Accueil Economie Vieillissement de la population tunisienne: L’économie à l’épreuve de profondes mutations 

Vieillissement de la population tunisienne: L’économie à l’épreuve de profondes mutations 

Le vieillissement de la population est un changement inéluctable auquel il faut se préparer pour faire face aux défis qui en résultent. Explosion des dépenses de santé et aggravation des déséquilibres des caisses sociales sont les premiers symptômes financiers d’une population vieillissante. Les enjeux d’un tel phénomène sont non seulement d’ordre social mais aussi économique.


Le processus du vieillissement de la population tunisienne a été amorcé depuis longtemps. D’après les projections de population, la parenthèse du dividende démographique —  un concept qui représente la chance économique offerte par la situation dans laquelle un pays atteindrait son optimum dans le rapport entre la population “non dépendante” (active) et la population « dépendante » (les plus jeunes et les plus âgés) — sera complètement fermée d’ici 2050.

Les personnes âgées de 60 ans ou plus devraient représenter 18% de l’ensemble de la population à l’horizon 2030, alors que l’espérance de vie à la naissance devrait poursuivre sa progression pour atteindre 77,5 ans pour les hommes et 82 ans pour les femmes. Cette nouvelle donne démographique où la transformation de la structure par âge de la population évolue vers le sens du vieillissement ne sera pas sans effet sur la société mais aussi sur l’économie.

Car le vieillissement de la population est considéré comme un frein à la croissance et à la productivité, étant donné la décroissance de la population active, la baisse de l’épargne des agents économiques ainsi que la hausse des dépenses dites « improductives » (liées à la santé et à la retraite) au détriment des investissements d’avenir. En d’autres termes, le  vieillissement de la population a un impact direct sur le budget de l’Etat.

Certains économistes vont même jusqu’à considérer les répercussions de ce phénomène sur la politique monétaire. Selon eux, le  lien entre politique monétaire et démographie est tout naturel et peut être démontré par l’hypothèse du cycle de vie  qui postule que ce sont les ménages jeunes qui empruntent le plus et remboursent leurs prêts avant la retraite pour vivre ensuite de leurs patrimoines. 

Des défis à plusieurs niveaux 

C’est dire que le vieillissement de la population est un changement inéluctable auquel il faut se préparer pour faire face aux défis qui en résultent. Il se fait sentir, en premier lieu, sur les dépenses de santé: la progression de l’espérance de vie favorise l’émergence des maladies chroniques et dégénératives ce qui fait exploser  les dépenses de prise en charge.

Ensuite, il y a les caisses sociales qui deviennent de véritables gouffres financiers en raison des déséquilibres grandissants entre le nombre des affiliés actifs et celui des affiliés retraités.

Dans une publication scientifique qui date de 2022, les deux professeurs universitaires, Karim Ben Kahla et Kaïs Hammami, expliquent que le vieillissement de la population tunisienne posera des défis à trois principaux niveaux ; le financement des retraites, les capacités des familles à se constituer en refuge et bouclier social et l’aptitude du système de santé à s’adapter à la nouvelle donne démographique.  En ce qui concerne les caisses sociales, les auteurs estiment qu’avec l’allongement de l’espérance de vie le système de répartition qui est basé sur la solidarité entre générations risque de se transformer en gouffre financier, en raison du déséquilibre structurel entre les dépenses de retraite et les recettes, qui ira grandissant jusqu’en 2050. 

S’agissant des capacités des familles à constituer un filet de sécurité social, les deux chercheurs expliquent qu’avec les difficultés par lesquelles passe l’institution « famille », posent plusieurs interrogations quant à la notion de  solidarité familiale intergénérationnelle.

En effet, tous les indicateurs pointent une certaine remise en cause de l’institution familiale. Selon une enquête de l’Office national de la famille et de la population (Onfp), publiée en 2020, plus de 2. 400.000 jeunes femmes entre 34 et 45 ans ne sont pas mariées soit 60% de la population féminine, ce taux passe à 81% pour les hommes de la même tranche d’âge. De surcroît, la taille moyenne des ménages est passée à 3,9, c’est-à-dire en dessous de la taille moyenne dans le monde. Ces chiffres incitent à la réflexion quant à la capacité de la famille à continuer de jouer le rôle de filet de sécurité sociale. 

Mais à côté de ces multiples défis, des opportunités économiques peuvent émerger suite à la progression de ce phénomène démographique. C’est du « silver economy », qu’il s’agit.  C’est un concept lié au développement de nouveaux secteurs et activités économiques dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées, garantir leur autonomie le plus longtemps possible ou même allonger leur espérance de vie. Il s’agit de  l’ensemble des produits et services à destination des seniors.

Avec cette nouvelle économie, on peut voir tout un écosystème composé de start-up et d’entreprises, qui font de la gériatrie leur cœur de métier, se développer.  

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