Tout comme le droit syndical, le droit des enfants à l’enseignement est constitutionnel et universel. Malheureusement, ce droit est mis à mal chez nous à cause des fréquents agissements des deux fédérations générales (enseignement de base et secondaire).
Depuis quelques années, les Fédérations générales de l’enseignement de base et du secondaire nous ont habitués à des mouvements intempestifs de boycotts administratifs et de grèves. Pour ne plus laisser les deux protagonistes face à face (ministère et syndicats), un courant citoyen est en train de se mettre en place pour les départager et s’opposer aux possibles dérives catastrophiques. Mais il ne faut pas oublier que la justice est invitée à prendre part à ce combat pour la pérennité d’un enseignement public digne de la Tunisie.
Faut-il rappeler que les Fédérations en question ont déjà mis leurs menaces à exécution en boycottant l’administration par la rétention des notes. Par conséquent, tout le processus d’évaluation des apprentissages n’a pas pu avoir lieu. Les conseils de classe du premier trimestre n’ont pas pu se tenir, les élèves et leurs parents n’ont pas pu obtenir les bulletins ou les carnets de notes de ce trimestre. Du coup, personne ne connaît sa moyenne ni les observations contenues, généralement, dans ces documents. Bien sûr, il est simple de calculer la moyenne, mais la tenue des conseils de classe est indispensable pour étudier les cas qui nécessitent un intérêt plus soutenu ou rectifier certaines orientations. De plus, à travers les observations formulées par les enseignants, les parents peuvent agir en temps voulu et encadrer leurs enfants avant qu’il ne soit trop tard.
Majorité silencieuse
Ces pratiques pédagogiques obligatoires ne figurent plus dans les agendas des Fédérations de l’enseignement de base (Fgeb) ou de l’enseignement secondaire (Fges). Celles-ci se livrent depuis plusieurs années à leur sport “syndical” favori qui consiste à prendre des mesures dont le but est de perturber le bon déroulement de l’année scolaire et se faire remarquer au niveau de la scène médiatique. A vrai dire, toutes les actions menées par ces organisations sont décidées par une poignée de personnes (les membres de ce qu’on appelle les commissions administratives sectorielles). Ces gens planifient des mouvements et des opérations sous la couverture de la légitimité syndicale et des pratiques “démocratiques” que leur confèrent ce qu’ils appellent “les bases syndicales”. Ces bases sont “consultées” lors de réunions dans les salles de profs à la suite desquelles des motions sont rédigées par une ou deux personnes pour remonter, par la suite, aux autres structures. Généralement, ces motions sont des dissertations au style révolutionnaire et au style militant poussé à ses extrêmes.
La majorité silencieuse des enseignants ne peut que se résigner devant ces attitudes de peur d’être mal vue par les syndicalistes en place. On le sait, l’écrasante majorité des enseignants ne s’est pas prononcée pour le boycott ou les grèves. Seuls quelques activistes très “engagés” s’illustrent dans ce travail pour se tailler une stature de leader et faire parler d’eux. En outre, il ne faut pas oublier que la faiblesse des autorités leur ouvre la voie pour plus d’actes de ce genre.
Aujourd’hui, on voit les responsables syndicaux se targuer de la “réussite” éblouissante” de la mesure qu’ils ont prise de ne pas remettre les notes à l’administration. C’est ce qui les encourage à aller de l’avant pour durcir encore plus leur “lutte” comme ils l’ont souligné à plusieurs reprises dans leurs différentes motions. En effet, c’est ce qui ressort des dernières décisions des deux fédérations.
La société civile monte au créneau
La rétention des notes sera reconduite pour le second trimestre. Ces deux fédérations se disent prêtes à tout faire pour amener le ministère de l’Education à engager des discussions “sérieuses” et aboutir à des solutions en appliquant les différents accords conclus depuis 2018.
La menace est encore plus réelle, selon la Fgeb, de boycotter les examens des deuxième et du troisième trimestre, ainsi que les examens nationaux. Rien que ça!
Il n’est pas exclu que la Fges rejoigne son compère de l’enseignement de base sur cette voie.
En tout ca, les deux structures syndicales campent sur leurs positions et s’en tiennent à leurs revendications contenues dans les accords déjà conclus avec le ministère et l’ouverture de négociations pour parvenir à l’application des dispositions précédentes. D’ailleurs, dans la dernière réunion de la commission administrative sectorielle de la Fges, tenue le 21 janvier 2023, des recommandations ont été faites pour la poursuite des mesures adoptées et d’inviter les structures syndicales à consulter les bases en vue d’étudier d’autres mesures plus dures dans le cadre dit d’escalade.
Devant de tels scénarios, la société civile n’est pas en reste puisqu’on a déjà constaté des mobilisations des parents qui sont montés au créneau avec plus de vigueur et de détermination. Une coordination des parents compte, justement, organiser une action de protestation contre ces syndicats qui se jouent du sort de leurs enfants. Cette coordination des parents en colère menace, même, de recourir à la justice contre les responsables syndicaux et d’intenter des procès à leur encontre. Cette mobilisation est relayée par des actions menées par d’autres parents sous forme de rassemblements devant les établissements scolaires où des réunions sont improvisées pour examiner la situation et alerter sur les risques encourus par l’école publique. Mais on note, aussi, avec étonnement, voire avec stupéfaction, l’absence de la justice. On se demande pourquoi celle-ci reste dans l’attentisme alors que les droits fondamentaux des enfants sont foulés aux pieds. Les organismes de protection des droits de l’enfant (par le biais du délégué à la protection de l’enfance) ont l’obligation d’intervenir dans le même sens. Ce qui se passe est d’autant plus grave qu’il porte, directement, atteinte aux droits les plus élémentaires de l’enfant. Il n’est plus permis de se servir de nos enfants pour les utiliser comme monnaie d’échange et à plus forte raison comme des otages pour obtenir des avantages matériels quelle que soit la légitimité de ces revendications.
Les responsables syndicaux doivent adopter d’autres moyens de “lutte” pour aboutir à la satisfaction de leurs interminables demandes. Car tout le monde sait qu’il y aura toujours des perturbations même si on arrive à trouver des solutions à tous les problèmes. Il y aura des mouvements de revendications tout le temps, car c’est la vraie raison de l’existence des syndicats. Toutefois, le fait de s’en prendre à nos enfants doit rester une ligne rouge pour utiliser une expression galvaudée par les syndicalistes.
La société civile pour sa part est appelée à assumer ses responsabilités et réunir ses efforts pour former un front commun dont l’objectif sera de protéger tous nos élèves et le système éducatif dans son ensemble. Ce système, comme on l’a constaté, est aujourd’hui la cible de ceux qui veulent le démanteler au profit d’un autre système payant.
Enfin, il y a un appel à lancer pour tous les enseignants silencieux qui en ont assez de ce cirque dans lequel ils sont impliqués et qui n’augure rien de bon. Il faut qu’ils fassent entendre leurs voix et crier tout haut qu’ils ne se laisseront plus mener par le bout du nez. Le vrai travail syndical c’est celui qui sait quand il faut arrêter.
Pour terminer, on voit avec le plus grand bonheur que la plupart des médias se sont engagés sur la même voie pour préserver l’intérêt de nos élèves, de notre école publique face aux périls qui la menacent à cause des agissements irresponsables de certains syndicalistes à qui on devrait dire «game over».
Association tunisienne des parents d’élèves
«Un dialogue de sourds qui pénalise les élèves»
L’Atpe a exprimé son mécontentement face aux prises de position des parties concernées marquées d’abord par le boycott des cours et la révision du calendrier des examens, puis la retenue des notes des examens des premier et deuxième trimestres et par les appels à la poursuite des mouvements de protestation en prônant l’escalade.
L’Association tunisienne des parents d’élèves (Atpe) a souligné, hier, que la non-régularisation des dossiers en suspens ont provoqué un conflit entre le ministère de l’Education et les syndicats de l’enseignement. Selon l’association, cette situation est faite pour accentuer la détérioration du système public en général. L’Atpe a exprimé son mécontentement face aux prises de position des parties concernées marquées d’abord par le boycott des cours et la révision du calendrier des examens, puis la retenue des notes des examens des premier et deuxième trimestres, et par les appels à la poursuite des mouvements de protestation en prônant l’escalade. L’association a indiqué que l’élève subit, au quotidien, une violence morale qui influera négativement sur son rendement scolaire et entraînera une recrudescence du décrochage scolaire, notamment dans les milieux défavorisés. L’Atpe a signalé l’importance de la création du Conseil supérieur de l’éducation qui sera chargé de la restructuration de l’école tunisienne sur des bases solides, garantissant aux générations futures le droit à l’éducation et à un enseignement gratuit et de qualité.