• Au nord de Tunis, l’adduction des eaux usées par voie souterraine et leur rejet en mer créent un système d’évacuation qui respecte l’environnement et dépollue les plages.
• Sur la totalité des échantillons prélevés en mer, 96 % contiennent une teneur en bactéries jugée sûre par les autorités sanitaires et 97 % ont une concentration en détergents considérée comme inoffensive.
• Grâce à un plus grand volume d’eaux usées traitées, dévolu à l’agriculture et aux espaces urbains, la Tunisie et d’autres pays dépourvus de ressources hydriques peuvent s’adapter à des pénuries d’eau exacerbées par le changement climatique.
Selon un article rendu public récemment sur son site web, la Banque mondiale indique qu’au nord de Tunis, la plage de Raoued, qui était interdite à la baignade depuis des années, a pu rouvrir en 2020 après le feu vert des autorités sanitaires tunisiennes, avec des retombées notables pour l’économie locale, et des pêcheurs satisfaits des changements constatés dans la qualité du milieu marin. Ce qui s’apparente à un miracle est, en réalité, l’œuvre des ingénieurs et des scientifiques, ainsi que d’un travail d’assainissement minutieux. Le lot d’échantillons d’eau de mer prélevés à Raoued en 2020 s’est révélé sûr à 96 % en ce qui concerne la teneur en bactéries, et à 97 % pour la concentration en détergents. Les eaux usées traitées sont désormais évacuées par des canalisations souterraines jusqu’à un exutoire sous-marin (terme technique désignant un conduit sous la mer) d’une longueur de 6 km rejetant les effluents à 20 m sous la surface. A cette profondeur et à cette distance, les eaux usées, issues des activités humaines et traitées, ainsi que d’autres déchets liquides, se dispersent dans le golfe de Tunis, diluant la pollution engendrée par la vie domestique moderne et les pratiques agricoles.
S’adapter à la pénurie d’eau
L’épuration des eaux grises en vue de leur réemploi sur les terres agricoles accroît également la capacité du pays à s’adapter à la pénurie d’eau, qui s’intensifie en raison du changement climatique. L’investissement dans un nouveau système d’évacuation des eaux usées traitées, ne présentant aucun risque environnemental, préserve le magnifique littoral méditerranéen du pays et profite aux populations qui y résident, y travaillent et s’y divertissent.
La Tunisie est l’un des pays du monde les plus dépourvus en eau. En 2017, l’eau disponible par habitant s’élevait à 367 mètres cubes (m3) pour un pays qui abrite un peu moins de 12 millions de personnes, alors que la moyenne régionale est de 526 m3 et la moyenne mondiale et de 5.700 m3. Une ressource d’autant plus sollicitée par l’essor urbain, la hausse de la demande et la nécessité d’irriguer pour soutenir l’emploi dans les zones rurales.
Un réseau d’égouts vieux et mal entretenu
La pollution issue du drainage agricole et des effluents municipaux menaçait les écosystèmes côtiers et marins du pays. Lorsque le golfe de Tunis a été identifié comme « le plus grand point noir de pollution », le gouvernement en a fait une priorité. L’Office national de l’assainissement (Onas) et les ministères ont élaboré un programme pour s’attaquer au problème. Vieux de 30 ans et mal entretenu, le réseau d’égouts ne pouvait plus faire face au volume de déchets produits. Ses canaux évacuaient les eaux usées, affleurant à ciel ouvert, de la station d’épuration de Choutrana, au sud de Raoued, vers oued Khalij, qui les rejetait à son embouchure sur la plage. La population se plaignait des relents et des dangers pour la santé. Les déchets diminuaient l’attrait de la région pour le tourisme et d’autres activités de développement. Même si elles étaient traitées, la qualité des eaux usées était trop médiocre pour l’agriculture.
Les eaux usées peuvent être réutilisées en toute sécurité
Ces améliorations ont pu être obtenues grâce à un projet de 60,6 millions de dollars clôturé en 2021. Appuyé par la Banque mondiale et cofinancé par le Fonds pour l’environnement mondial (GEF), le projet d’assainissement de Tunis-Nord a soutenu la construction des conduites souterraines, de l’exutoire et d’un bassin de rétention des eaux usées.
Les fonds ont permis de créer deux conduites parallèles et étanches qui acheminent les eaux usées de la station de Choutrana vers un large bassin de décantation des boues situé à proximité, à El Hissiene, où les déchets solides sont séparés des effluents. Avec l’enfouissement des canalisations, on évite la pollution des environs par les eaux usées et leur contamination en aval.
Le débit du bassin peut être régulé à des fins d’irrigation, offrant ainsi aux quelque 500 agriculteurs de Borj Touil plusieurs millions de mètres cubes d’eau recyclée de bonne qualité. Face à l’urbanisation rapide et au changement d’affectation des terres dans la région, l’Onas a conclu un accord avec les promoteurs urbains afin qu’une partie des eaux usées irrigue les espaces verts du nouveau quartier de Tunis Bay City. Pour convaincre le grand public que les eaux usées recyclées ne représentent aucun danger pour la culture des plantes, des parcelles appartenant à trois exploitants de Borj Touil ont été irriguées avec des eaux usées traitées. D’autres parcelles de démonstration ont vu le jour près d’une station d’épuration sur la côte, à Sidi Amor, au Nord-Ouest de Borj Touil. Les terres de Sidi Amor sont dotées de systèmes de filtration, de citernes à eau, d’une station de pompage, d’un système d’irrigation, d’un laboratoire et d’un centre de démonstration. Grâce au projet pilote de Sidi Amor, les différentes parties prenantes ont resserré leur coordination ; par ailleurs, son laboratoire de contrôle de la qualité est ouvert aux étudiants en agriculture. La société de distribution d’eau et l’Onas disposent désormais d’un système de facturation modernisé, ce qui simplifie le recouvrement des factures. Mis à niveau, le système informatique de l’Onas intègre désormais une analyse des données en temps réel, ce qui permet la gestion à distance du flux des eaux et des gains d’efficacité.