «Cette coïncidence festive a marqué nos relations bilatérales et continue à unifier nos deux peuples frères…», ainsi s’exprime l’ancien chef de la diplomatie tunisienne, Ahmed Ounaïes, invité à la conférence de presse, tenue à la résidence de l’ambassadeur d’Indonésie aux Berges du Lac à Tunis, sur les festivités du 1er juin commémorant la Pancasila, postulat de l’Etat indonésien basé sur cinq principes fédérateurs adoptés par son premier président Ahmed Sukarno, père de l’indépendance, en août 1945. Une philosophie de vie pour gérer un pays à l’image de l’Indonésie.
Un appui constant à la Tunisie
Passant en revue l’évolution de nos relations, Ounaïes s’est étalé sur l’appui diplomatique que nous a réservé l’Indonésie, notamment son soutien indéfectible à la cause tunisienne auprès des Nations unies. «Elle était parmi les premiers pays à avoir défendu notre indépendance», rappelle-t-il encore. Entre les deux pays, toute une histoire de liens, de partage, de solidarité et de coopération. Une similitude de vues qui confirme la dynamique dialectique née de choix et d’orientations communs. «Le 1er juin, c’est une fête pour nos deux pays dont les relations ont toujours été au beau fixe. Entre Sukarno et Bourguiba, il y avait, aussi, une grande affinité et beaucoup de sympathie», estime S.E Zouhaier Misrawi, ambassadeur d’Indonésie en Tunisie. Comme Bourguiba, indique-t-il, Sukarno avait une certaine idéologie d’Etat propre à lui, celle de Pancasila. Un credo qui tient à cinq principes républicains et universels : déisme ou croyance en Dieu, humanité juste et civilisée, citoyenneté dans l’unicité de l’Etat, Démocratie consensuelle et participative et équité sociale pour tous.
L’unité dans la diversité !
Voilà, précise-t-il, en quoi s’était investi Sukarno pour unifier son peuple autour d’un pays de 280 millions d’âmes et d’une superficie équivalente à celle de l’Afrique. Avec presque 18 mille îles multilingues aux confessions religieuses multiples, l’Indonésie avait réussi sa diversité et fait de sa différence son unité. En fait, cette idéologie du président avait fini par devenir la devise d’un Etat, mais aussi un modèle de gouvernance à suivre. Une philosophie, ajoute M. Misrawi, qui a fait du citoyen indonésien le moyen et la finalité de l’œuvre du développement. Soit l’application de la Pancasila à l’échelle des régions pour les aider à sortir de leur isolement. L’accès à l’éducation, à la santé et aux autres prestations sociales est un droit inaliénable. L’équité sociale à l’indonésienne a fait que personne n’est resté livré à lui-même. «Suite à une loi d’appui social, on a eu, en 2014, à gratifier chaque localité rurale d’un budget de développement. Grâce à quoi, tout a changé en Indonésie : des offres d’emploi, des souks, des hôpitaux, médecins spécialistes partout, éducation gratuite», souligne-t-il, indiquant que l’école publique gratuite était bel et bien l’idée de Bourguiba. Son pays s’en est largement inspiré. 20% du budget de l’Etat indonésien est consacré au secteur de l’éducation. S.E Misrawi s’attache à hisser la coopération bilatérale à des paliers supérieurs. «En termes d’exportation vers l’Indonésie, la Tunisie est, désormais, classée 3e après l’Egypte et l’Arabie Saoudite. Et nous ferons de notre mieux pour qu’elle soit au 1er rang», promet-il.
Pancasila, qu’en pense-t-on ?
Pour Fayçal Gouiâa, ancien ambassadeur de Tunisie à Djakarta, depuis cinq ans, la Pancasila est une vision de vie et du monde, mais aussi une politique de gouvernance réussie. Et d’ajouter qu’en cinq préceptes si simples et concis, Sukarno a su réunir tout un peuple autour d’un seul pays unifié. M. Gouiâa est revenu sur le classement si important de la Tunisie sur le marché indonésien, recommandant de l’exploiter à bon escient, notamment en matière d’investissement et de tourisme. De son côté, l’ex-doyen de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Sousse, Pr Moncef Abdeljalil, membre de Beït Al Hikma, s’est limité à trois remarques liées à la Pancasila, comme une philosophie de nation.
L’idée était, en premier lieu, d’inculquer aux citoyens la culture de paix tant localement qu’universellement. Secundo, faire de la croyance en Dieu un principe rassembleur et unificateur plutôt que diviseur. Voire un dénominateur commun universel.
Ce partage communautaire, ajoute-t-il, avait imprégné le système politique en Indonésie, en en faisant un mode de gouvernance démocratique basé sur la sagesse et le consensuel. La troisième idée consiste, selon lui, non seulement en la paix, mais dans le pluralisme constructif et ouvert, ce qui fait de l’Indonésien un citoyen du monde bien enraciné dans son identité locale.