Notre pays est resté impuissant face à la prolifération du fléau des migrations. En même temps que le nombre des migrants illégaux progresse, celui des cerveaux suit la même courbe.
Ce qu’on appelle exode, migration ou fuite des cerveaux vers les pays riches prend des proportions inquiétantes et menace, même, la pérennité et la stabilité de notre système socioéconomique.
Sur un plateau d’argent
Sans trop vouloir entrer dans la publication de chiffres, nous pouvons être sûrs que les graves préjudices subis par notre pays suite à la multiplication des opérations de départ vers l’étranger de ces compétences tunisiennes sont de première importance.
Le phénomène est d’autant plus inquiétant qu’il ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin.
Selon des sources officielles, plus de 90 % de nos jeunes ingénieurs partent à l’étranger chaque année. Cette donnée est de nature à nous alerter sur les risques que nous encourons pour les prochaines années si nous n’y prenons garde.
Il est clair que cela existe depuis longtemps. Au cours de la dernière décennie, le malaise social, politique et économique a eu raison de la volonté de nombreux diplômés tunisiens. Ceux-ci ont préféré “changer d’air” et jouir de plus de dignité au lieu de subir un climat peu propice à l’épanouissement de leurs capacités et de leurs ressources. Des offres alléchantes venues d’ailleurs ont fini par les convaincre que leur avenir est ailleurs. C’est là, au moins, quelques raisons qui expliqueraient cette volonté de “fuir” le pays vers de nouveaux horizons plus prometteurs. Mais ce qu’il faut déplorer, c’est l’absence d’une stratégie efficace pour contrer cette désaffection et ce refus de sentir une dette envers sa patrie de la part de ces diplômés dans les divers domaines. Si on peut, dans certaines limites, leur reconnaître le droit de se déplacer et de choisir leur destin, le pays est en droit d’exiger d’eux de lui rendre une partie des sacrifices qu’il a consentis pour les former. Ils sont, justement, un produit du système et si l’Etat a investi dans leur enseignement, c’est pour les préparer à participer aux efforts du pays et au relèvement de notre économie. Médecins, paramédicaux, ingénieurs et autres spécialités sont touchés par cette migration des compétences au point qu’il y a le risque de vider le pays de la moindre compétence.
Ce qui nous pousserait à faire, nous-mêmes, appel à d’autres compétences étrangères à forte valeur.
Du coup, on est perdant sur tous les plans. Offerts sur un plateau d’argent et gratuitement, nos cerveaux vont contribuer à développer d’autres pays qui n’ont rien dépensé pour leur formation. En retour, la Tunisie n’aura rien à gagner puisque ces opérations se font à titre individuel sans organisation officielle.
Rôle de l’Ocde et de l’Unesco ?
Pourtant, il est temps que l’Etat intervienne de façon ciblée sans toucher à la liberté des personnes. Son rôle serait d’encadrer et d’accompagner cette ruée vers l’étranger. Il ne faut pas que les autorités restent les bras croisés sous prétexte que cela fait partie des droits et des libertés. Cela est vrai. Mais il n’y a aucun mal que l’Etat rappelle à ces gens qui préfèrent offrir leurs services à l’étranger qu’ils ont des devoirs envers leur patrie.
Leur départ (temporaire ou définitif) ne doit pas se faire aux dépens de nos intérêts. Une longue action de sensibilisation doit être menée dans ce sens pour les convaincre de la nécessité de s’acquitter de leurs devoirs envers le pays qui les a formés.
Il est possible d’impliquer des organisations internationales comme l’Ocde (Organisation de coopération et de développement économique) ou l’Unesco. Les efforts de ces deux organisations peuvent être renforcés pour aider les pays en développement à profiter pleinement de leurs moyens. Ils peuvent intervenir auprès des pays d’accueil pour mieux les responsabiliser et leur faire comprendre que ce qui se passe n’est pas moins grave que le pillage des richesses.
En effet, il est injuste que des pays à faibles revenus consentent tous ces sacrifices pour, finalement, être privés des fruits de leurs compétences.
Il y a, finalement, ces pays qui accueillent à bras ouverts nos médecins, nos paramédicaux ou nos autres diplômés qui doivent comprendre l’inquiétude de notre pays.