Pour sa 14e édition, cette foire organisée par le ministère émirati de la Culture et du Tourisme a vu doubler le nombre de galeries participantes.
Longtemps, bien qu’inaugurée dès 2007, Abu Dhabi Art a évolué à l’ombre de Dubaï Art Fair, «la» grande foire d’art contemporain la plus visible de la région Mena. Mais depuis deux ou trois ans, on a vu cette rencontre s’imposer par des choix rigoureux, une excellente sélection d’artistes et de galeries, une politique judicieuse de thèmes et de curators, et une capacité affirmée de drainer musées et fondations à Manarat Al Saadiyat, l’île aux musées où elle se tient.
Les chiffres sont révélateurs : pour sa 14e édition, cette foire organisée par le ministère émirati de la Culture et du Tourisme a vu doubler le nombre de galeries participantes. Et si les 47 galeries présentes en 2021 sont toutes revenues —ce qui est révélateur du succès de l’édition— on en compte 33 nouvelles adhérant à cette rencontre 2022. Ce qui porte à 28 pays du monde entier présents à Abu Dhabi, dont l’Italie, —Abu Dhabi Art était présent à la biennale de Venise— la Colombie, la Corée du sud, le Danemark et l’Inde pour ne signaler que quelques-uns des nouveaux arrivés. Et l’on dénombrait quelque 300 artistes signant 900 œuvres d’art : peinture, sculptures, dessins, photos, vidéos, installations et créations digitales.
Un programme intelligent, dense et pertinent était proposé aux participants : tours guidés et commentés par des experts, workshops, conférences, ateliers, et, pour la première fois pour cette rencontre, une performance d’art culinaire inédite : le Cookbook, un mix étonnant de créations artistiques, de vidéos, de performances et de dîners réalisés par les plus grands chefs du monde.
Mais on y découvrait également les nouvelles tendances de la scène artistique, l’émergence de nouveaux talents, ainsi que le développement des industries créatives.
Un des focus de cette édition, placé d’ailleurs au cœur du hall d’exposition, et considéré comme étant un de ses points forts, était la section «New Tomorrows», présentant les artistes et les galeries d’Afrique du Nord, dont le commissariat était assuré par l’historienne de l’art, la Tunisienne Rachida Triki. Cette section Focus, invitant galeries maghrébines et galeries internationales axées sur les artistes du Maghreb, met en valeur les œuvres d’artistes modernes et contemporains qui partagent à la fois le désir d’émancipation et la perméabilité du geste créatif.
«Je rêve d’être une île»
Et si nous ne pouvons manquer de signaler la belle présence de prestigieuses galeries françaises comme Perrotin, la participation affirmée de plusieurs galeries américaines, l’arrivée en force de galeries turques et sud coréennes, la courageuse et intéressante présence de galeries saoudiennes et cubaines, nous nous arrêterons plus volontiers sur la participation conséquente des artistes et galeristes tunisiens.
La galerie Gorgi avait choisi la gageure de présenter un solo show de l’artiste Najah Zarbout. Celle-ci présentait, sur le thème de : «Je rêve d’être une île», un délicat travail sur l’insularité, entre relief et plénitude. Des dessins découpés au scalpel, superposés, collés, froissés, qui offrent d’étranges profondeurs sereines.
Le Violon Bleu réunissait sur son stand un bel ensemble d’artistes pionniers de l’art moderne au Maghreb : Baya, l’Algérienne mythique aux couleurs chatoyantes. Ferid Belkahia, le Marocain, l’homme de Marrakech à l’inspiration mystique, au travail sur peau de bête et aux pigments naturels. Hedi Turki, le Tunisien, dont est présentée la période abstraite inspirée par Rothko lors de son séjour à Columbia.
Musk And Amber avait misé sur un trio de belle cohérence : Imed Jmaïel, que nous, public tunisien, regrettons de ne pas voir plus souvent, et qui présentait un superbe ensemble d’œuvres inédites.
Le travail de photos hypnotique de Mouna Jmal sur la mosquée Kairouan et le bassin des Aghlabides. Et la sculpture aérienne d’Inkman.
Galerie Selma Feriani, toujours précurseur dans le domaine des arts, s’engageait dans cette nouvelle tendance que l’on avait pu déceler à la Biennale de Venise : le retour à la tapisserie. Elle invitait à exposer l’artiste tuniso-marocaine Amina Saoudi Aït Khay. Celle-ci tisse selon une technique traditionnelle des formes et des couleurs libérées de toute contrainte.
Galerie el Marsa, souvent présente dans la région du Golfe, offrait un bel ensemble d’œuvres d’artistes modernes et contemporains.
Important à signaler également : la présence d’artistes tunisiens dans des galeries étrangères, ce qui affirme l’aura internationale que commencent à prendre les plasticiens tunisiens. Hela Ammar et Sliman el Kamel étaient représentés par une galerie française, Nicene Kossentini par une galerie espagnole, Lyes Messaoudi par une galerie suisse et Rachid Koraichi par une galerie américaine.