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Radios publiques et privées : Qualité et utilité, paroles en l’air

La Tunisie connaît une véritable prolifération médiatique mal contrôlée. La seule institution habilitée à moraliser le secteur et à imposer un strict respect des lois et des règles en matière de médias, la Haica, n’est pas en mesure de se faire entendre. Ses prérogatives sont, continuellement, remises en cause par ces opérateurs qui n’en font qu’à leur tête. A chaque fois, on invoque la sacro-sainte liberté !

Le recul des chaînes radios financées par l’Etat s’expliquerait, largement, par la démotivation et l’absence d’une vision d’ensemble concernant les grandes lignes et les programmes de promotion. Face à une concurrence âpre de la part des radios privées, la radio nationale tunisienne se débat dans des problèmes d’organisation, de gestion et de financement qui ne semblent pas vouloir se terminer. 

Quels contenus ?

Une lutte d’influence ne cesse pas de transparaître pour les auditeurs avertis. Ces derniers y voient un mauvais signe et comprennent, alors, pourquoi on ne note pas une grande évolution des orientations depuis une bonne décennie.

Restée pendant une longue période sans responsables, cette institution est victime de plusieurs conflits apparents ou latents. Le personnel donne l’impression à ceux qui l’écoutent qu’il n’y a aucune volonté ni envie de décoller.

Lorsqu’on regarde le contenu des programmes, on note, facilement, qu’il se caractérise par une absence de prise en compte des attentes réelles des auditeurs. Les vraies préoccupations des citoyens sont reléguées au second plan. Les responsables de la programmation (on ne doute pas de la compétence de certains d’entre eux) ne suivent pas l’évolution des goûts du public auquel ils s’adressent.

C’est ainsi que la radio nationale est tombée dans le piège des émissions de talk show et du coup on passe le plus clair du temps à passer des discussions politiques à n’en plus finir. L’essentiel est quasiment oublié. Le citoyen tunisien se retourne, alors, vers les autres radios privées qui lui fournissent un menu assez fourni de faits divers “fracassants” et des “scoops” des plus sensationnels. A longueur de journée, il prête l’oreille à des animateurs dont le seul but est de le “fidéliser” à vie avec, très souvent, des futilités. 

C’est ainsi que l’on constate que la médiocrité est en train de s’installer, confortablement, dans le paysage audiovisuel ambiant. Une course effrénée a lieu, aujourd’hui, entre les différentes chaînes (radio ou télévision) pour la recherche de tout ce qui retient l’attention des auditeurs. Notamment des affaires de crimes, de braquages, de viols sordides, de violence… Les antennes privées se concentrent sur la recherche de telles sensations pour obtenir le meilleur audimat.

Notre chaîne nationale, de son côté, ne donne l’impression qu’elle cherche à éviter de tomber dans les solutions de facilité. Bien au contraire. Beaucoup d’animateurs (trices) n’hésitent pas à choisir cette voie et à faire perdre un temps précieux aux auditeurs avec des contenus d’un faible niveau culturel ou intellectuel et ne montrent aucun effort de recherche ou de documentation. On se contente de rapporter ce qui est publié sur les réseaux sociaux et de colporter des informations glanées par-ci par-là au gré des vents.

Des heures et des heures sont perdues dans de vains programmes sans la moindre utilité. Des speakers et des speakerines se relayent sur les ondes pour nous rabâcher les oreilles d’histoires sans queue ni tête. Pourtant, il est possible de puiser dans les archives (si les créateurs et les hommes et femmes compétents n’existent plus) et de trouver des enregistrements encore valables et d’une extrême utilité. 

N’oubliez pas le contribuable

De plus, il est temps que les responsables de cette institution sachent qu’ils travaillent dans un établissement public financé par l’argent du contribuable. Par conséquent, ce contribuable a le droit de donner son avis sur ce qu’il va entendre. On ne peut pas lui imposer n’importe quoi sous prétexte de l’existence d’une charte ou d’une ligne éditoriale. Comme c’est le contribuable qui paye, c’est à lui que revient, entre autres, le droit de choisir les programmes et les contenus qu’on lui destine. Il y a toujours un moyen de permettre cette contribution de la part des auditeurs de la radio nationale.

Heureusement qu’il y a, encore, certaines figures qui continuent de maintenir une certaine image de la radio tunisienne et de lui redonner ses lustres d’antan. Mais cela n’est pas suffisant. La preuve, c’est que dans les rares sondages qui existent, notre radio nationale n’est que troisième. La première est une radio privée. La quatrième est une radio ex-privée et gérée par l’Etat par le biais d’El Karama Holding.

Les radios privées sont l’otage des entreprises qui les alimentent en publicité. Ce qui est de nature à pénaliser leur autonomie et leur liberté d’expression. Aussi, leur objectif principal devient la nécessité de faire rentrer le plus d’argent possible. Le souci de la qualité et de l’utilité publique n’est que paroles en l’air. On s’abaisse au niveau de l’auditeur le plus moyen au lieu d’élever ce dernier vers un niveau supérieur.

Or, dans tout ce marasme radiophonique, on constate, pourtant, que les radios régionales s’en tirent, relativement, mieux et plus honorablement. Même modestes, les efforts qu’elles fournissent à leurs publics sont louables. De par leur situation, elles sont plus proches de la masse des populations à qui elles s’adressent et essayent de répondre à leurs attentes et être constamment à leur écoute.

Radios-champignons

Quand on sait que notre paysage audio est bien fourni, on comprend mieux l’enjeu et les défis qui sont à relever.

Comme on le sait tous, la radio nationale est, aujourd’hui, âgée de plus de 80 ans comme les plus prestigieuses stations mondiales. Mais il y a aussi la radio régionale Radio-Sfax qui existe depuis 1961. D’autres stations ont vu le jour à la fin du siècle dernier.

C’est le cas de radio-jeunes en 1995, radio-culture en 2006.

Le réseau régional formé de radio-Sfax et de radio Monastir (lancée le 3 août 1977) s’est étoffé de 4 autres, à savoir radio-Le Kef (1991), radio-Gafsa (1991), radio-Tataouine (1993) et radio-Panorama (2016).

Il faudrait, également, rappeler que les chaînes privées poussent comme des champignons. Elles sont soit diffusées sur le réseau terrestre soit sur le web. On en compte plusieurs dizaines. Une vingtaine sont classées commerciales. Une dizaine sont considérées comme des radios associatives. Malgré cette profusion d’antennes et cette liberté sans limites, il y a, toujours, des “pirates” qui émettent sans autorisation et qui ajoutent plus de chaos au paysage.

En somme, force est de constater que la Tunisie connaît une véritable prolifération médiatique mal contrôlée. La seule institution habilitée à moraliser le secteur et à imposer un strict respect des lois et des règles en matière de médias (la Haica), n’est pas en mesure de se faire entendre. Ses prérogatives sont, continuellement, remises en cause par ces opérateurs qui veulent n’en faire qu’à leur tête.

A chaque fois, on invoque la sacro-sainte liberté !

En tout cas, une radio demeure un outil dangereux qui, mal utilisé, peut entraîner des conséquences catastrophiques.

On en a les preuves tous les jours avec ces crimes, ces actes de délinquances, ces troubles sociaux…

La cause directe ou indirecte en revient pour une grande part au rôle destructeur de ces médias qui ne respectent pas la déontologie et les règles du métier de journaliste. 

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