Pour lutter contre la pollution par le plastique, une réaction internationale urgente, efficace et coordonnée est plus que nécessaire. Selon un rapport de l’Ocde, la consommation mondiale de plastique passera de 460 millions de tonnes (Mt) en 2019 à 1 231 Mt en 2060, et ce, en l’absence de nouvelles politiques audacieuses. La pollution par le plastique est un problème qui affecte les communautés, les économies et la capacité à atteindre les objectifs de développement durable.
Un des enseignements majeurs qu’il faut tirer des expériences mondiales, c’est que cette lutte est un travail collectif de longue haleine, nécessitant l’introduction de technologies adaptées et la sensibilisation de toutes les populations concernées. Et nul besoin de signaler que l’éradication des sacs en plastique nécessite des programmes d’accompagnement à la reconversion des acteurs impactés, des technologies appropriées et une capacité financière.
Petite révolution en la matière : le ministère de l’Environnement a publié en 2020 un décret interdisant la production, l’importation et l’utilisation des sacs en plastique en vue de leur commercialisation dans le marché intérieur, et qui sont offerts gracieusement ou contre paiement aux consommateurs dans les points de vente de marchandises et de produits. Les sacs en plastique constituent un véritable fléau en Tunisie. Les ménages tunisiens en consomment environ 1 milliard par an, dont 80 pour cent ne sont ni collectés ni recyclés. Selon le ministère de tutelle, la Tunisie génère plus de 2,5 millions de tonnes de déchets par an, dont cinq cent mille tonnes de déchets plastiques finissent dans la mer chaque année. Les déchets plastiques représentant environ 10 % du total des déchets.
Après utilisation, ils finissent dans la nature, faute d’une filière de récupération et de recyclage. Conséquence : des océans à perte de vue de sacs en plastique, dont la durée de vie est estimée à près de quatre siècles et qui ont donc un impact désastreux sur l’environnement. C’est la raison pour laquelle la Tunisie a lancé le défi de les éliminer. Sachant aussi que la pollution plastique générera des pertes de l’ordre de 60 millions de dinars annuellement à l’économie nationale.
La mer sombre sous un torrent de plastique
Les marées de déchets plastiques sont toujours fréquentes. La Tunisie est classée 13e pays producteur des sacs en plastique dans le monde. La gestion des déchets pose toujours problème. Le plastique représente 8.500 t. de déchets déversés dans le milieu marin chaque année, menaçant la biodiversité et la faune marine.
Ce type de pollution ne cesse de croître. Les microplastiques contaminent l’eau, le sol et l’air ainsi que l’eau que nous buvons et les aliments que nous mangeons, menaçant d’une manière générale les écosystèmes et par conséquent la santé humaine.
Alternatives
Le gouvernement a fixé une feuille de route claire et a mis en place un programme d’action urgent pour garantir les droits et la pérennité des entreprises industrielles, et ce, après concertation avec les professionnels. Les représentants du Groupement professionnel du plastique ont souligné, à cette occasion, l’impératif de parvenir à des solutions réalistes pour ce dossier et à assurer la mise à niveau du secteur des fabricants des sacs en plastique.
Ils ont appelé, également, les autorités à trouver une solution radicale pour garantir la survie des entreprises industrielles, des usines de fabrication et la préservation des postes d’emploi ainsi que la réforme du système écologique à travers la collecte, le tri et le recyclage des matières plastiques. Le groupement avait appelé, en janvier 2023, le gouvernement à suspendre l’application du décret n°2020-32 du 16 janvier 2020, en raison des difficultés auxquelles font face les industriels. Après avoir interdit les sacs en plastique dans toutes les boulangeries tunisiennes, en vertu d’accords de partenariat signés le 17 mars 2023 avec la Chambre syndicale des boulangeries et le Groupement professionnel des boulangeries modernes, le ministère de l’Environnement propose une alternative : des sacs en tissus comportant des messages de sensibilisation pour éviter le gaspillage et la pollution par le plastique.
Il y a lieu de rappeler que les sacs en plastique à usage unique ont été interdits dans toutes les boulangeries tunisiennes à partir du début du mois de Ramadan (22 mars 2023). Il s’agit de 5 000 boulangeries du pays (dont 3 500 subventionnées et 1 500 modernes), qui proposent environ 10 millions d’unités (de pain) par jour. Cette décision a concerné aussi les commerces qui vendent du pain. Les contrevenants sont passibles de sanctions et d’amendes, allant de 100 à 50 000 dinars, conformément aux dispositions de la loi du 7 décembre 1992, concernant la protection du consommateur. En effet, l’interdiction des sacs en plastique n’a jamais été effective, bien qu’elle soit exigée par la loi depuis 2020 en Tunisie, en vertu du décret gouvernemental de janvier 2020.
La difficile quête du «zéro plastique»
L’industrie en Tunisie, qui est appelée à connaître de grands développements, fait face inéluctablement aux enjeux liés à la gestion des déchets et à leur récupération. Le processus industriel s’est fait, jusque-là dans notre pays, dans une certaine insouciance face aux rejets et à leur impact sur l’environnement. En dépit de la réglementation mise en vigueur, les pouvoirs publics misent, néanmoins, sur la pédagogie, adaptent les textes et mobilisent une large campagne de sensibilisation en vue d’organiser la filière des déchets à la source.
Face à l’urgence écologique, la responsabilité des industriels et gros importateurs tunisiens doit être, désormais, engagée pleinement. L’Agence nationale de gestion des déchets (Anged) déploie de larges actions de sensibilisation en direction de ces opérateurs qu’elle invite à s’organiser pour récupérer, traiter et valoriser les déchets de leurs activités économiques.
La lutte contre la pollution plastique nécessite un effort collectif de tous les acteurs de la société et la mise en place d’actions prioritaires, en soutenant la réglementation mise en place, en interdisant certains produits à usage unique et en engageant plus efficacement les entreprises et les citoyens dans la réduction, le réemploi et le recyclage du plastique.