La Libye est aujourd’hui orientée vers une économie de marché qui prône l’émergence d’un secteur privé libre afin d’engager et faciliter toute négociation commerciale visant à s’approvisionner de l’étranger, dans le but d’attirer des investisseurs occidentaux vers son marché. Les investisseurs tunisiens, eux, cumulent une grande expérience dans le monde des affaires, notamment en Libye, qui a pris une autre dimension grâce aux efforts déployés par la Tunisie.
Malgré les défis que peut présenter l’environnement encore instable et la situation d’insécurité en Libye, la Tunisie pourrait, non seulement, reprendre sa place commerciale dans ce pays, mais aussi l’améliorer. La dernière note publiée récemment par l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq), portant sur le thème : «Les potentialités commerciales en Libye : enjeu majeur pour la Tunisie», montre que les opportunités offertes par ce marché et qui ne sont pas suffisamment exploitées pour certains produits, n’exclut guère les marges de progression qui existent toujours.
Conscients de l’importance des opportunités existantes, les pouvoirs publics «devraient aider les exportateurs tunisiens à mieux se positionner sur le marché libyen», et ce, malgré les obstacles rencontrés relatifs essentiellement au financement et aux garanties des transferts bancaires.
L’heure aujourd’hui est de «repenser les relations économiques avec la Libye à travers des initiatives de partenariat avec des pays qui ont réussi à conquérir ce marché, comme la Chine, la Turquie et certains pays de l’Union européenne afin de valoriser les perspectives de coopération».
Selon la même source, la reprise de ce marché après les perturbations qu’a connues l’économie libyenne depuis 2011 suite à la révolution de son peuple, permettrait à la Tunisie, non seulement de regagner sa place dans celui-ci, mais aussi de lui offrir de nouvelles opportunités en matière d’échange, d’investissement et d’emploi. «Cela est d’autant plus vrai que ce pays, qui est riche, surtout en ressources naturelles, présente de nombreuses perspectives, en termes d’énergie, d’agriculture et d’agro-industrie et de bon nombre d’activités productives et de services à forte valeur ajoutée».
Un marché potentiel pour la Tunisie
L’analyse montre qu à l’exception des produits textiles et cuirs, qui prédominent les exportations tunisiennes sur la période 2001-2020, «les principaux produits importés par la Libye occupent des parts relativement importantes dans les exportations tunisiennes de biens, traduisant, de la sorte, la présence d’une certaine complémentarité entre l’offre d’exportation tunisienne et la demande d’importation libyenne». Cela reflète l’indice de complémentarité qui a pu atteindre 41% en moyenne par an sur la période 2001-2020. Cette complémentarité entre les exportations tunisiennes et les importations de la Libye «est relativement comparable à celle entre la Tunisie et ses principaux partenaires européens. Toutefois, les parts de ces derniers dans les exportations tunisiennes sont beaucoup plus importantes que celle de la Libye».
La même source confirme que ces résultats laissent déduire que la Libye constitue un marché non suffisamment exploité par les exportateurs tunisiens. Ainsi, «une orientation plus poussée vers ce marché pourrait atténuer, sans aucun doute, la vulnérabilité de l’économie tunisienne, qui dépend principalement des pays de l’UE. Cela est d’autant plus réalisable si la Libye arrive à relancer son activité économique, ce qui va, de nouveau, impulser l’économie tunisienne et lui offrir de nouvelles opportunités».
Echanges de la Tunisie avec la Libye
Les échanges de biens entre la Tunisie et la Libye demeurent modestes, représentant environ 4%, en termes d’exportations et 1.9% en termes d’importations, en moyenne, sur la période 2001-2020.
Il est à noter que «la part de la Libye dans les échanges extérieurs de la Tunisie a connu une baisse durant la période post-révolutionnaire qui est plus importante au niveau des importations que des exportations. Il est à souligner que la chute au niveau des importations en 2011 est imputable principalement à celle de l’énergie, suite notamment au fléchissement de l’activité économique dans les deux pays».
Rappelons, par ailleurs, qu’après le déficit commercial enregistré durant la période 2001-2008, les échanges extérieurs entre la Tunisie et la Libye se sont soldés, à partir de 2009, par un excédent. Ce dernier a connu une remarquable amélioration en 2011, suite notamment à la nette baisse des importations.
Faut-il savoir que les exportations tunisiennes vers la Libye sont prédominées par les corps gras, le papier, les produits céréaliers et les conserves végétales, qui représentent 36% et 43% du total des biens respectivement durant les années 2001-2010 et 2011-2020. A ceux-ci s’ajoutent le ciment, les ouvrages métalliques, la quincaillerie, la céramique et les peintures, qui ont connu une nette baisse de leur part au cours de la dernière période, cédant la place aux autres produits agricoles, au sucre, au matériel électrique et aux produits pharmaceutiques.
Quant aux importations, elles sont prédominées par le gaz naturel, les produits raffinés du pétrole et le pétrole brut, «bien que ce dernier ait connu une nette baisse de sa part dans le total des biens, contrairement aux autres produits».
Baisse de la part de marché à 3,9%
Evoquant le positionnement compétitif de la Tunisie sur le marché libyen, l’analyse indique que l’examen de l’évolution des exportations de biens de la Tunisie vers la Libye et de celles de ses autres fournisseurs montre que «parmi les pays du Maghreb, seule la Tunisie figure dans le groupe des 20 premiers exportateurs vers la Libye et occupe une position satisfaisante. Toutefois, elle a connu une dégradation de son classement, passant du 4e rang en 2001 aux 8e et 7e respectivement en 2010 et 2020, traduisant, de la sorte, une perte de sa part de marché (3.9% en 2020 contre 6.2% en 2001)».
L’examen de la croissance des importations libyennes, entre 2011-2020, montre que sur 98 produits de la nomenclature du système harmonisé, 42 produits sont dynamiques et représentent 77% des exportations totales de la Tunisie sur la Libye. Dans ce groupe, deux catégories de produits retiennent l’attention, à savoir les produits pour lesquels la Tunisie dispose d’un avantage comparatif. «Ces produits occupent plus de 67% du total des produits exportés sur la Libye. Certains de ces produits sont bien positionnés sur le marché libyen, où ils détiennent des parts de marché relativement importantes. Il s’agit du papier, des engrais, des produits céréaliers et des corps gras».
La seconde catégorie concerne les produits pour lesquels la Tunisie dispose d’un désavantage comparatif : ils représentent environ 10% du total des biens exportés vers la Libye et concernent principalement les produits pharmaceutiques et les conserves animales. En outre, «il est important de souligner qu’en dépit de sa traditionnelle spécialisation dans la production des vêtements de confection et des vêtements de bonneterie, la Tunisie n’est pas en train de tirer profit du dynamisme de la demande libyenne pour ces deux types de produits».
En somme, la Tunisie dispose d’un classement qui demeure très satisfaisant pour les principaux produits, présentant un avantage comparatif de leurs exportations sur la Libye.
(Source : Itceq)