Des informations actualisées sur la taille, la composition et les résultats économiques du secteur de la pêche artisanale sont indispensables pour planifier les programmes de protection sociale, en général, et procéder à l’analyse actuarielle nécessaire pour élargir la protection sociale aux travailleurs du secteur. Même s’il existe une volonté politique de renforcer la protection sociale, il est impossible de concevoir des programmes sans avoir les données requises pour évaluer les cotisations et les prestations et, partant, la viabilité des nouveaux services. Il s’agit notamment d’un problème majeur en Tunisie, où le recensement le plus récent date de 2003 et où aucune donnée fiable actualisée sur le nombre de pêcheurs artisanaux ou la valeur et le volume de leurs captures n’est disponible. C’est d’autant plus problématique que l’économie a connu des changements profonds depuis 2011 et que les données dont on dispose ne sont pas considérées comme une base suffisante pour concevoir un programme élargi. Il est impossible, par exemple, de mettre au point des modèles fiables concernant les besoins, les cotisations ou le financement possible de l’incorporation des pêcheurs artisanaux au fonds social. Aucune hypothèse ne peut être formulée quant à l’évolution de la taille du secteur étant donné que l’importance relative des forces qui attirent des travailleurs dans le secteur (absence de possibilités d’emploi alternatives, augmentation du chômage depuis 2011 et faible coût d’accès au secteur de la pêche artisanale) et qui les poussent à l’abandonner (baisse de la rentabilité du fait de la surexploitation, de la mauvaise qualité des stocks de poissons, etc.) est inconnue. Si un nouveau recensement est envisagé, aucune initiative n’a été prise jusqu’à présent. Le manque de données sur le secteur constitue aujourd’hui le frein principal à la mise au point d’un nouveau régime de sécurité sociale pour le secteur de la pêche artisanale.
Outre le manque d’informations actualisées sur le secteur, en général, le déficit de connaissances sur ses groupes les plus vulnérables posait problème dans toutes les études de cas. L’absence de données sur les travailleurs invisibles du secteur, soit ceux qui exercent des activités de soutien et ceux qui sont actifs dans des sous-secteurs plus marginaux et moins organisés, comme les pêcheurs à pied, est problématique ; ces groupes demeurent privés de protection sociale, même quand les particularités des pêcheurs artisanaux qui travaillent sur des bateaux ont été prises en compte. On craint par ailleurs que ce sous-groupe ne soit particulièrement vulnérable dans des conditions d’emploi non structuré, de faible rémunération, de variations saisonnières, de pêche non durable et d’amenuisement des stocks. Même dans les pays où la protection sociale des pêcheurs artisanaux fait l’objet de discussions, ce groupe en reste généralement exclu et aucune stratégie visant à l’intégrer au système n’a été mise au point. L’insuffisance des données relatives au volume d’emploi dans ces sous-secteurs, aux stratégies de subsistance adoptées et au statut socioéconomique des travailleurs, aggrave leur manque d’organisation et de représentation et renforce leur exclusion des programmes existants et des discussions actuelles sur l’élargissement de la protection sociale. Ils restent donc invisibles dans le discours actuel. Il est indispensable de mieux comprendre le volume et la vulnérabilité de ce sous-segment de travailleurs pour trouver des moyens de l’incorporer aux systèmes de protection sociale.