Il faut savoir tourner la page. Avec l’arrêt du feuilleton «report du championnat», la sagesse a prévalu in extremis. Ce «retour à la normale» ne doit cependant pas être une simple «détente» de façade, mais une volonté réelle d’œuvrer pour l’intérêt du football tunisien.
On l’a tous compris un peu tard, mais finalement toutes les parties du conflit, ministère, fédération, autorités régionales et clubs concernés ont fini par être convaincus qu’il valait mieux arrêter ce jeu dangereux pour l’avenir immédiat de notre sport roi. Le championnat a fini par démarrer sans incidents et le premier match barrage pour le maintien en Ligue 1 entre l’ESZ et le CSHL a eu lieu. L’ES Métlaoui jouera le deuxième round avec les Zarzissiens demain, et ce, après avoir antérieurement annoncé le boycott du match de repêchage, et d’aller au TAS réclamer le même sort que celui réservé au CS Chebbien et la réintégration d’office en Ligue 1. Le Croissant Sportif Chebbien s’est résigné, lui aussi, à jouer son premier match face au CAB et a accepté ainsi de figurer dans la poule 1 après l’avoir carrément refusé. Ce retour à la raison collectif ne peut qu’être de bon augure et porteur d’espoir pour tourner une triste page et pour en ouvrir une autre moins sombre.
Message reçu
La Fédération tunisienne de football, principale actrice du paysage et première cible pointée du doigt, a adopté un profil bas et n’est pas tombée dans le piège du tac au tac avec le ministère de tutelle. C’est vrai que les observations du ministre de tutelle, qui n’a pas mâché ses mots à son égard, ont été assez sévères, mais ça n’aurait servi à rien de riposter et ça n’aurait fait que rajouter de l’huile sur le feu et attisé plus la tension. La FTF a donc compris qu’elle avait intérêt à apaiser le climat pour revenir à terme au-devant de la scène après avoir été affaiblie par la décision du TAS à laquelle elle ne s’attendait pas, vu que le CS Chebbien a été réintégré en Ligue 1. Puis elle a fait un geste pas uniquement symbolique et a tenté de retendre la main à la direction générale de la Télévision Tunisienne en l’autorisant à diffuser gratuitement les deux premières journées du championnat dans l’attente d’un accord final sur l’appel d’offres lancé pour toutes les épreuves (championnat, Coupe de Tunisie, coulisses et matches de l’équipe nationale). Wadii El Jarry, président de la FTF, est même prêt à aller beaucoup plus loin pour accorder plus de facilités à l’audiovisuel public et pour lui donner la priorité à défaut de l’exclusivité de retransmission des matches. Une façon de faire comprendre qu’il a compris et reçu le message du ministre à ce sujet cinq sur cinq et qu’il est prêt à enterrer la hache de guerre, à coopérer et à tisser des rapports moins conflictuels avec le ministère de tutelle auquel il ne peut désormais refuser ce droit de regard et de contrôle de la gestion financière sans ingérence dans tout ce qui est du ressort de l’organisation sportive des compétitions. Les «limites» du «territoire» du ministère et de la Fédération resteront tracées dans le respect mutuel et réciproque de leurs prérogatives et de leurs attributions.
Réformes et nouvelles règles du jeu
Le recours à l’article 21 évoqué par le ministre avec la possibilité de dissoudre le bureau fédéral n’était en fait qu’une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la FTF, sans intention toutefois de franchir le rubicon et de passer à l’acte, mais juste pour mettre la pression sur un bureau fédéral jugé «rebelle» et «hostile à toute réforme». La tutelle voulait en l’état pousser vers plus de transparence et plus de respect et d’équité dans ses relations avec les clubs membres, une répartition équitable des subventions et une meilleure distribution des richesses dont la Fédération se vante comme l’une des réalisations phares de son mandat. La création d’un Tribunal arbitral du sport tunisien pour arbitrer les litiges entre Tunisiens (ceux des joueurs et entraîneurs étrangers resteront toujours du ressort du TAS en Suisse) est une très bonne initiative à la condition que ce tribunal soit tout à fait indépendant et ne soit pas «aux bottes» du Comité olympique qui l’a utilisé dans le passé à des fins pas très saines et s’en est servi comme bouclier juridique pour des règlements de comptes personnels plus que pour rendre justice. Tous les axes de la réforme tracés par le ministre ne peuvent qu’être approuvés hormis celui de limiter à deux mandats les candidatures au bureau fédéral qui ne fera pas l’adhésion et suscite déjà des avis controversés et divergents. Ce faisant, en France, Noël Le Graët est toujours à la tête de la Fédération française de football depuis des dizaines d’années après autant d’années passées comme président de la Ligue. La Fifa ne verrait donc pas d’un bon œil pareille mesure car, pour elle, la seule manière démocratique de dissoudre un bureau fédéral élu ou d’empêcher sa réélection, c’est une motion de censure déposée par les clubs qui l’ont élu ou un vote de non-confiance en cas de nouvelle candidature. C’est vrai que le Mondial arrive, mais dire que le conflit entre ministère et fédération a été simplement ajourné pour l’après-Coupe du monde, et qu’il va ressurgir et reprendre de plus belle après, c’est une hypothèse qui est à écarter si les deux parties tirent les enseignements nécessaires de ce dialogue de sourds entre elles et acceptent les nouvelles règles du jeu. Les élections d’un nouveau bureau fédéral, c’est pour bientôt. Laissons le temps au temps et donnons aux clubs l’entière responsabilité d’avoir leur mot à dire, de faire leur propre choix et de l’assumer cette fois pleinement.