Jamais un journaliste, par le passé, n’avait écopé une peine pareille pour avoir, tout bonnement, exercé son métier. Cinq ans de prison, une première dans l’histoire de la presse tunisienne.
« Chevaliers de la plume, gardiens de la démocratie », « La liberté de la presse menacée..», « Le journalisme n’est pas un crime », et bien d’autres slogans, soit les mêmes depuis longtemps, ont été fortement scandés à l’unisson, deux heures de temps de rassemblement, ce matin devant le siège du Snjt à Tunis. Un sit-in de protestation auquel ont pris part journalistes, juristes, activistes, syndicalistes et des acteurs des plus influents sur la scène nationale.
Rejet catégorique !
Cette journée de colère fut ainsi décrétée, suite au dernier verdict, prononcé en appel, contre le correspondant de radio Mosaïque FM à Kairouan, Khalifa Guesmi, le condamnant à cinq ans de prison. « Un jugement sans précédent et un message politique qui exprime clairement le passage à la vitesse supérieure en matière de répression de la presse et des journalistes, dans une tentative de les soumettre en utilisant l’appareil judiciaire », avait, à chaud, dénoncé le bureau du Snjt, dans un communiqué rendu public, mardi.
Car, jamais un journaliste, par le passé, n’avait écopé une peine pareille pour avoir, tout bonnement, exercé son métier dans les règles d’éthiques y liées. Cinq ans de prison serait, alors, une première dans l’histoire de la presse tunisienne.
« Et si le pouvoir renversait ainsi la vapeur, on ne serait plus à l’abri du calvaire judiciaire que l’Etat policier pourrait infliger aux professionnels du métier », s’indignent les manifestants.
Sur un ton alarmiste, le président du Snjt, Mohamed Yassine Jelassi, était sur ses gardes face à ce qui se passe contre la liberté de la presse, mais aussi à l’égard de toute forme d’expression. « Nous sommes, là aujourd’hui, pour exprimer notre rejet catégorique quant à ce jugement excessif et injuste rendu par la Cour d’appel de Tunis à l’encontre de Khalifa Guesmi, et toutes les poursuites pénales ayant ciblé une vingtaine de nos collègues..», fustige-t-il, mettant en cause le recours à la loi anti-terrorisme et particulièrement audit décret 54, si largement controversé.
Cela dit, pas un procès fut, alors, intenté selon les lois censées officiellement organiser le métier, en l’occurrence les décrets-lois 2011- 115 et 116 relatifs, respectivement, à la liberté de la presse et la communication audiovisuelle. « Ceci étant une manifeste transgression de la loi en vigueur, portant atteinte à la profession et au droit d’informer », a-t-il indiqué, disant qu’il y a des intentions sciemment préméditées en vue de réprimer, de museler les voix et de faire peur les gens.
« Ne pas faire machine arrière »
Et d’ajouter que « cet acharnement ne vise pas uniquement les journalistes, d’autres activistes, blogueurs, avocats sont aussi dans le collimateur ».
«Stop ! Cet état de fait ne peut nullement continuer», martèle, en conclusion, le président du Snjt.
De son côté, Jomaï Gasmi, écrivain et expert politique, s’est dit « sidéré de nous voir revenir à la case départ ». « Pourquoi en arrive-t-on là ? », s’interroge-t-il. « Inculper, de cette manière, un collègue pour son article de presse ou une opinion librement exprimée, n’est qu’un message dangereux émis à l’adresse de tous les journalistes.. », prévient-t-il.
Et d’insister sur le rôle du journaliste et son combat qu’il devrait poursuivre au moyen de sa plume et de sa voix.
« Nous participons à ce sit-in pour exprimer tout notre soutien constant et inconditionnel à nos amis les journalistes et leur cause de liberté de la presse », déclare Neila Zoghlami, présidente de l’Atfd, Association tunisienne des femmes démocrates.
« Aucun décret-loi, ni qui que ce soit ne nous font peur. Tous unis, comme un seul homme, face à cet appareil de répression et contre l’Etat policier… », s’écrie-t-elle, appelant à ne pas faire machine arrière.