ON a souvent tendance à oublier le rôle des bâtisseurs de la Tunisie nouvelle en accordant uniquement à Bourguiba toute la gloire de cette épopée nationale. Il est vrai qu’à chaque commémoration des dates nationales (indépendance, Journée des martyrs, etc.), on replonge dans l’ère Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie, et sa forte symbolique en tant que chef incontestable qui avait su mobiliser le peuple dans sa quête de dignité et qui avait dirigé la lutte nationale, fondé un État moderne et assuré à son pays une place de choix dans le concert des nations et qui forcément focalise depuis des décennies le halo des projecteurs. De ce fait, chaque immersion dans le legs du libérateur de la Nation et de la construction de l’État moderne est une invitation à la découverte de son leadership politique et de la pérennité de sa vision avant-gardiste. Toutefois, Bourguiba, malgré sa forte symbolique, n’était pas seul dans son combat mais était entouré de plusieurs patriotes qui ont tant donné à la Tunisie.
Parmi eux des hommes tels que Farhat Hached, Hédi Chaker, ou encore Tahar Ben Ammar, Salah Ben Youssef, les fellaghas et tous les grands militants du parti, ont porté plus haut l’étendard du pays par le biais du sacrifice ou étaient de grands bâtisseurs de la Tunisie postcoloniale.
A cet effet, il est temps pour les historiens de dépoussiérer la mémoire de ces hommes et femmes qui ont contribué à l’émancipation de la Tunisie moderne tels que cheikh Salem Ben Hmida qui, avec Tahar Haddad, est considéré comme l’un des pionniers du mouvement de réforme sociale et de libération de la femme dans notre pays et qui s’est attaché notamment à favoriser l’accès des femmes à l’instruction en commençant par ses propres filles, ou encore Ali Belhouane, fondateur de l’école populaire. Il y a aussi des médecins de renommée qu’on oublie souvent à l’instar du Professeur Kassab, père de l’orthopédie tunisienne. On ne saurait en quelques mots énumérer le nombre de ces hommes et de ces femmes qui ont contribué à l’essor de notre pays.
C’est pourquoi il est temps que le travail des chercheurs et des historiens soit libéré de la mainmise politique pour offrir aux Tunisiens une nouvelle lecture apaisée de l’époque moderne par le biais d’une vraie ingénierie historique puisée dans des sources documentaires arrivées à maturité ou à l’appui des témoignages oraux, pour éclairer le public et le réconcilier avec son passé interdit.