Le cycle Carlos Saura, dédié au grand cinéaste espagnol né en 1932 et décédé en février 2023, s’est achevé samedi en beauté avec la projection de «Goya En Burderos». Un film sur l’univers de ce peintre à la fois génial et habité par les démons
Auteur d’un des plus célèbres nus Féminins du XIXe siècle (La Maja nue), peintre politique, dessinateur et graveur virtuose… Francisco de Goya (1746 – 1828) est l’un des artistes les plus marquants de l’Espagne moderne. C’est à ce personnage à la fois génial et torturé et dont les « Peintures noires » anticipent la peinture contemporaine et différents mouvements avant-gardistes du XXe siècle, que Carlos Saura a consacré son film « Goya En Burderos» (Goya à Bordeaux), réalisé en 1999. Le film projeté samedi à la Cinémathèque de Tunis est le dernier long métrage du cycle Saura, cinéaste de la danse et de la mémoire, qui s’est poursuivi tout au long de la semaine passée à la Cité de la culture. Après avoir présenté les biographies du conquistador Lope de Aguirre et de Luis Bunuel, l’immense Saura réalise enfin son vieux rêve : restituer au cinéma l’extraordinaire existence de Goya, dont il est un fervent passionné. L’exploit du réalisateur, dont le frère Antonio est peintre lui aussi, consiste ici à raconter l’univers de Goya, qui est souvent ténébreux et cauchemardesque, jalonné d’images de guerres, de massacres, d’exécutions sommaires, de cannibalisme, de monstres… mais aussi des douceurs de la paternité, de l’amour et de la beauté féminine. Ce sont les quatre dernières années, de 1724 à 1728, de la vie de Goya à Bordeaux, en France, qui incarnent le cœur du film. Après avoir fui le régime répressif de Ferdinand VII, Francisco Goya s’est installé à Bordeaux depuis quatre années. Il ne lui reste que quelques jours à vivre dans la maison qu’il partage avec sa dernière femme Léocadia et sa jeune fille Rosario…Saura ne s’empêche pas toutefois de revenir sur ses années de jeunesse à la cour du roi d’Espagne, lorsqu’il fut atteint d’une grave maladie dont le plus grand dégât fut sa surdité totale. Mais Goya, comme le montre le film, fit de sa surdité un point fort de sa peinture. Puisque désormais, c’est son monde intérieur qui guidera son imaginaire et son art.
«J’ai trois maîtres, Rembrandt, Velasquez et la nature», répètera-t-il dans le film.
Des teintes rouge sang imprègnent la pellicule de Saura, faisant de «Goya En Burderos» un film-peinture, où les images, fabuleuses et travaillées comme des peintures pré-romantiques, bougent au lieu de rester statiques. Interprété entre autres par Francisco Rabal (Goya), José Coronado (Goya jeune homme), Dafne Fernández (Rosario), Maribel Verdú (Duchesse of Alba), le long métrage a reçu parmi les distinctions cinq prix aux quatorzièmes Goya Awards dont celui du meilleur acteur pour Francisco Rabal.