Ubuntu, qui a été lancé au mois de juillet par l’incubateur social Kufanya, est un programme soft landing destiné aux startup tunisiennes qui veulent internationaliser leurs services et produits vers le marché d’Afrique francophone. Il est né d’un besoin senti au niveau de l’écosystème tunisien dont les entreprises et startup souhaitent prospecter les opportunités offertes par ces différents pays.
Pour une startup ou une PME, partir à la conquête du marché africain n’est pas une mince affaire. Outre les difficultés de financement, le marché d’Afrique subsaharienne a ses particularités. Les réglementations, la demande et les besoins du marché diffèrent d’un pays à l’autre. Donc, la première tâche à laquelle la startup doit s’atteler est de glaner les informations et les données relatives au marché qu’elle souhaite pénétrer. De surcroît, elle doit disposer de l’accompagnement nécessaire qui va lui permettre d’établir toute une stratégie d’entrée sur le marché. Et c’est particulièrement ce qu’offre le programme Ubuntu. Il s’agit d’un programme soft landing destiné aux startup tunisiennes qui veulent internationaliser leurs services vers le marché d’Afrique francophone, notamment, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la RDC, le Sénégal et le Rwanda. L’appel à candidature a été lancé au mois de juillet précédent. Au terme de la phase de sélection qui prendra fin vers la fin du mois d’août, 15 startup tunisiennes seront retenues. Une deuxième cohorte du programme—qui est mis en œuvre par l’incubateur social pour entrepreneurs migrants Kufanya et appuyé par le fonds Flywheel—sera ultérieurement sélectionnée.
Le marché africain: une ambition de vieille date
Allant du health tech jusqu’au développement web en passant par la finance, les domaines dans lesquels opèrent les startup qui seront retenues sont très diversifiés. “On a un large éventail de secteurs d’activité. Nous n’avons pas choisi un secteur bien précis, ça peut être le health tech, le développement web, la fintech ou l’environnement. Le but pour nous n’est pas d’être centré sur un domaine. La volonté est d’ouvrir cette porte, ce pont vers les marchés d’Afrique subsaharienne que beaucoup d’entrepreneurs et startuppeurs tunisiens peinent à ouvrir”, souligne Loïc Oyono Eboutou, directeur adjoint de Kufanya, dans une déclaration à La Presse. Il ajoute: “Comme on dit souvent, l’Afrique c’est l’avenir. D’ici 2050, une personne sur 4 sur terre sera africaine, donc autant nous-mêmes, entre Africains, bénéficions de cet écosystème riche, de cette jeunesse dont la moyenne d’âge est de 18 ans—alors qu’aux Etats Unis, par exemple elle est de 38 ans—. On parle d’un taux de pénétration d’Internet qui est de près de 40%. Donc il s’agit d’une cible fort expansive et c’est bien que nous Africains, à travers ce genre de collaboration Sud-Sud, profitons de cela”. L’ingénieur camerounais a indiqué que le programme Ubuntu est né d’un besoin senti au niveau de l’écosystème tunisien: Les marchés d’Afrique subsaharienne en point de mire, les entreprises et startup tunisiennes souhaitent prospecter les opportunités offertes par ces différents pays. Mais elles s’y prennent souvent mal, par manque d’expertise ou par méconnaissance des spécificités de ces marchés. “Avant de diriger un incubateur je suis moi-même entrepreneur, et à la base j’étais étudiant sur le sol tunisien. J’ai fait 5 années d’études ici, et il est fort intéressant de rappeler que, durant cette période, chaque année j’avais au moins 5 entreprises tunisiennes qui me contactaient pour essayer d’aller vers les marchés d’Afrique subsaharienne, en l’occurrence mon pays le Cameroun. Parmi ces entreprises, il y avait peut-être 2 à 3 qui essayaient, mais qui échouent dans leur conquête. C’est d’ailleurs pour ces raisons que nous avons eu l’idée de concocter ce programme”, a-t-il expliqué. Et d’ajouter : “Les gens s’en vont en quelque sorte les yeux fermés vers l’Afrique subsaharienne alors qu’il s’agit d’ autres marchés avec des réalités bien propres à eux. Ce sont particulièrement, les données de marché ciblées qui ne sont pas réellement connues par les startuppeurs qui souhaitent s’internationaliser en Afrique subsaharienne. C’est tout un ensemble d’éléments qui font en sorte qu’ils échouent majoritairement sur ce marché”. Et c’est là que le programme Ubuntu intervient.
Ce qu’offre le programme d’accompagnement
Pour pallier les lacunes et difficultés d’accès aux marchés subsahariens, l’incubateur propose, outre le programme de mentorat et de partenariat, un autre programme de formation et de sensibilisation aux marchés d’Afrique francophone. “Bien sûr il s’agira également de se réunir autour d’une plateforme de rencontre et de partage d’expériences entre des startup tunisiennes et autres d’Afrique subsaharienne”. En effet, pour réussir sa tâche, l’incubateur puise dans son carnet d’adresses: des incubateurs africains mais aussi des ambassadeurs et autres entrepreneurs ayant réussi leur implantation. “Il y aura des sessions de formation avec des incubateurs qui sont déjà présents sur les différents pays. Il y aura également des sessions de coaching one to one produites par des experts tunisiens, sans compter également les différents ambassadeurs avec lesquels nous avons des contacts et nous aurons également des sessions individuelles avec des responsables d’incubateurs de ces différents pays”, a ajouté Eboutou. Le programme, donc, vise essentiellement à mettre à disposition de ces startup les données du marché ciblées de même à leur permettre de réaliser une projection commerciale et un certain point d’implémentation, pour que, arrivés sur place (le programme finance également les commodités et le transport vers ces pays), les entrepreneurs puissent asseoir tout cela avec la réalisation d’une étude de marché bien approfondie, et avoir la possibilité d’une consultation fiscale et juridique relative au contexte local grâce aux réseaux de professionnels qui sont présents sur les lieux. Au final, les startuppeurs peuvent conclure un contrat de prestations de service vente et marketing des produits et services qu’ils veulent mettre sur pied. “Il est important de signaler que nous n’allons pas vendre à leur place le produit ou le service avec lequel ils s’en vont sur ces marchés, on leur donne les outils pour qu’ils puissent faire ce qu’ils savent faire”, a-t-il conclu. Il est à noter que l’incubateur Kufanya, qui accompagne les entrepreneurs migrants en Tunisie, est présent à Sfax depuis 2019. Il dispose d’ un tiers-lieu qui permet aux porteurs de projets d’avoir accès à un service d’hébergement.
A ce jour, il a réussi à implémenter trois programmes d’incubation, dont un dédié au soutien aux femmes migrantes en situation vulnérable à travers la mise en place d’une activité génératrice de revenus. Depuis sa création, l’incubateur a formé 100 entrepreneurs avec 30 entreprises qui ont mis sur pied un service commercialisable sur le marché local. “Notre volonté est d’ouvrir un débat plus grand parce qu’il ne s’agit pas uniquement d’aider des startup qui veulent s’internationaliser, nous voulons également créer un fonds d’investissement, dédié à ces entités-là, car, outre la méconnaissance du terrain et le manque de formation, il y a également un problème de coût”, a expliqué Eboutou.