DANS la crise, les valeurs de solidarité, d’altruisme, de charité et d’entraide se développent dans tous les domaines pour venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin. Malheureusement, cet héritage social est en train de s’effriter dans notre pays pour laisser place à des pratiques opportunistes qui détruisent le ciment social par un chantage quotidien qui prend en otage un Etat qui manque cruellement de ressources financières et plonge davantage les plus démunis dans l’extrême pauvreté et le besoin.
C’est le cas des distributeurs de bouteilles de gaz qui menacent d’interrompre l’approvisionnement des populations du nord-ouest tunisien frappées par une vague de froid et de neige durant ces jours. C’est aussi le cas des syndicats de l’enseignement qui prennent en otage les élèves en refusant de communiquer leurs notes ou encore celui des centres de dialyse qui font miroiter l’arrêt des séances thérapeutiques à plus de 11 mille patients, sans parler du secteur du transport public qui met les nerfs des usagers à vif.
Cela dit, nous sommes devenus l’un des rares pays où, lorsqu’il y a une crise, les revendications augmentent et la solidarité recule. C’est ce qui crée le sentiment de chacun pour soi alors que si le bateau coule il n’y aura pas de rescapés. Sommes-nous à ce point devenus individualistes, narcissiques et opportunistes ? Où est passée la solidarité qui fut un temps le ciment de notre société dans un monde aux repères incertains ? N’a-t-elle pas marqué le dynamisme social de notre pays ? Qu’est-ce qui a changé pour qu’on tourne le dos aux plus vulnérables et pour laisser au bord de la route des compatriotes en détresse ? Agir de façon égoïste en temps de détresse collective ne peut que noircir le tableau et rendre le quotidien des nécessiteux encore plus rude à vivre. Certes, il y a tant de choses à changer dans notre pays parce qu’elles ne fonctionnent pas, mais s’il y a un domaine où le consensus entre nous devrait être respecté, c’est bien celui de la solidarité, qui ne doit pas relever uniquement des prérogatives de l’Etat mais de la Tunisie tout entière avec ses acteurs de la société civile, ses partis, ses syndicats et son peuple. Durcir le quotidien des familles tunisiennes par des pratiques hostiles basées sur des calculs étriqués aurait des conséquences absolument dramatiques pour la société entière, y compris pour ceux qui pensent à tort qu’ils échapperaient à la destruction massive du tissu social.