L’affaire de l’envoi de Tunisiens vers ce qu’on appelle les «zones de conflit» a bénéficié d’une surmédiatisation sans précédent. Notamment pour certaines figures qui ont marqué le pouvoir politique de l’époque où ces envois ont eu lieu. La convocation de certaines personnes suspectées d’être impliquées a permis à certains médias d’ici et d’ailleurs d’en faire un spectacle.
Faut-il craindre que de tels événements soient, dorénavant, exploitées à des fins autres que judiciaires ? Faut-il s’attendre à ce que l’on en profite pour réaliser des desseins politiques et nuire, justement, au bon déroulement de la justice ?
En tout cas, ce qui s’est passé dernièrement avec les quelque dizaines de suspects annonce un tournant dans les chroniques judiciaires et ouvre la voie à tous les excès et les dérives.
S’est-on trompé de priorités ?
Certains noms parmi les gens convoqués devant la brigade antiterroriste ont suscité une grande polémique et ont été l’occasion inespérée devant ces personnes pour faire leur propagande et développer leurs théories. En somme, c’est une opportunité inattendue de revenir au-devant de la scène et rameuter leurs troupes en vue de les mobiliser pour des échéances prochaines.
Quelles que soient les accusations, il semble que la justice a fait des choix qui n’ont aucun lien avec les priorités nationales, celles du moment. Bien sûr, les crimes des réseaux incriminés dans l’envoi de jeunes vers des zones de conflit sont impardonnables et doivent être sanctionnés. Mais, à notre sens, il y a plus pressant.
Les problèmes des crimes économiques, de la corruption, des pratiques mafieuses qui prolifèrent sont autant de priorités qui méritent d’être examinées en premier.
Alors la justice s’est-elle trompée de cible ou a-t-elle tout simplement adopté la politique de «en veux-tu, en voilà».
On s’explique.
Le Chef de l’Etat n’a cessé de demander à la justice et aux juges d’assumer pleinement leur rôle et de restaurer la pérennité de la loi. Sa pression continue sur ce corps a fait que de telles positions soient prises. Le choix des affaires et des présumés coupables fait, toutefois, polémique. Pourquoi ne s’est-on pas attaqué, d’abord, aux dossiers économiques et de corruption avant de passer aux dossiers politiques et sécuritaires ?
Est-ce la bonne piste ? Ne risque-t-on pas de donner tous les arguments nécessaires à ceux qui s’opposent à tout changement dans le pays ?
Les conséquences des différentes auditions des prévenus ont, plutôt, donné l’impression que les dossiers n’ont pas été bien fignolés. Le terrain dans lequel on s’est aventuré risque d’entraîner le pays dans des feuilletons juridico-politiques fastidieux et sans fin. Un temps précieux sera consacré à des affaires dont les contours restent encore flous et où les enjeux sont nombreux et imbriqués, puisqu’il y aura des prolongements et des complications qui dépasseront nos frontières. Les reports vont, alors, succéder aux reports, etc.
Des preuves irrécusables
S’il faut aborder de telles affaires, il est nécessaire de mettre toutes les chances du côté de la justice. Les preuves et les accusations doivent reposer sur des faits crédibles et irréfutables.
Au lieu de se pencher sur ces affaires, ne vaudrait-il pas mieux mettre le paquet sur les autres dossiers brûlants que nous avons évoqués et qui touchent le quotidien du Tunisien, à savoir le côté économico-mafieux ? La contrebande et les divers trafics ne mériteraient-ils pas plus d’intérêt de la part de la justice ?
Sur ce point, c’est le Chef de l’Etat, lui-même, qui a exigé qu’on ouvre tous les dossiers (de crimes économiques) sans exception. A ce propos, il a rappelé le cas des 700 conteneurs appartenant à un réseau de contrebandiers qui attendent que les procédures judiciaires soient entamées et que les personnes impliquées soient déférées devant la justice.
C’est là un exemple parmi d’autres de la lenteur de l’application de la loi contre ceux qui portent atteinte à l’économie du pays et s’adonnent, impunément, (du moins jusqu’à maintenant) aux pratiques illicites.