Certainement que l’on ne peut comprendre le public de foot d’aujourd’hui avec les mêmes outils et les mêmes critères du public d’hier. C’est un autre public beaucoup plus différent et qui ne ressemble pas beaucoup à celui d’antan. Et l’une des erreurs des dirigeants et des institutions sportives, c’est sans doute de garder encore les idées reçues et les préjugés du public du football du 20e siècle pour analyser et cerner le comportement du public de nos jours. D’abord, le foot a tant changé, passant d’une activité ludique, de distraction, peu mercantile et mal considérée par la société (le footballeur était mal vu et peu estimé avant) à un sport populaire, rentable, mondialisé, «digitalisé», prisé (les parents, contrairement au passé, payent de l’argent pour voir leurs enfants devenir joueurs) et présent dans le quotidien des gens. C’est clair que le public, à l’image de la société et des mécanismes sociaux d’intégration et de mobilité, va aussi changer. A l’image de ce foot omniprésent et généralisé pour devenir un levier socioéconomique, le public d’aujourd’hui incarne la poussée des jeunes «accros» à leurs téléphones portables et qui savent tout ce qui se passe dans le monde en un clic.
C’est un public à l’écart des normes classiques de l’Etat et de la société qui s’identifie au club à travers des groupes «ultra» et qui n’a aucune gêne à être violent et tenace pour défendre son identité. Contrairement au profil classique du supporter des années 70, 80 et 90, qui a plus de 35 ans et qui ne laisse aucune marge aux jeunes pour être représentés et pour parler du football. Le changement est devenu tellement radical grâce au boom des réseaux sociaux et de l’internet qui ont fait du football un business très lucratif. Le public d’aujourd’hui est au fait de tout ce qui se passe dans le monde du foot, ici et ailleurs, contrairement à celui d’hier où il fallait attendre 48 heures pour être informé de l’actualité de son club. Donc, pour comprendre cette distance socioculturelle des supporters d’aujourd’hui, et pour cerner leur tendance à extrapoler les problèmes de la société moderne, on doit accepter et avouer que le football a changé d’époque et que le foot du passé (trop sacralisé et dont on loue des choses imaginaires parfois par nostalgie) est révolu. C’est essentiel.