En été ou en hiver, les coupures d’eau demeurent assez fréquentes, non sans révoltes et affolement du ravitaillement, par-ci, par-là. Cela se passe partout dans le pays, même aux endroits censés les plus naturellement favorisés. Le stress hydrique frappe de plein fouet !
Et ceux les mieux positionnés sur la carte d’alimentation et d’adduction de la Sonede, principal fournisseur d’eau à l’échelle nationale, en sont parfois privés. C’est que, depuis des années, l’approvisionnement en eau potable pose problème. L’on parle, aujourd’hui, d’un stress hydrique permanent. Pire, experts et hydrologues sont unanimes sur une situation de pénurie d’eau absolue, doublée d’une fausse gestion de crise et manque d’alternatives possibles.
Potentiel hydrique au rouge
La Tunisie aura-t-elle soif ?! Fort probable, si rien n’est fait, ici et maintenant. Tant il est vrai que notre potentiel hydrique passe au rouge, augurant des années de sec, sur fond d’un déficit pluviométrique aggravé par une faible rétention d’eau dans nos barrages. Sous l’effet ravageur des changements climatiques, un sérieux défi universel à plus d’un titre, il y aura de quoi avoir peur. Surtout que la rareté de l’eau demeure, tout compte fait, une évidence. Une réalité qui dérange plus un. Or, cela était, déjà, prévisible à l’œil nu.
Et beaucoup d’observateurs, écolos et hydrologues l’ont bien confirmé, avec des thèses aussi bien fondées. Mme Raoudha Gafrej, fine connaisseuse du domaine et experte en eau et adaptation au changement climatique, n’a pas manqué, à chaque fois, de nous éclairer sur un constat si alarmant et dresser, par là même, un bilan peu reluisant. Elle allait jusqu’à suggérer l’impératif de décréter l’état d’urgence et mettre en place un plan de gestion de cette crise d’eau irréversible. «Il est impératif de décréter officiellement l’état de sécheresse en Tunisie», avoue l’ex-secrétaire d’Etat, chargé des ressources hydrauliques, Abdallah Rabhi, dans une récente interview accordée l’agence TAP.
D’autant plus que nos barrages, dont le stock est largement inférieur à la moyenne, touchent le fond. Selon l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri), leur taux de remplissage a atteint 30,4%, à fin janvier 2023. Soit, le stock le plus bas jamais enregistré depuis dix ans. Une telle faible rétention est due, en partie, à des facteurs d’envasement et d’évaporation des eaux dans les barrages.
De même, l’épuisement de nos sources naturelles, auquel s’ajoutent des pertes considérables sur le réseau de la Sonede, met le pays au bord de la soif. En effet, faut-il craindre que l’eau risque de ne jamais couler de la même source. Surtout que la demande en eau continuera sa tendance haussière, alors que nos ressources hydriques s’amenuisent de plus en plus. Parallèlement, le nombre de la population s’accroît également. D’où, il faut savoir gérer la demande accrue. En quoi, l’Etat n’a toutefois pas assez investi, comme l’avait bien signalé Mme Gafrej.
Au bord de la pauvreté
hydrique !
Ceci étant, car le syndrome du stress hydrique secoue les nappes phréatiques, comme il menace la survie de nos réserves stratégiques, actuellement, en berne. Seulement 4,8 milliards m3, jusqu’ici mobilisés, soit tout ce qu’on peut retenir d’une manne céleste assez modeste. Voire en dessous de la moyenne pluviométrique habituelle, avec 36 milliards m3 par an. Un bilan jugé loin d’être rassurant par rapport à celui des années précédentes. En 1969-1970 — saison des grandes inondations — ce fut le pic jamais atteint en Tunisie, depuis maintenant plus de 50 ans (90 milliards de m3). A défaut d’une planification de gestion au fur et à mesure, et d’une stratégie d’économie à long terme, l’on craint le pire. L’eau, source de vie, mais une source qui se tarit. Et M. Rabhi, depuis qu’il était à son poste, n’a cessé de s’alerter: «Seulement 450 m3 d’eau pour chacun de nous par an, soit deux fois moins que la moyenne mondiale, estimée aujourd’hui à 1.000 m3 par personne». Cela dit, d’après des sources agricoles, la Tunisie se situe, en dépit de sa forte consommation, au bord de la pauvreté hydrique. Cela fait que le spectre de la soif plane au-dessus de nos têtes. En témoignent ainsi les coupures d’eau à répétition, survenues du Sud au Nord. Ce Nord plus souvent reconnu comme château d’eau de la Tunisie. Ce nord, si généreux qu’il étanche, pour des années, la soif du Cap Bon et bien d’autres régions, s’empare, lui seul, de 80% des eaux de surface retenues au niveau national.
Agir plutôt sur la demande d’eau
Et comme toutes ces richesses d’eau conventionnelles arrivent à leurs limites, penser à de nouvelles alternatives possibles s’avère de mise.
Bien que la politique de l’Etat, suivie depuis 20 ans, ait pu réaliser de grands projets hydrauliques (barrages, lacs collinaires, puits et forages d’exploration), cette mobilisation d’eau ne résout pas, jusqu’ici, l’équation complexe de l’offre et de la demande. Une chose est sûre: un partage d’eau injuste tant par habitant que par régions. Soit, le milieu urbain se taille toujours la part du lion, ayant beaucoup plus d’accès à l’eau potable que celui rural. Pour le Sud tunisien, le dessalement des eaux est perçu comme un véritable défi. Une solution qui aura, néanmoins, ses coûts, en termes d’énergie et d’argent, mais qui demeure, semble-t-il, nécessaire. Traitement et revalorisation des eaux usées en est aussi de même pour rationaliser tout comportement de consommation.
A noter, ici, que moins de 20% de nos réserves nationales sont destinés à l’eau potable, contre environ 80 % à usage agricole. Chiffres à l’appui, le secteur d’irrigation est qualifié des plus gros consommateurs d’eau en Tunisie, soit plus de 400 mille hectares de superficie au total. Tandis que l’industriel et le touristique ne consomment, tous les deux réunis, qu’à peine 3%.
Que faire face à tous ces défis ? De multiples réformes juridiques, institutionnelles et structurelles sont perçues comme demi-solutions, tant qu’il y a encore difficulté financière et de faisabilité.
Même le nouveau code des eaux, jugé être sans faille, l’on ne sait, jusqu’ici, comment va-t-il régir le secteur. Du reste, l’on doit agir sur la gestion de la demande d’eau et non pas sur son économie.
Youssef NOURI
5 février 2023 à 21:07
Merci beaucoup à l’auteur Mr Kamel Ferchichi pour avoir rappeler d’un des défis majeurs, surtout dans un contexte de changement climatique, à savoir le défis de l’eau en Tunisie. Malgré les études, les appels des experts dans le domaine, les défaillances de partout, les alertes des spécialistes, les quotidiennes réclamations : coupures, pertes…On ne constate presque aucune mesure de taille et rassurante au niveau des gouvernants concernant l’eau, patrimoine naturel vital de la Tunisie et des tunisiens.
Pataquès
12 février 2023 à 14:31
Merci pour cet article. À Djerba, cela fait depuis mercredi soir non-stop que l’on n’a plus d’eau courante. Aucune information de la part de la SONEDE, ni par voie de presse, ni par SMS comme il le font si bien lorsqu’il y a facture à payer. Le client est… (à vous de compléter)