
Selim Torgeman, en élaborant son roman, en profite pour nous offrir une vaste et détaillée présentation de l’Histoire de la Tunisie, mais aussi de la littérature.
Selim Torgeman est un homme de plein air et de grands espaces : nageur passionné, fervent compétiteur de triathlon, éleveur de chevaux aguerri, agriculteur de belle tradition familiale, il a rarement le temps de prendre la plume. Encore que l’atavisme soit fort, son père étant grand amateur de lecture, et son enfance vécue dans des maisons aux riches bibliothèques. Mais cette fois- là, une blessure au pied l’empêchait de s’entraîner pour la prochaine course. Et contraint au repos, il se souvint d’un fait divers qui l’avait marqué. Durant les travaux de dragage du Lac de Tunis, on avait découvert, enfoui sous la vase, un avion abattu durant la Seconde Guerre mondiale. La vase avait étonnamment préservé les occupants de l’appareil. Un ancien conducteur d’engins de chantier qui se trouvait alors sur les lieux raconta à Sélim Torgeman ce qui lui avait semblé invraisemblable : le pilote, mort dans la trentaine, et totalement conservé, apparaissait beaucoup plus jeune que son fils, soixantenaire, venu reconnaître le corps.
Ce fut le départ d’une fiction inspirée de ce fait divers, et nourrie d’une interrogation récurrente chez l’auteur : d’où venons-nous, qui sommes- nous, où allons- nous ?
Lake Santiago, le joli nom que donne l’auteur à son livre, et au lac de Tunis, vient en fait du fort Santiago de Charles Quint.
Et en fait ce choix donne le ton au livre, car Selim Torgeman, en élaborant son roman, en profite pour nous offrir une vaste et détaillée présentation de l’Histoire de la Tunisie, mais aussi de la littérature. L’argument est subtil. Dans ce qui semblerait pouvoir être un roman d’espionnage, chaque personnage, joggeur, historien, hôtelier, à un moment ou un autre du récit, évoque une époque, un événement, un lieu de l’histoire de notre pays. Et cite un écrivain, un philosophe, un poète. C’est peut-être un peu systématique, mais c’est une façon ludique, hors des sentiers battus, d’initier à l’Histoire et à la littérature.
Mais l’intrigue est prenante, on y assiste à des meurtres, des complots géopolitiques, des messages codés.
On en sort tout de même frustrés de ne pas avoir la clé des mystères : qui a tué la mère, et le fils du pilote abattu ? Qui a empoisonné l’archéologue ? Et pourquoi ? Quel est le secret qu’ils détenaient qui aurait pu changer le cours de l’histoire ? Cela fera peut-être l’objet d’une suite.
En attendant, Selim Torgeman, pris au jeu, revient à ses premières amours, et prépare un livre sur les chevaux.