Accueil Actualités Nabila Hamza : «La violence à l’égard des femmes est la violation des droits humains la plus dévastatrice dans le monde»

Nabila Hamza : «La violence à l’égard des femmes est la violation des droits humains la plus dévastatrice dans le monde»

 

Every Woman-Everywhere est une coalition mondiale de plus de 1 700 défenseuses et défenseurs des droits des femmes dans 128 pays, qui militent pour la promulgation d’une convention internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles. Nabila Hamza, sociologue, militante féministe et membre du bureau actuel de l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd), fait partie des coordinatrices tunisiennes de cet ambitieux projet. Une initiative encore peu connue alors qu’elle coïncide avec les objectifs de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des seize jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. Entretien.

Vous semblez convaincue qu’un nouveau traité de lutte contre la violence à l’égard des femmes est nécessaire. Quelles en sont les raisons ?

Au niveau des Nations unies, il n’existe pas d’instrument international spécifique et juridiquement contraignant sur la violence à l’égard des femmes. En conséquence, environ 75 % des femmes dans le monde n’ont pas accès à un traité qui traite expressément de la violence. Il existe, certes, des instruments régionaux sur la question, à savoir la Convention de Belém do Pará des Amériques, le Protocole de Maputo en Afrique et la Convention d’Istanbul en Europe. Toutefois, la mise en œuvre de ces accords est loin d’être respectée et leurs normes et définitions sont incohérentes, ce qui signifie qu’ils offrent aux survivantes et aux victimes de faibles degrés de protection et de recours. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a de son côté aussi pris des mesures pour lutter contre la violence sexiste. Cependant, à part les articles sur le mariage forcé et la traite des personnes, la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw) ne contient pas de dispositions juridiquement contraignantes sur le sujet. Ces mécanismes sont loin de répondre à l’ampleur du phénomène de la violence à l’égard des femmes et des filles. Ce nouveau traité obligerait donc les gouvernements à prendre et à mettre en œuvre un ensemble de mesures, dont la réforme du droit, la formation des policiers, des juges, des infirmières et des médecins, l’éducation à la prévention, les services aux survivantes et le financement. La mise en œuvre de ces interventions serait soumise à une évaluation régulière.

Cela fait huit années que le travail de la coalition Every Woman a débuté. Qui parmi les Etats a déjà apporté son soutien à ce projet ?

Justement, parce que les traités internationaux se situent au-dessus des lois nationales, ils demandent beaucoup d’énergie, de persévérance et prennent beaucoup de temps pour aboutir et se voir adoptés. Nous sommes actuellement dans la phase du plaidoyer. Plusieurs personnalités et leaders du monde défendent notre projet, dont l’ancien président de l’Union africaine et président de la République démocratique du Congo, Tshisekedi, le président nigérian Buhari et le secrétaire général de l’Organisation des États américains, Almagro, ainsi que les lauréats du prix Nobel de la paix Jody Williams, Shirin Ebadi et Tawakkol Karman, et des dizaines de militants et de militantes des droits de l’homme. En février dernier, plus de 220 militantes des droits des femmes afghanes ont signé une lettre ouverte au président américain Biden, appelant à une nouvelle norme mondiale pour protéger les femmes et filles en Afghanistan.

Mi-mars, des défenseurs et défenseuses des droits des femmes de toute l’Asie du Sud ont clôturé une conférence de deux jours sur la violence de genre, par la publication d’une déclaration exhortant vivement les gouvernements à défendre, adopter et mettre en œuvre un cadre mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes.

Quel rôle joue la Tunisie pour faire avancer l’adoption du traité ?

La Tunisie est un pays pionnier en matière de droits des femmes et reconnu pour le travail exceptionnel mené par les acteurs de sa société civile. Lors de son intervention pendant l’événement parallèle de Every Woman lors de la 66e session de la Commission de la condition de la femme, l’ambassadrice de Tunisie aux Etats-Unis, Mme Hanene Tajouri Bessassi, a souligné le rôle clé que la société civile tunisienne a joué dans le renforcement de la protection des femmes et des filles. La Tunisie dispose, en effet, de l’arsenal juridique antiviolence le plus avancé de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Il en va de même du leadership de la Tunisie dans le système multilatéral sur la violence, comme le montre son plaidoyer auprès de la Ligue arabe pour faire avancer un cadre régional de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles.

Nous avons célébré le 25 novembre la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, qui sera suivie par les seize jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. Que signifie cette date pour vous ?

Cette campagne annuelle est là pour rappeler que la violence à l’égard des femmes constitue la violation des droits humains la plus répandue et la plus dévastatrices dans le monde. En dépit des efforts de sensibilisation, elle reste un fléau qui affecte les femmes de toutes les classes sociales, toutes les cultures et toutes les tranches d’âge.

Durant cette campagne, différentes activités sont menées par des associations féministes pour attirer l’attention sur des violences basées sur le genre, qui constituent la manifestation la plus aiguë de l’inégalité homme-femme. Ce combat est l’un des enjeux majeurs de notre époque !

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