Accueil Société Céréaliculture en crise: Notre sécurité alimentaire est-elle remise en cause ?

Céréaliculture en crise: Notre sécurité alimentaire est-elle remise en cause ?

En cette fête de la République, tout le champ lexical lié à l’indépendance et à l’autodétermination nous revient à l’esprit, afin de nous rappeler les fondamentaux de souveraineté dont se prévaut le pays. La sécurité alimentaire en fait notamment partie.

Il est vrai que la céréaliculture n’est pas encore sortie des sentiers battus. Depuis des années, elle s’enlise dans une crise aiguë, sans que l’on puisse trouver, jusque-là, une issue. Plus que stratégique, le blé est un produit vital.

Que va-t-on semer prochainement ?

Et cette année, la récolte céréalière était moins bonne que souhaité. Pire, les quantités collectées ont enregistré une baisse de 60% par rapport à la saison 2022, soit 2,7 millions de quintaux, contre 7,5 millions de quintaux l’année écoulée, selon les tout derniers chiffres de l’Office des céréales. Avec des taux relativement élevés à Bizerte (35%), suivie de Beja (25%), Kairouan (14%) et Jendouba (11%). «Ce qui ne couvrirait même pas le un dixième de nos besoins annuels en céréales (blé dur, blé tendre et orge), estimés à 36 millions de quintaux cultivés sur une superficie avoisinant 1,2 million d’hectares…», nous révèle Mohamed Nadri, agro-économiste et ex-directeur général d’une coopérative centrale du blé (Coceblé). Il a jugé cette moisson en deçà de la moyenne déjà, de piètre qualité, en termes de production et de productivité. Face à ce brutal changement climatique et les longs épisodes de sécheresse qui y sont liés, on ne récolte pas toujours ce qu’on sème.

Unanimes, les agriculteurs du nord-ouest l’ont, aussi, qualifié de «catastrophique». Aux dires de M. Nadri, ce faible rendement ne pourrait nullement nous réserver suffisamment de semences sélectionnées pour la saison 2023-2024. «Sur une moyenne annuelle de 350 mille quintaux, on ne se servirait l’année prochaine qu’à peine de 180 à 200 mille quintaux de semences sélectionnées et d’autres tout-venant. Quitte à nous revoir produire des récoltes encore de mauvaise qualité», prévoit-il. Que va-t-on semer prochainement ?, se demande-t-il, déçu. Sa déception risque de persister, en l’absence de solution d’urgence.

Un manque à gagner !

Ces prévisions de mauvais augure ont poussé l’Office de céréales à agir en connaissance de cause. Il a décidé de fournir 700 mille quintaux de semences aux agriculteurs pour la saison 2023-2024, et de constituer un stock stratégique de 500 mille quintaux de blé dur pour assurer nos besoins en semences au cours de l’année 2024-2025. Alors qu’une majorité de connaisseurs ont fait savoir que l’année prochaine sera plus difficile en termes d’approvisionnement en blé et que le recours à l’importation serait, comme à l’accoutumée, la dernière alternative. En effet, cela ne porte-t-il pas préjudice à notre sécurité alimentaire ? N’est-ce pas un manque à gagner ?

Et comme notre sécurité alimentaire demeure tributaire de l’offre céréalière, revisiter nos conduites culturales semble aussi de mise. D’autant plus que le recours fréquent à l’importation du blé pose des points d’interrogation et ne résout guère l’équation. Le ver est dans le fruit ! On est tenté de passer outre nos capacités, alors que des solutions sont à portée de nos mains. C’est bien depuis plus d’une décennie que l’on se dote des variétés de blé dur à haute valeur productive et beaucoup plus résistantes tant au stress hydrique qu’aux aléas du climat. «Avoir des semences beaucoup plus résilientes et durables serait le sésame de rentabilité et de bonne productivité», soutient M. Nadri. «Saragolla» et «Iride», riches en protéines, sont, entre autres, les mieux recommandées pour leur excellente qualité boulangère, mais aussi pour leur force de résistance et leur rendement très élevé.

Un premier pas vers l’avant

Fin connaisseur à ce sujet, Abdelmonoem Khélifi, gérant de la Stima, société spécialisée des intrants et de matériel agricole, les a déjà introduites d’Italie et inscrites, en 2010, au registre officiel de semences et catégories végétales. D’autant plus que ces deux variétés ont fait preuve de performance et d’une meilleure adaptation à notre climat. «Ainsi, la Tunisie se pose en pionnière en la matière, ce qui en fait aussi une plateforme céréalière pour l’Afrique», réaffirme M. Khélifi. Son partenariat avec PSB, obtenteur italien des semences précitées, s’inscrit dans le droit fil de développer notre céréaliculture. Le tout s’est déroulé sous les bons auspices du ministère de tutelle.

Tout récemment, PSB vient de nous proposer une offre céréalière, en guise d’appui au secteur : «100 mille quintaux de semences Iride à semer sur près de 60 mille ha, à raison de 5% de la superficie tunisienne en blé, ce qui va produire un total de 2 millions de quintaux, soit plus de la récolte de cette année. En termes d’argent, cela pourrait nous rapporter plus de 300 milliards», nous rappelle le gérant de la Stima. Ceci n’est, selon lui, qu’un premier pas vers l’avant. Il y en a d’autres à l’horizon : «La multiplication des variétés concernées et le fait de procéder, à long terme, au croisement variétal de ces semences italiennes (Saragolla et Iride), afin d’obtenir des semences proprement tunisiennes». Et c’est le bon chemin vers la sécurité alimentaire, à ses dires.

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