En 2020, les céréales accaparaient plus des trois quarts des subventions totales directes des produits alimentaires.
Dans son dernier Bulletin conjoncturel de l’économie tunisienne, la Banque mondiale a insisté sur la nécessité d’engager des réformes urgentes face à un système de compensation qui a prouvé son échec et un contexte international incertain qui pourrait menacer la sécurité alimentaire.
Un système généreux, mais…
Depuis les années 1970, le système de compensation est une composante d’une politique publique délibérée visant à stabiliser les prix des produits de base (le pain, la farine, la semoule, les pâtes alimentaires, le lait, l’huile végétale…) et à protéger directement le pouvoir d’achat du Tunisien afin de maintenir des salaires faibles, aidant à promouvoir la compétitivité-prix des exportations (entreprises industrielles et tourisme notamment). Ces subventions sont financées par le budget de l’Etat, grâce donc à un système de subventions ‘’généreux’’ aux consommateurs et aux transformateurs. A titre d’exemple, le prix de détail du pain n’a pas été augmenté depuis 2008 malgré une augmentation considérable des coûts des intrants de production (notamment le blé, la main-d’œuvre, les loyers, l’énergie…).
Mais au fil des années, cette politique a entraîné des résultats négatifs pour le budget de l’Etat avec notamment un coût qui est devenu insoutenable. C’est face à ce constat alarmant que l’institution internationale a recommandé d’entamer des réformes urgentes. A la tête de la liste : remplacer les prix subventionnés des céréales à la consommation par des transferts aux ménages. Une telle mesure permettrait, selon le document publié, d’améliorer l’efficacité de la filière, réduire le poids des subventions dans le budget de l’Etat et les coûts d’importation et renforcer la résilience du système alimentaire.
Pourquoi les céréales ?
En effet, depuis des années, les produits céréaliers dominent les subventions des produits alimentaires car leurs prix à la consommation en Tunisie sont parmi les plus bas et leur consommation est une des plus élevées au monde. En 2020, les céréales accaparaient plus des trois quarts des subventions totales directes des produits alimentaires. Les produits céréaliers qui sont les plus subventionnés sous forme de biens de consommation finale sont le gros pain, la baguette, les pâtes alimentaires, la semoule, le couscous et la farine. Les subventions ont maintenu les prix de ces articles bien en dessous du prix du marché. Par exemple, le prix du pain et des céréales en Tunisie était en 2017 le plus bas au monde après l’Ukraine. Par ailleurs, les gouvernements successifs n’ont pas ajusté les prix aux consommateurs depuis 2011. Les prix ont même été symboliquement réduits la veille du 14 janvier 2011 sans aucun changement depuis.
Le système de subventions universelles, tel qu’il est conçu actuellement, a considérablement contribué à gonfler la consommation de blé et dérivés entraînant des fuites et du gaspillage économiquement coûteux. En effet, les prix faibles de détail des céréales et dérivés ont contribué à enregistrer un record mondial pour la Tunisie en termes de consommation de blé par habitant, qui dépasse le double de la moyenne mondiale. Une partie du pain produite sert même d’alimentation pour bétails car le pain est moins cher que les produits qui leur sont destinés.
« Au fil du temps, les subventions aux céréales sont devenues de plus en plus coûteuses, et ce, d’autant plus que la guerre en Ukraine a mis à mal l’offre internationale de blé. Par ailleurs, sachant que les subventions empêchent la demande de s’adapter aux variations des prix internationaux, le budget des subventions pour les céréales a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. En effet, entre 2010 et 2020, la subvention des produits alimentaires est passée de 730 MD à 2.569 MD, avec une augmentation continue de la demande intérieure, et ce, malgré la hausse des prix internationaux. Cette augmentation s’est exacerbée avec l’explosion des prix internationaux suite à la guerre en Ukraine et si les prix moyens en 2022 restent ceux des 5 premiers mois de l’année, la subvention de céréales en 2022 devrait augmenter de 63% pour atteindre 3.6 milliards de DT », précise le document de la BM.