Accueil A la une Selon des experts en eau : «L’été 2023 sera celui de la soif»

Selon des experts en eau : «L’été 2023 sera celui de la soif»

 

La Conférence des Nations unies sur l’eau, qui vient de prendre fin à New York, a réveillé les vieux démons de l’eau dans le monde entier.

En Tunisie, la situation n’est pas enviable, d’autant plus qu’elle fait face à un stress hydrique bien réel. Ce débat onusien s’est reflété, semble-t-il, sur la réaction de nos gouvernants.

Pas plus tard qu’avant-hier, mardi, l’examen des moyens permettant de généraliser les moyens d’économie de l’eau dans les hôtels, la maintenance des établissements, la veille au suivi et au contrôle pour éviter le gaspillage d’eau, ainsi que l’utilisation des eaux traitées pour l’irrigation des superficies vertes dans les hôtels et la possibilité de dessalement des eaux saumâtres, a été au centre d’une séance de travail tenue entre le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche chargé des eaux, Ridha Gabouj, et la cheffe du cabinet du ministre du Tourisme, Lamia Kamia Kahia. Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre du plan national de rationalisation de la consommation d’eau, a permis également d’étudier les moyens permettant de faire des relevés de consommation d’eau périodique pour les grands consommateurs dans le secteur du tourisme conformément au décret n° 335 de l’année 2002, a indiqué, par là même, le ministère du Tourisme.

Tourisme : un plan d’action

Cette séance de travail, consacrée à l’examen du plan d’action du ministère du Tourisme à court terme dans le domaine de l’économie de l’eau et de la rationalisation de la consommation, a mis l’accent sur l’importance d’intensifier la sensibilisation, à travers la tenue de réunions avec les intervenants dans le secteur, en les incitant à enraciner davantage la culture d’économie d’eau, ainsi que la préparation à la prochaine saison estivale. D’autres séances de travail se tiendront pour fixer un programme d’action à moyen et à long terme, s’articulant sur le dessalement des eaux et la collecte des eaux pluviales et les eaux conventionnelles, ainsi que l’examen des propositions par les services spécialisés aux deux ministères.

Nos experts s’alertent !

D’ailleurs, nos experts et hydrologues n’en finissent pas de s‘alarmer sur l’état critique de nos ressources et ouvrages hydrauliques. «L’été 2023 sera l’été de la soif», a affirmé, lundi, dans une déclaration à l’agence TAP, l’expert en développement et en gestion des ressources à la Faculté des Sciences de Tunis, Hassine Rehili, soulignant les grandes difficultés qu’aura le pays en matière d’approvisionnement en eau potable durant la saison estivale. «La situation hydrique actuelle dans le pays est très critique, les récentes coupures de l’eau dans plusieurs régions du Grand-Tunis, du Cap Bon et du Sahel, opérées sans préavis, sont très logiques dans le cadre de la gestion des ressources d’eau disponibles».

700 mesures pour garantir l’accès à l’eau

L’expert a, par ailleurs, relevé que les régions du sud et du centre ne s’approvisionnent pas des barrages, mais des nappes phréatiques, ce qui expose ces nappes à une surexploitation menaçant leur capacité à se renouveler, et les régions concernées à la sécheresse. Il a averti que le pays se trouve, pour la première fois, dans une situation aussi critique, à cause du déficit pluviométrique enregistré durant l’automne et l’hiver précédents. Lequel déficit a fortement impacté les réserves des barrages. Il a, à cet égard, rappelé que le taux de remplissage des barrages se situe entre 30 à 32% à l’échelle nationale. Ce taux n’a pas dépassé 17% au niveau du barrage de Sidi Salem (Testour- Béjà) qui constitue le plus grand barrage du pays et dont les réserves n’ont jamais autant baissé depuis son entrée en exploitation au cours des années 80. Il a indiqué que la Conférence des Nations unies sur l’eau qui s’est tenue à New York, du 22 au 24 mars 2023, a mis l’accent sur la situation délicate des ressources en eau dans le monde, à cause de la surexploitation des ressources disponibles et des effets des changements climatiques, affirmant que l’agenda d’action adopté lors de cette conférence comporte 700 mesures visant à préserver cette ressource. Selon Rehili, l’une des recommandations de la conférence est de consacrer environ 300 milliards de dollars pour la mise en œuvre de ces mesures pour garantir l’accès à l’eau pour toute la population sur terre à l’horizon 2050. La Tunisie est classée parmi les pays à la situation hydrique très délicate, compte tenu de la rareté des ressources en eau, tout au long de l’histoire du pays.

Parer au plus urgent

Le spécialiste regrette, par ailleurs, que la Tunisie n’ait pas ancré, durant les 50 années passées, une culture de rationalisation des eaux et des politiques préservant cette ressource vitale. Le pays s’est orienté, au lieu de cela, vers des cultures grandes consommatrices d’eau et destinées en plus à l’exportation. Rehili a aussi pointé du doigt le gaspillage de l’eau par le secteur industriel, les vides juridiques dans ce domaine et l’absence d’audits hydriques.

«Il est temps de revoir les priorités concernant l’eau, de donner la priorité à l’eau potable et de couper définitivement avec les activités agricoles destinées à l’exportation qui consomment de grandes quantités d’eau», a-t-il préconisé, recommandant l’adoption d’une nouvelle carte agricole, l’exploitation des eaux traitées, dont le potentiel est estimé entre 350 et 400 millions m3 par an pour réduire la pression sur les eaux conventionnelles des barrages. Rhili a plaidé en faveur de la mise en place d’un plan urgent pour réduire le gaspillage des eaux que ce soit dans les canaux d’irrigation ou d’eau potable et de créer un département ministériel spécifique à l’eau qui regroupera toutes les entreprises et structures en rapport avec l’eau. Il faut également, d’après lui, ouvrir un débat avec la participation de tous les intervenants pour discuter de cette question vitale de l’eau.

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