Accueil Actualités En attendant l’instauration du parlement : Les futurs députés peuvent-ils amender la Constitution ?

En attendant l’instauration du parlement : Les futurs députés peuvent-ils amender la Constitution ?

 

Les nouveaux députés qui n’ont pas encore reçu l’aval définitif de l’Isie concernant leur élection officielle au Palais du Bardo multiplient déjà les déclarations sur les projets de loi qu’ils se proposent de faire passer. Et ils promettent, en particulier, la révision du Code électoral, outre la possibilité d’instaurer ce qu’ils appellent «l’équilibre entre les pouvoirs».
Ils oublient ou peut-être ignorent que rien ne peut être entrepris sans l’aval de la Cour constitutionnelle qui n’est toujours pas installée.

Avant même que l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) n’annonce officiellement, selon son porte-parole officiel Mohamed Tlili Mansri, le 24 février, les résultats définitifs du second tour des législatives anticipées tenues le 29 janvier dernier, une fois expirés officiellement également les délais de recours par-devant le Tribunal administratif au niveau de ses chambres de première instance et aussi d’appel, pleuvent déjà les déclarations des nouveaux députés (et leurs commanditaires partisans) sur leurs intentions et leur volonté d’opérer, une fois que le nouveau parlement prendra ses fonctions (même avant que les 7 députés manquants ne soient élus), une révision quasi-générale des dispositions contenues dans la Constitution du 17 août 2022 adoptée lors du référendum en date du 25 juillet de la même année et aussi un amendement aussi large que possible du Code électoral, plus particulièrement du décret électoral présidentiel n°55 en date du 15 septembre 2022 sur la base duquel ces mêmes députés ont accédé au Palais du Bardo lors des deux tours des législatives anticipées, le premier ayant eu lieu le 17 décembre 2022 et qui s’est soldé par l’élection de 23 députés, le second s’étant déroulé le 29 janvier et ayant abouti à l’élection de 131 députés (dont deux ont été déboutés par le Tribunal administratif et remplacés par leurs concurrents) sur 262 candidats qualifiés au second tour.

Et les responsables des partis comme Achaâb, le Mouvement du 14 Janvier, ou l’initiative «Que triomphe le peuple» qui proclament avoir remporté respectivement 31, 42 et 80 sièges qui peuvent se renforcer davantage, en attendant les résultats des recours introduits par leurs candidats ayant été déclarés perdants lors du second tour, de multiplier les promesses et surtout les déclarations sur ce que leurs blocs parlementaires vont proposer en tant que projets de loi visant à instaurer ce qu’ils appellent «l’équilibre entre les pouvoirs» (oubliant que dans la Constitution du 17 août 2022, il n’existe plus de pouvoirs mais des fonctions, y compris au niveau de la présidence de la République) ou l’instauration de la future Cour constitutionnelle annoncée par le Président de la République mais pas encore mise en œuvre.

Plus encore, l’on apprend d’après le centre Carter d’observation des élections, qu’«un certain nombre de députés fraîchement élus se penchent déjà sur la formation d’un bloc parlementaire qui aura pour mission principale l’amendement de la Constitution de 2022, la révision du Code électoral, l’amendement du décret 54 sur la liberté de la presse et la révision du régime politique».

Il reste à savoir maintenant si les nouveaux députés qu’on accuse dans certains milieux, sans avancer de preuves, qu’ils sont dans leur majorité écrasante pro-processus du 25 juillet ont les moyens, c’est-à-dire les attributions constitutionnelles, qui leur donnent la possibilité de faire adopter par le Parlement les projets de loi qui leur permettront de concrétiser leurs promesses. Certes, les députés ont le droit de présenter des projets de loi visant à amender certains articles de la Constitution, droit dont bénéficie prioritairement le Président de la République. Sauf qu’il faut faire remarquer que toute initiative législative, qu’elle provienne du Président de la République ou des députés, doit bénéficier de l’aval de la Cour constitutionnelle qui n’est pas encore installée. En outre, personne ne sait quand le Chef de l’Etat va désigner ses neuf membres comme le lui accorde la Constitution du 17 août 2022 ni quand la loi qui portera sa création sera adoptée par le nouveau Parlement ou annoncée par le biais d’un décret présidentiel.

Les observateurs s’entendent, dans leur majorité, à faire remarquer que les déclarations fournies, quasi-quotidiennement par les nouveaux députés issus des législatives du 17 décembre 2022 et du 29 janvier 2023 ne visent, en réalité, qu’à rassurer les plus sceptiques parmi les Tunisiens quant aux réelles compétences dont ces députés vont bénéficier et aussi quant au champ où ils vont exercer leurs fonctions de futurs législateurs conformément à ce que prévoit la nouvelle Constitution et non en tant que titulaires du pouvoir de légiférer comme le leur permettait la défunte Constitution de 2014.

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