Karim Delhoum et sa jeune bande, qui ont promis de brandir le trophée, ont tenu parole. Au grand bonheur des fans «noir et blanc» fiers d’une équipe qui revient au sommet après avoir été à deux doigts du naufrage
Après Djerba en 2021 où il est monté sur le podium après avoir eu raison du Club Africain en finale aux tirs au but, revoilà le CSS de nouveau détenteur de la Coupe de Tunisie 2022 pour la deuxième fois d’affilée, cette fois aux dépens d’un autre spécialiste de cette épreuve, l’ASM. C’est un grand et un très bel exploit pour une équipe en pleine métamorphose et en phase de transition douloureuse après le départ de pas moins de 9 de ses joueurs cadres d’un seul coup, et l’impossibilité de les remplacer pour le moment en raison de la non-levée de l’interdiction de recrutement imposée par la Fifa. Karim Delhoum a eu le mérite d’accepter d’être l’homme de la mission impossible et le capitaine de bord d’un navire en pleine tempête qui risquait de prendre eau de toutes parts. Il n’a pas cédé au désespoir et a cru jusqu’au bout à une sortie rapide du bout du tunnel et à la réussite de l’opération sauvetage. Samedi a été le jour de la belle récompense pour lui et les siens, leur jour de gloire, eux qui se sont dotés de l’arme courage et n’ont pas arrêté de se répéter ce vieux dicton : à cœur vaillant, rien n’est impossible.
L’erreur de Sofien Hidoussi
Privé de ses étrangers qui sont ses joueurs piliers (le trio Naby Camara, Hussein Ali, Ismail Diakité) et aussi d’Ismail Touré et de Anas Chebli même s’ils n’ont pas encore dépassé le statut de remplaçants, le CSS semblait affaibli et incapable de faire le poids et d’être à la hauteur du grand rendez-vous. Le coach des Marsois, Sofien Hidoussi, a commis l’une des erreurs de sa vie en allant jusqu’à croire que ces Sfaxiens, amoindris et démunis, étaient une proie facile. Au lieu d’être prudent et de conserver sa tactique habituelle d’attentisme et de regroupement massif derrière durant les 20 premières minutes de jeu (option qui lui a permis de cueillir à froid les Benguerdanais en demi-finale et de les laisser courir en vain derrière le score et le retour dans le match), il a changé son fusil d’épaule et a opté pour l’effet surprise en prenant d’entrée le siège du camp sfaxien sans bien assurer ses arrières. Un choix fatal qui va lui coûter très cher avec deux buts encaissés dès la première mi-temps et une entame de finale ratée sur toute la ligne malgré une excellente deuxième période de ses joueurs et un bon nombre d’occasions de but. Face à un gardien comme Aymen Dahmen, on ne peut pas remonter un lourd handicap de deux buts même avec des joueurs de talent comme Issam Amdouni et Hosni Láabidi qui ont tout tenté pour redresser la situation, mais qui ont buté sur un portier des grands jours.
Karim Delhoum, fidèle et égal à lui-même
L’entraîneur du CSS, lui, n’a pas perdu de sa lucidité, de sa clairvoyance et de son réalisme. Et chose plus importante, il n’a pas cherché à compliquer les choses. Abdallah Amri est titularisé comme demi défensif à la place de Naby Camara pour former avec Chadi Hammami la plaque tournante de l’entrejeu et la zone de sécurité de tout le dispositif. Le jeune et imprévu Haroun Ben Ameur a pris la place de Hussein Ali comme joueur de couloir et Hazem Haj Hassen puis Bilel Hamrouni ont occupé celle d’Ismail Diakité comme attaquant de pointe jouant dans l’intervalle, au cœur de la défense adverse. Avec une rectification majeure qui a échappé à l’œil de Soufien Hidoussi et qui a fait basculer la bataille tactique en faveur du technicien et stratège sfaxien : Achraf Habbassi, attendu sur le flanc gauche où il faisait merveille, a été déplacé côté droit. Il en a fait voir de toutes les couleurs à l’arrière-garde marsoise. Tout le plan de jeu de Sofien Hidoussi a été ainsi déboussolé, voire mis à l’eau par ce nouveau placement et changement de pions sur l’échiquier «noir et blanc». Le duel et le match dans le match entre Karim Delhoum et Soufien Hidoussi ont donc été à l’avantage du premier. Karim Delhoum n’hésite pas d’ailleurs être reconnaissant pour celui qui l’a beaucoup aidé à atteindre ce nouveau palier et à vivre ce moment de joie intense : «Je dois à Nabil Kouki cette consécration. C’est lui qui m’a appris qu’avec peu de moyens, on peut construire une bonne équipe et de très beaux succès. Le collectif, la solidarité dans le groupe, l’envie de se surpasser, de se donner à fond peuvent colmater les plus grandes brèches et l’absence de stars dans l’effectif». Ce succès éclatant met toute la famille élargie du CSS devant l’obligation et le devoir de resserrer les rangs et de s’unir pour le bien de ce CSS qui renaît et qui reprend de la couleur et retrouve de l’appétit et de l’ambition.
Le premier des objectifs à venir doit être la levée de cette sanction couperet qu’est l’interdiction de recrutement pour encadrer cette belle génération de jeunes talents par des joueurs de très haut niveau, tunisiens et étrangers, afin d’aborder le championnat et la Coupe de la CAF avec une équipe forte qui peut aller loin et jusqu’au bout. En remportant la coupe et en faisant chavirer de joie intense toute une ville longtemps sevrée et assoiffée de succès, Karim Delhoum et sa jeune bande ont remis la balle dans le camp du haut comité de soutien du club. Sur lui reposera désormais la responsabilité d’assurer la continuité de ce beau parcours réalisé dans un contexte difficile et défavorable de crise profonde et aiguë. Espérons que ce message sera reçu cinq sur cinq et que les manches seront retroussées très vite après la fête.