Du jour à la nuit, les travailleuses dans le secteur agricole peinent à gagner leur vie. Livrées à elles-mêmes, ces ouvrières de la terre ne jouissent d’aucun droit, d’autant qu’elles courent le risque de ne plus retrouver leurs enfants. Le danger du trajet les guette au tournant !
On se rappelle encore l’accident tragique de la camionnette, en avril 2019, qui avait fait 12 morts, dont sept ouvrières agricoles dans la région de Sidi Bouzid. Et bien d’autres drames similaires survenus à Kairouan, à Zaghouan et partout ailleurs dans nos régions intérieures. Soit, les mêmes causes produisent les mêmes effets, mettant à nu des conditions de travail des femmes assez précaires.
En cinq ans, selon une étude menée par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), ce type d’accidents a fait quarante décès et près de 500 blessés. Cette catégorie socioprofessionnelle en situation de précarité en est toujours la cible. Cela se passait fréquemment, mais personne n’y fait la part belle. Toutefois, aucune mesure de sécurité n’a été prise, jusque-là. Et encore moins des lois portant sur leur protection sociale et leur droit d’accès à la santé.
Un travail forcé nommé agricole
Pas plus tard que le week-end dernier, le 1er Congrès national des ouvrières agricoles vient de s’achever à Hammamet, suite à un débat de fond qui s’est déroulé pendant deux jours, à l’initiative du Ftdes. Une des ONG née en 2011 d’une révolution populaire inachevée, laissant traîner, si longtemps, la crise de l’emploi décent, mot clé de la dignité humaine. Voilà, 12 ans déjà, le combat pour les droits n’en finit pas. Et les ouvrières du secteur agricole se battent pour leurs conditions de travail hors-la-loi. Pas de contrat, pas de couverture sociale, pas d’accès à la santé ! Le voile a été déjà levé sur toutes ces revendications, sans succès. S’y ajoute le calvaire du transport insécurisé dont souffrent ces damnées de la terre. Un travail «forcé» très dur qu’elles ont vécu dans leur chair. Bien que mal rémunérées, elles prennent, tous les jours, le risque d’y aller. Vivant dans la misère, elles n’ont pas le choix.
Travailler ainsi à la sueur du front, aux champs et au foyer, mérite d’être bel et bien récompensé. Sauf que ces femmes, aussi vulnérables soient-elles, sont à la marge d’un modèle de développement inique et injuste. Une enquête effectuée par l’association «La Voix d’Ève», auprès de mille femmes du gouvernorat de Sidi Bouzid, avait montré qu’environ 94% des ouvrières travaillent sans contrat, 97 % ne bénéficiant d’aucune protection sociale et que 20% sont encore mineures. Et si ces femmes refusaient de travailler, nos champs agricoles seraient, certes, abandonnés. Aussi indignes que soient leurs conditions, leur revenu est assez modique, voire inférieur au Smag (salaire minimum agricole garanti) régi par le code du travail. Face à l’envolée des prix, 10, 12 ou 15 dinars par jour ne suffisent plus. Elles gagnent beaucoup moins que les hommes, pourtant tous deux engagés dans la même activité.
Mieux s’organiser dans un syndicat
Cette politique d’emploi précaire, qui ne s’est pas uniquement limitée au secteur agricole, devrait, alors, changer. Un appel est lancé pour en finir avec. Et c’est ce qu’ont, d’ailleurs, demandé les participants à cette 1ère édition du congrès des ouvrières agricoles. Ce droit garanti, mais pas encore acquis, semble être la pomme de discorde qui avait, à maintes fois, exacerbé la tension dans les régions. Au terme des travaux, l’on a plaidé pour la promulgation de deux lois, l’une sur la couverture sociale, l’autre portant sur plus de sécurité dans le transport agricole.
En outre, lit-on dans un communiqué du Ftdes, une campagne nationale de soutien aux droits économiques et sociaux des ouvrières agricoles sera également lancée par les participants, tout en affirmant leur adhésion à la lutte contre toutes formes de discrimination et de violence ciblant les femmes ouvrières. Ils ont proposé, par ailleurs, la création de coordinations pour les ouvrières agricoles locales et régionales, qui soient inscrites dans le cadre d’un syndicat sous la bannière de l’Ugtt. Pour toutes ces raisons, le Ftdes réitère son soutien indéfectible au combat des ouvrières agricoles dont les moindres droits sont bafoués.