Derrière l’éclat de son sourire et la douceur de son regard, Naget Dahbi est une âme intranquille. «C’est le corbeau qui l’a trahie» pourrait être une comptine que lui chanteraient des enfants cruels, mais perspicaces. Son approche policée, son maintien de jeune pensionnaire de bonne famille ne cachent pas vraiment le poids de l’inquiétude, la houle d’angoisse qui pèsent sur cette fragile jeune femme.
Mais qu’est-ce qui peut donc faire peur à Naget Dhahbi ?
Elle avait bien essayé de ranger les choses, de mettre sa vie en boîte, pliant, découpant, collant des fragments, organisant un univers contrôlé, dominé, rassurant parce que fermé, structuré. Mais non, rien n’y fait semble-t-il, ricane le corbeau de mauvais augure.
Les coffrets-vitrines qu’elle a choisis pour univers n’ont qu’un temps. La vie s’en échappe, en fragments épars, autonomes, incontrôlables, inquiétants de liberté.
La femme, qui est son sujet obsessionnel, n’est pas cette nymphe sereine qu’elle est supposée être, mais une barbarella maléfique issue d’on ne sait quel univers virtuel, et dotée d’on ne sait quels pouvoirs. Elle écrase d’un brodequin vengeur ce qu’elle ne peut contrôler :
«L’indocile, l’insaisissable suscitent un désir de contrôle : encager ce qui aime voler, apprivoiser ce qui aime aller plus vite, neutraliser ce qui nous fait peur. Est-ce une allégorie de la condition de la femme ? Des alter ego de l’artiste ? Tout me porte à le croire» écrit Haithem Jemaiel. Ceci expliquerait-il cela ? Ou est-ce plus complexe ? Le passage d’une échelle de grandeur à une autre, sans transition intermédiaire aucune, le caractère inachevé des tableaux, la tension qui les anime, l’introduction de messages d’écriture, semble-t-il, automatique, le retour obsessionnel du corbeau porteur de messages énigmatiques semblent suggérer que la quête de Naget Dhahbi vient de loin et n’a pas encore abouti. Comme elle le dit, d’ailleurs : « Je crois qu’un tableau n’est jamais achevé».
Artiste à suivre.