Aujourd’hui, l’on s’évertue, à tout remettre en chantier pour faire de l’école un vivier du savoir et de talents. Au grand bonheur de l’élève, cet homme de demain.
Réforme éducative, on n’a pas fini d’en parler, sans arrêter de ruminer les mêmes idées d’un projet qui fut, pas mal de fois, tué dans l’œuf. Certes, la réflexion sur un nouveau modèle d’école ne date pas d’hier. Et les initiatives similaires qui ont dû le repenser étaient aussi multiples. Cela fait cinq fois, depuis l’indépendance, que l’on remet ce sujet sur le tapis. Ainsi, le débat continue, sans venir à bout des problèmes et difficultés dont souffre l’actuel système éducatif en Tunisie. Beaucoup de bruit pour rien !
Au début de cette année, souvenons-nous encore, le ministre de l’Education, Fethi Sellaouti, avait, alors, annoncé un chantier éducatif en dix mois. Projet qui s’en tient, a priori, au développement du cycle primaire, dans ses moindres détails. A commencer par les compétences requises de l’élève, la formation des enseignants, l’amélioration des conditions du travail et la révision du temps scolaire. A cela s’ajoutent les outputs déjà consignés et annotés dans le livre blanc de l’éducation, il y a maintenant six ans. Soit du temps de Neji Jalloul, alors, ancien ministre du secteur et maître d’un projet de réforme, à peine couché sur le papier. Et le suivant n’a rien à voir avec la réalité. Jusque-là, aucun ministre de l’Education dans les gouvernements post-révolution n’a osé franchir le pas, à même d’honorer parfaitement ses engagements à l’égard de l’école publique, cette haute institution de socialisation de toutes nos générations. A son âge d’or, elle fut reconnue comme un véritable ascenseur social, à bien des égards.
Pour qui sonne le glas ?
Qu’en reste-il aujourd’hui ? Drôle d’une école buissonnière, où l’élève n’est plus la cheville ouvrière du système d’enseignement, tous cycles confondus. Il n’est plus son axe principal, autour duquel gravitent tous les précurseurs réformateurs. Il y a des années que l’on enregistre des vagues de déscolarisés. Du moins, 100 mille élèves quittent, chaque année, les bancs de l’école, se jetant ainsi dans la rue. Sans formation ni encadrement, ces enfants deviennent de plus en plus violents. Ils sont redevenus ignorants, rejoignant le camp d’analphabètes et de ceux ayant besoin d’intégrer l’école de la deuxième chance. Pourquoi, alors, décroche-t-on si vite et pourquoi revient-on de loin aux salles de classe? Une telle rupture dérisoire explique bel et bien la crise dans laquelle s’enlise notre système éducatif. Un système qui verse dans l’anarchisme et dénote d’une faille socio-pédagogique, mais aussi didactique. Pour qui sonne le glas ? L’école, la famille et la rue, un trio responsables de l’échec scolaire.
Que faire pour remettre les pendules à l’heure ? Et pour que l’école soit un vivier de formation et de talents, une voie royale de succès. Il n’y a que la réforme inspirée de problèmes éducatifs majeurs et qui réponde aux besoins académiques et d’apprentissage. Autant dire, comme le formulait Neji Jalloul, rendre à l’école sa vraie vocation d’antan et la hisser à un tremplin pour l’emploi. Tant il est vrai que le un tiers des nos chômeurs, dont le nombre dépasse 600 mille, sont des jeunes diplômés de l’enseignement. Cela étant, par conséquent, le corollaire d’un système éducatif correct, qualifié et productif. Soit un modèle alternatif, censé reconstruire l’image d’une école performante digne de ce nom. Une école, où l’apprenant devrait être au cœur de tout projet réformiste. Quel projet éducatif nous voulons ? «Il est temps d’engager des mécanismes de réforme éducative, non pas de manière unilatérale, mais de façon collective et participative», préconise Kamel Missaoui, chef de la coalition du forum éducatif tunisien, lors d’un récent colloque à Hammamet. Il considère que la cause éducative est un projet de société qui ne saura se réaliser que dans le cadre d’un accord consensuel. «Nous allons aboutir à des décisions et recommandations réalisables, d’autant plus que nous devons les suivre, tout en mettant la pression sur le gouvernement, afin que ces outputs soient dûment concrétisés dans la réalité», lance-t-il.
Prioriser les actions
Donc, il y a toujours tendance vers une réforme en profondeur. Or, aux dires de Abdelbasset Ben Hassen, président de l’Institut arabe des droits de l’homme (Iadh), cela dépend d’une vraie tête pensante, mais aussi d’une décision politique pour tout traduire dans les faits. Car, rappelle-t-il, les initiatives de réforme éducatives sont légion, sauf qu’elles, toutes, manquaient à l’application. Suite à quoi, le Tunisien n’a plus confiance en l’Etat. Projet de réforme, on n’y croit pas. L’école tunisienne a besoin d’infrastructures de bonne facture, d’équipements modernisés, d’enseignants hautement qualifiés et bien confirmés, d’un temps scolaire révisé et d’une carte d’établissements équilibré. Le tout concourt à rendre à l’école son éclat et motiver l’élève à exceller et donner de son mieux. C’est que le rendement de l’élève détermine le niveau du classement scolaire. Et son aptitude à comprendre reflète la faculté pédagogique dont dispose son corps enseignant. De même, le ministère de tutelle est appelé à prioriser ses actions et réalisations. Le dossier des suppléants non titularisés était, ces derniers jours, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce qui a privé 1.200.000 élèves de passer leurs examens de fin du 1er trimestre et causé un certain tollé général.
Aujourd’hui, l’on se penche, de nouveau, à tout remettre en chantier : Développement du contenu pédagogique, révision du temps scolaire, animation de la vie scolaire, budgétisation de l’école, amélioration de son infrastructure, formation du corps enseignant. Tout pour le grand bonheur de l’élève. L’idéal est d’en faire un citoyen à part entière, plus ouvert aux autres cultures du monde. L’homme de demain, pour ainsi dire.