Chaque auteur avec sa propre approche stylistique et sa manipulation langagière nous plonge dans un espace spacio-temporel propre à lui.
Après la cérémonie organisée dans le cadre de remise des prix littéraires de la 27ème édition du « Comar d’or », place au débat, aux questionnements autour des thèmes soulevés dans les œuvres primées. Une rencontre a été organisée à cet effet dans un hôtel à Tunis, ce mardi 16 mai 2023 en présence notamment de Lotfi Blehadj Kacem directeur général des Assurances Comar et président du comité d’organisation des prix littéraires, ainsi que les six lauréats et les deux présidents des deux jurys, le professeur universitaire Mohamed El Kadhi pour les romans en langue Arabe et le romancier et journaliste Ridha Kefi pour la langue de Molière.
De ces romans primés ressurgissent les souvenirs enfouis et parfois refoulés de l’enfance ou issus d’un vécu passé pour faire voyager le lecteur dans l’espace et dans le temps, partager avec lui la peur et la joie, l’espoir et le désenchantement et perpétuer la lutte contre les dogmes et les interdits . Chaque auteur avec sa propre approche stylistique et sa manipulation langagière nous plonge dans un espace spacio-temporel propre à lui, au point que le contenu de certains ouvrages primés s’apparenterait beaucoup plus à une réelle séance d’auto-psychanalyse.
Dans « Siqal, l’antre de l’ogresse », de Moha Hamel qui a glané le prix Comar d’or, ce dernier part à l’exploration de l’imaginaire. Selon le commentaire du Jury, il « réhabilite les contes pour enfants et en tisse un univers romanesque à la frontière entre la mythologie religieuse, le fantastique, l’épouvante et la science-fiction, le tout porté par une réflexion philosophique sur la portée subversive des récits traditionnels ».
Pour le roman de Fadhila Laouani « Le sacré des imbéciles » qui a remporté le prix spécial du Jury, il s’agit d’une « fresque sociale que l’auteur situe dans les années soixante du siècle dernier dans un pays jamais nommé, qui ressemble beaucoup à la Tunisie ».
Une rencontre riche en débats et en échanges
Meryem Sellami, prix Découverte pour son roman qui tire son appellation de la fameuse chanson de la diva Égyptienne OM Kalthoum « Je jalouse la brise du Sud sur ton visage », tente à travers son récit de décortiquer les relations humaines. On la retrouve dans la peau d’une femme violée dans son enfance par un garçon plus âgé qu’elle. « Un roman d’autoanalyse ou les relations humaines sont décortiquées avec justesse et lucidité », selon le Jury.
Taoufik Ayari, qui a remporté le Comar d’or en langue arabe pour son roman djebel Jelloud, l’auteur a su donner une autre image de cette ville qui contraste à celle ancrée dans les esprits, celle d’une ville sans vie et sans âme .Il a fait renaitre Djebel Jelloud de l’ère coloniale, une ville peuplée de micro-récits typiquement tunisien, racontés avec un style sarcastique, sans pour autant opter pour cette approche qu’on rencontre chez les historiens, selon Mohamed El Kadhi. Une adaptation cinématographique pour ce roman ? Pourquoi pas.
Deux autres auteurs ont été primés en langue Arabe, le premier est Sofien Rejeb qui a remporté le prix spécial du jury pour son roman autour des Tunisiens de confession juive à Sousse. L’auteur explique lors de cette rencontre qu’il a écrit son roman « aujourd’hui jeudi et demain vendredi » avec amour et en toute liberté. Il raconte le monde des interdits d’une frange de population tunisienne de confession juive, leurs rêves, leurs obsessions.
Un monde qui transcende la raison et la superstition et où l’art constitue le moyen de salut et de changement. Le deuxième auteur est Rafika Bhouri qui a reçu le prix Découverte pour son roman « temps du délire » qui s’arrête sur les bouleversements des interactions sociales.
Une rencontre riche en débats et en échanges entre les lauréats primés dans le cadre de cette 27ème édition et les invités. « Comar d’or soutient toujours la création littéraire par la récompense des meilleurs romans et s’est engagé dans le développement et la promotion et le rayonnement du roman tunisien et a conclu à cet effet un accord avec la Maison du Roman (Beit Al-Riwaya) à la Cité de la Culture, et sans oublier le projet en cours de youtubook », a déclaré Lotfi Belhadj Kacem en marge de cet évènement.