Accueil Actualités Dr Touhami Abdouli, directeur général de la Fondation culturelle Al-Babtain au Koweit: « L’humanitaire n’est plus un choix mais un devoir »

Dr Touhami Abdouli, directeur général de la Fondation culturelle Al-Babtain au Koweit: « L’humanitaire n’est plus un choix mais un devoir »

Il est de ces personnes dont il faut suivre la trace. Du champ politique au champ humanitaire, du diplomatique au sociétal, du national à l’international, Touhami Abdouli est sur tous les fronts. En Tunisie, nous l’avons connu universitaire respecté, puis secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Pour ce docteur en philosophie, rien de ce qui est humain n’est étranger. Et en premier lieu, les valeurs de paix, d’éducation et de culture. Aussi l’a-t-on vu prendre en charge la direction de la fondation culturelle Al-Babtain au Koweït qui œuvre pour ces valeurs dans le monde arabe et pour laquelle il organise de vastes forums pour la paix à la Cour internationale de La Haye.

Mais pour un homme politique, patriote, et doté d’une fibre humanitaire, il était difficile de ne pas se sentir concerné par la situation difficile que traverse son pays. Aussi croit-on savoir que Touhami Abdouli souhaiterait apporter sa contribution à l’amélioration de cette situation. Et pour ce faire, il aurait choisi la caisse de résonnance populaire que représente l’Assemblée nationale à la présidence de laquelle il se propose.

Nous vous connaissons sous plusieurs cas – quettes : celle de la politique, de l’humanitaire, de l’engagement citoyen. Quelle est celle du moment ?

D’abord, il faut dire que tout est corrélé, tout est politique : je définis la politique comme un outil et un moyen d’organiser et de gouverner. Donc c’est un système de perception et d’organisation qui permet de gouverner une société et de tisser des relations étroites avec le monde entier. Dans ce contexte, j’évite l’amalgame entre politique et idéologie. D’ailleurs, je suis loin d’être idéologisé et je refuse de l’être. Le terme adéquat correspond plutôt au terme anglais ‘policy’ qui renvoie à l’action de penser d’une façon stratégique pour faire des actions et réaliser le réalisable. Je suis convaincu que des actions humanitaires nécessitent une politique et un engagement citoyen pour servir les citoyens. Pour le moment, je suis dévoué à l’humanitaire à l’échelle internationale ; nous travaillons avec les organisations internationales, nous sponsorisons, nous proposons des actions et des programmes sans but lucratif. Nous avons nos propres moyens du groupe économique Albabtain dans le cadre de la responsabilité sociale des sociétés qui appartiennent au groupe. J’appelle tout le monde à faire une transition au niveau du raisonnement et au niveau des actions pour l’humanitaire car ce n’est plus un choix mais un devoir humain.

Vous dirigez une fondation internationale dont le rôle pourrait être majeur dans un monde difficile. Quels sont son rôle, son pouvoir, ses objectifs et ses réalisations ?

La fondation culturelle arabe ‘Albabtain’ e s t consacrée à trois missions nobles. La première est de développer la créativité poétique en entretenant la poésie arabe et en accordant des prix de valeur aux poètes et aux spécialistes de la poéticité. C’est une stratégie pour sauvegarder ce patrimoine et cet art de la civilisation arabe. La deuxième est l’éducation. La fondation a, en effet, sponsorisé les études de dizaines de milliers d’étudiant s nécessiteux en Afrique, en Asie et même en Europe. En ce moment, 473 étudiants sont totalement pris en charge par la fondation : bourses mensuelles, logements, fournitures scolaires et billets d’avion.

La troisième mission est la dissémination de la culture arabe dans les cinq continents à travers les chaires de la culture arabe et des centres culturels arabes fondés et sponsorisés par la fondation. Nous avons une vingtaine de chaires et centres, dont ceux aux Pays-Bas, à Malte, en Arménie, en Chine, en Espagne, à Palerme, en Albanie, au Togo, à Oxford, à Djibouti, etc. Il faut dire aussi que la fondation n’a pas de vocation idéologique d’arabisme ni de vocation religieuse. Nous sommes apolitiques et nous ne sommes pas des prêcheurs pour la religion.

Vous organisez régulièrement un forum pour la paix à La Haye.  La paix dans le monde n’est-elle pas en train de devenir un rêve utopique ?

En septembre 2016, quand j’étais nommé directeur général de la fondation, j’ai préparé un plan de relance culturelle qui consistait à internationaliser la fondation. J’ai eu le soutien nécessaire du père fondateur de la fondation, le poète Abdulaziz Albabtain. Parmi les axes d’internationalisation figurait le forum international pour la culture de la paix. Le but est de convaincre la communauté internationale d’enseigner la culture de la paix, depuis les jardins d’enfants jusqu’aux universités. Puis, en collaboration avec les présidents de l’Assemblée générale des Nations unies : Peter Thomson, Miroslav Lacjek, Maria Espinoza Garces et Abdullah Shahid, nous avons préparé 17 manuels d’enseignement de la culture de la paix (rédigés en anglais, en arabe et bientôt traduits en français et espagnol). Puis, nous avons organisé le premier forum en 2019 à La Haye, dans la Cour de justice internationale, avec la participation de 5 chefs d’Etat, des Nations unies, de parlementaires, de ministres, de représentants d’organisations internationales et d’intellectuels de tout le monde. Durant les deux années du Covid19, la fondation a mené des actions de solidarité. Puis au mois de mars 2022, nous avons organisé le deuxième forum à Malte, sous le patronage du président G.Vella. Cinq chefs d’État y ont participé, ainsi que le président de l’Assemblée générale et le secrétaire général des Nations unies, quatre présidents de parlement, des membres de parlements, des ministres, des représentants d’organisations internationales et des intellectuels.

Bien évidemment, nous considérons les recommandations des deux forums qui sont prioritaires dans nos actions et les actions de nos partenaires. Le troisième forum se tiendra à Paris en novembre 2023, en partenariat avec le forum de Paix de Paris. Notre vision est que la paix juste est une culture et non une action politique ; donc avant d’arrêter les guerres ou de les prévenir, il faut préparer une génération qui assimile le principe que la guerre devrait être impensable.

Vous vivez actuellement au Koweït sans pourtant jamais vous éloigner de la vie tunisienne. Quelle est votre perception de la situation ?

Je disais, une fois, dans un sens métaphorique : à l’étranger je pleure parfois mais en Tunisie, je pleure chaque jour. Pleurer est une sorte de contestation intériorisée, une sorte d’amertume et de désir de faire un certain passage. Je ne blâme ni le système ni les politiciens ni les intellectuels ni les Tunisiens. Je blâme le ‘nous’ passif et égoïste, le ‘nous’ incapable de progresser et d’interagir d’une manière positive. Malheureusement, nous ne savons pas ce que nous ne voulons pas ; mais nous ne savons pas ce que nous voulons, non plus. Nous avons besoin de dépasser l’étape maladive de sarcasme et de raillerie ‘Tanbir’ et d’entamer une phase constructive à même de rebâtir notre patrie. Pour ce faire, nous avons besoin de changer la mentalité culturelle passive et d’instaurer une mentalité productive qui puisse mettre en valeur la tunisianité.

Et n’est-il pas temps pour vous de venir apporter votre pierre à un édifice en difficile construction ?

Je pense à ces sept ans stériles, de polémique, de mutilation, de lynchage de la patrie et d’échec total de la caste politique. Je devrai revenir à la mission du soldat : défendre mes compatriotes et participer au développement durable de la Tunisie. Il est peut-être difficile de faire le choix entre les privilèges à l’étranger et le devoir de défense de la patrie. J’ai choisi la Tunisie, parce qu’on n’a qu’une seule patrie. La Tunisie est mon devenir, mon destin et ma destinée. Un homme d’Etat cherche les intérêts de son pays ; un politicien, appartenant à un parti politique, ne cherche que l’intérêt de son parti politique. Mon parti, c’est la patrie : la Tunisie et son drapeau

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