• Certaines voix se sont élevées pour souligner que le jugement prononcé par le tribunal administratif n’est pas définitif
• Le Pr Rabeh Khraïfi considère qu’il est difficile de réintégrer les magistrats révoqués pour des raisons techniques
• Le président de l’Association des jeunes magistrats annonce que les juges révoqués intenteront un procès, demandant à être indemnisés pour les préjudices moraux et matériels subis
Dans la foulée de la décision du tribunal administratif donnant gain de cause à près de 50 magistrats sur les 57 révoqués par décret présidentiel en date du 1er juin 2022, de la joie et de la satisfaction des magistrats et des principales composantes de la société civile et de plusieurs partis de l’opposition considérant la décision du tribunal administratif comme une preuve éclatante de l’indépendance de la justice et de la mobilisation de ces mêmes acteurs afin que la décision du Tribunal administratif soit appliquée dans les plus brefs délais, c’est-à-dire pour que les magistrats révoqués réintègrent leurs postes le plus tôt possible, certaines voix se proclamant expertes en le domaine se sont élevées pour dire le plus simplement du monde que les avis du tribunal administratif ne peuvent être exécutés pour la simple raison qu’ils ne sont pas définitifs, les recours étant acceptés pour le moment sur le plan de la forme en attendant que le tribunal se prononce sur le fond et décide de maintenir la décision de la révocation ou de la déclarer nulle et non avenue.
Dans le cas d’un jugement définitif, étape qui peut s’étendre sur plusieurs années, l’on peut parler, soulignent ces experts, de victoire des magistrats révoqués ou de maintien de la décision présidentielle.
Et au cas où le tribunal administratif avaliserait la décision présidentielle relative à la révocation, les magistrats concernés seront poursuivis devant la justice pénale pour répondre des crimes qu’ils ont commis, lesquels crimes peuvent être passibles de peines très lourdes, à en croire les détails fournis par le communiqué présidentiel du 1er juin dernier passant en revue les griefs et les soupçons qui leur sont portés et qui ont motivé leur limogeage en attendant leur comparution devant la justice pénale.
Quand Rabeh Khraïfi propose ses conseils
Et comme à cette nouvelle habitude qui commence à s’installer ces dernières semaines, c’est Rabeh Khraïfi, avocat, ancien membre de l’Assemblée nationale constituante et qui se présente actuellement sur les plateaux TV et radios en tant que chercheur spécialisé en matière de droit constitutionnel qui offre ses services «d’explicateur» des décisions du tribunal administratif et fait montre de ses dons de conseiller avisé, autoproclamé et s’érigeant le droit de clarifier, à l’intention des services de Carthage, sans que personne ne le sollicite pour un tel service, les insuffisances, les carences et les dysfonctionnements qui ont marqué le jugement rendu par le tribunal administratif, lesquelles erreurs sont à rendre ce jugement inapplicable, plus particulièrement sur le plan procédural.
Rabeh Khraïfi soutient, en effet, qu’en cas d’application de la décision du tribunal administratif, l’on se trouvera face à une position sans précédent avec deux premiers présidents de la Cour d’appel à Tunis et deux présidents du Conseil supérieur de la magistrature.
Il s’appuie, dans ses analyses, consciemment ou inconsciemment, sur de fausses informations. Ainsi, oublie-t-il ou n’est-il pas suffisamment informé que Youssef Bouzakher a été limogé de son poste de président du Conseil supérieur de la magistrature en mars 2022 et qu’il a été révoqué en tant que juge le 1er juin 2022 en compagnie des 56 autres magistrats touchés par la même décision en tant que magistrat en fonction et non en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui revient à dire que sa réintégration ne posera pas de problème à la tête du CSM, Me Khraïfi soutenant, précisément, qu’il y aura deux présidents à la tête du même CSM.
Quant au cas du magistrat Taïeb Rached, qui est toujours premier président de la Cour de cassation de Tunis en attendant que la justice se prononce à propos des présomptions de corruption qui lui sont imputées, son cas n’a pas été examiné par le tribunal administratif parce que, semble-t-il, il n’a pas introduit de recours à l’encontre de la décision de sa révocation.
Il reste à savoir maintenant quel sort sera réservé aux plaintes d’indemnisation financière et morale qui vont être déposées par les magistrats révoqués et rétablis dans leurs droits, mercredi dernier, par le tribunal administratif, comme l’a annoncé le juge Mourad Messaoudi, président de l’Association des jeunes magistrats ?
Encore une interrogation: les magistrats rétablis dans leurs droits retrouveront-ils leurs postes avant leur révocation à l’occasion du mouvement annuel de mutation et de promotion que le Conseil de la magistrature était tenu d’opérer, au plus tard fin juillet dernier ?