A force de multiplier par 3 ou 4 le prix d’un trajet avec un simple taxi, ces applications voraces financièrement et abusives se sont mis à dos la population et les pouvoirs publics qui vont devoir sévir contre ces hors-la-loi sur les routes tunisiennes.
Déjà que «Bolt» doit subir la concurrence de nouvelles applications moins onéreuses pour le client et plus rémunératrices pour le taximan, l’application phare en matière de transport individuel pour sa célérité subit la foudre d’une frange de la population qui veut la voir disparaître du circuit.
Rien que ça ! C’est que de nouveaux réflexes de taxistes supposés «libres», soit inoccupés, au voyant rouge, passent au vert sans crier gare, au grand dam du client qui attend au bord de la route. Du coup, la semaine passée, le directeur de la réglementation des transports terrestres au ministère des Transports, Nizar Ben Mohamed, a évoqué la cherté des tarifs des services des taxis individuels via les applications mobiles. Il a affirmé que le cadre d’application est en violation avec la loi, avant d’ajouter aux médias : «Tout chauffeur de taxi qui s’abstient de transporter un client sous prétexte qu’il se dirige vers un autre client réservé via l’application est passible d’une amende». Chaque client lésé peut déposer une plainte contre le chauffeur de taxi, afin qu’il soit tenu responsable. Sauf qu’en pratique, c’est compliqué et risqué. Car c’est bien plus facile à dire qu’à faire…
Malgré un grand boom, ces 3 dernières années, et les services rendus, les applications mobiles de transport individuel, Bolt en tête, commencent à connaître des difficultés, à cause de leur illégalité et du vide juridique qui régit leur activité. La semaine dernière, une pluie de sanctions est tombée pour punir les taximen fraudeurs. L’appât du gain facile a miné la qualité du transport en Tunisie et l’infrastructure routière avec elle.
Mettre fin à la gabegie
Sur les réseaux sociaux, un journaliste, défenseur de l’innovation, a lancé un appel à la compréhension envers l’entreprise virtuelle de transport étrangère : «Un procès populaire et étatique se déroule à l’encontre de Bolt. Oui, il y a des excès, oui, il y a des transgressions mais elle ou toute autre application du genre ont permis également à des milliers de filles et de femmes d’éviter un harcèlement sur les routes, à des personnes âgées, habitant loin des artères principales, de disposer d’un moyen de locomotion, sans avoir à parcourir d’interminables distances sous la pluie ou sous un soleil de plomb. Au lieu d’emprunter le raccourci de l’interdiction, de faire le choix de bannir toute innovation, il faudrait tenter l’exercice de réfléchir à des outils de régulation, de contrôle voire de sanction individuelle et ne pas clouer au pilori tout un mécanisme qui pourrait être vertueux». Mais ses arguments ne tiennent pas debout car il y avait une vie avant Bolt pour les Tunisiens, dans un havre de sécurité. Même si le niveau de délinquance a augmenté et l’insécurité avec depuis la révolution du 17 décembre 2010, on ne peut cautionner le banditisme de cette application qui opère selon sa propre réglementation, faisant fi des réalités socioéconomiques diffciles des Tunisiens et prend en otage les clients en les laissant à quai…
«Bolt Technology» est une entreprise estonienne, spécialisée dans la mobilité partagée, qui développe et gère l’application mobile «Bolt» et permet à quiconque de commander un chauffeur depuis son smartphone. Mais elle pratique une tarification déloyale à 3 ou 4 fois le prix habituel. Une cliente qui devait faire un court déplacement en ville pour un coût estimé de 5 dinars se voit proposer le tarif de 14,5 dinars et 16,7 dinars pour le mode confort. Une véritable arnaque pour la clientèle tunisienne dont le pouvoir d’achat a dégringolé. Un taximan a affirmé qu’une course au tarif de 70 dinars de bout en bout de la capitale de Tunis vers Gammarth est monnaie courante avec «Bolt» sous prétexte de la circulation et d’un trafic dense. Incroyable mais vrai ! Dans ce drôle de décor, voilà pour le côté jardin, car, pour le côté cour, c’est une autre histoire…On apprend même de la bouche des taximen que l’apparition de «Bolt» aurait une origine douteuse et mafieuse.
Pour rappel, l’écho récent de Moez Sellami, président de la chambre syndicale des taxis individuels, n’est pas tombé dans les oreilles d’un sourd puisqu’il affirme que la Tunisie avec ses 12 millions d’habitants compte plus de taxis qu’un pays 5 fois beaucoup plus peuplé, comme la France. En Tunisie, la flotte des taxis individuels est estimée à 3.000 véhicules répartis sur l’ensemble des gouvernorats du pays, dont 17.000 véhicules concentrés au niveau du Grand-Tunis. En clair, il y a beaucoup de choses à revoir dans la gestion du parc des taxis en activité même si, d’un autre côté, 550 nouvelles autorisations ont été attribuées. Un remue-ménage doit commencer au plus tôt et on fait confiance aux autorités du pays pour rétablir l’ordre et mettre fin à la gabegie.