Accueil A la une Interview avec le ministre du Tourisme, Mohamed Moez Belhassine : Le tourisme tunisien à l’heure du changement

Interview avec le ministre du Tourisme, Mohamed Moez Belhassine : Le tourisme tunisien à l’heure du changement

Le tourisme tunisien a été confronté à des crises successives, notamment après la pandémie du coronavirus, ce qui a impacté son rendement et sa compétitivité. Ce constat a incité le ministère du Tourisme à mettre en place une nouvelle stratégie pour conquérir des marchés porteurs et diversifier l’offre tunisienne, a indiqué le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, dans une interview accordée à l’agence TAP.

Vous avez déclaré que 5,4 millions de touristes ont visité la Tunisie, au 10 août 2023, ce qui a permis d’augmenter les recettes touristiques. Quelle est votre évaluation de la situation?

Les recettes touristiques réelles représentent le double du chiffre annoncé, ce qui nécessite la mise en place d’un nouveau système statistique pour le secteur, permettant d’évaluer la contribution réelle du tourisme dans l’économie. Les recettes touristiques sont estimées à 3,8 milliards de dinars, jusqu’à fin juillet 2023, mais ne représentent pas la vraie valeur de la contribution de ce secteur dans l’économie nationale. Puisque ce chiffre ne prend pas en considération les dépenses liées aux soins médicaux des touristes, les croisières, les achats des produits de l’artisanat, le shopping et aussi les déplacements à l’intérieur du pays surtout pour ceux qui voyagent seuls. C’est pour cela que le ministère œuvre à mettre en place un nouveau système statistique, à savoir «un compte satellite», conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale du tourisme, en vue de mesurer le poids du tourisme dans l’économie et son rôle dans la couverture du déficit et l’entrée des devises dans le pays.

Le «compte satellite» comporte 10 indicateurs dont l’emploi dans le secteur, l’investissement et le nombre de touristes…., alors que le système statistique actuel se limite au nombre d’arrivées (de la Direction générale de la police des frontières et des étrangers), des recettes touristiques (BCT) et des nuitées dans les hôtels (Ontt).

Le ministère a entamé l’élaboration d’une enquête sur les dépenses des touristes en Tunisie, en tant que première étape pour la mise en place du «compte satellite». Cette enquête, réalisée par l’Ontt, en collaboration avec les différentes structures intervenantes dont l’Institut national de la statistique (INS) et le ministère de l’Intérieur, devrait être achevée, d’ici fin 2023.

Quelles sont les nouvelles mesures qu’envisage de prendre le ministère du Tourisme pour développer l’attractivité touristique de la Tunisie ?

Un Conseil supérieur du tourisme sera créé prochainement. Présidé par le Chef du gouvernement, il sera composé des ministres concernés par le secteur. Cette structure sera chargée de coordonner entre les différentes parties prenantes, en vue de mettre en place des politiques ainsi que des stratégies nationales pour développer le secteur et de suivre leur exécution.

La promotion du secteur du tourisme est une responsabilité commune qui implique les efforts des différents ministères (transport, santé, industrie, agriculture…), afin de relever certains défis liés notamment à la pénurie d’eau, la maîtrise de l’énergie ou encore la sécurité des touristes. Il convient de rappeler que le Conseil supérieur du tourisme a été initialement lancé en 2003 pour être dissous en 2010.

Le ministère du Tourisme compte-t-il revoir le cadre législatif régissant le secteur, à l’heure où ce dernier souffre encore de séquelles liées à la pandémie du Covid-19 ?

Le ministère a commencé de rassembler les différents textes de loi organisant le secteur. L’objectif étant de les regrouper dans le «Code du tourisme» qui servira de cadre juridique au secteur.

Il permettra, par ailleurs, de faciliter les procédures et les démarches pour les investisseurs tunisiens et étrangers et favoriser ainsi la création de projets dans le secteur. En outre, le ministère œuvre à réviser certaines législations dont celles qui sont relatives à la classification des établissements touristiques, afin d’harmoniser les différents textes de loi. Ce projet structurant qui inclut les professionnels, entend unifier les lois régissant le secteur. Il permettra à la Tunisie de s’adapter aux exigences de la concurrence internationale. Ce Code répond également aux objectifs de la stratégie de développement du tourisme à l’horizon 2035, afin d’en faire un secteur responsable et durable. Ce texte sera fin prêt vers la fin de l’année 2024 et sera par la suite adopté par le Parlement.

Quelles sont les principales spécificités de la stratégie touristique sectorielle à l’horizon 2035?

Le ministère a mis en place une nouvelle stratégie de développement à l’horizon 2035, basée sur une vision claire, ciblant le renforcement du rôle du tourisme dans le développement socioéconomique et environnemental dans les régions et la transformation de la destination Tunisie en vue d’en faire une des plus importantes destinations compétitives et durables dans le monde à travers la diversification du produit, et ce, dans le but de sauvegarder le patrimoine culturel et naturel et de créer de nouvelles opportunités d’investissement et d’emploi.

La stratégie de développement du tourisme tunisien à l’horizon 2035 ambitionne de cibler de nouveaux marchés. Elle s’appuie sur quatre principaux axes : le développement de la compétitivité de la Tunisie, la diversification de l’offre touristique, l’impulsion des investissements dans le secteur et le développement des mécanismes de promotion.

Cette stratégie s’inscrit dans le cadre d’une vision globale de la Tunisie à l’horizon 2035 et va de pair avec les différentes stratégies élaborées dans les autres secteurs.

En l’absence du marché russe, quels sont les nouveaux marchés ciblés par la Tunisie?

L’absence du marché russe, à cause de la guerre russo-ukrainienne, a affecté la saison actuelle étant donné l’importance de ce marché, non seulement pour ce qui est du nombre de touristes, mais aussi des nuitées enregistrées dans les unités hôtelières.

Le marché russe contribue, aussi, à dynamiser les marchés et l’activité économique à travers les visites des sites archéologiques et les excursions touristiques. La Tunisie avait accueilli plus de 630 mille touristes russes en 2019. Le ministère œuvre, actuellement, à diversifier les marchés et à cibler des marchés porteurs dont les marchés asiatiques et principalement les touristes en provenance de Chine, d’Indonésie et de la Corée du Sud.

La Chine a levé l’interdiction des voyages organisés vers plus de 70 destinations supplémentaires, dont la Tunisie. Une mesure en vigueur depuis la crise sanitaire en 2020 pour les voyages en groupes.

Le ministère chinois de la Culture et du Tourisme a appelé, dans un communiqué, les agences de voyages et les prestataires de services touristiques en Chine à reprendre le rythme de commercialisation des voyages en groupes des touristes chinois à l’étranger.

Face à la flambée des tarifs de l’hôtellerie et la dégradation de la qualité des prestations, quelles sont les mesures qui seront prises à cet effet ? Envisagez-vous un reclassement des hôtels ?

Le ministère n’interfère pas dans cette question. La fixation des tarifs n’est pas seulement liée au classement des hôtels, mais prend en compte d’autres paramètres dont l’offre, la demande, la qualité des services, la situation géographique et le niveau de satisfaction des touristes. Pour ce faire, le ministère œuvre à renforcer les campagnes de contrôle. Depuis le début de l’année en cours, 5 mille opérations de contrôle ont été menées dans les unités hôtelières, l’activité de certaines d’entre elles, a été suspendue temporairement. Nous comptons lancer un nouveau projet de reclassement des hôtels avant la fin de 2023, afin d’améliorer la qualité des services. Il y a aura, ainsi, de nouveaux critères de classement dont la satisfaction des clients, l’éco-responsabilité, l’accessibilité aux personnes à besoins spécifiques.

Y aura-t-il de nouveaux projets d’investissement qui prennent en compte le volet environnemental ?

Le volume des investissements touristiques a atteint 266,6 millions de dinars en 2022, dont des investissements réalisés dans le secteur de l’hébergement (création, réhabilitation et rénovation) de l’ordre de 219,8 millions de dinars. Actuellement, trois grands projets touristiques prévus à Tunis, Douz et Djerba sont en cours de finalisation. Ils sont considérés comme des investissements touristiques d’envergue, étant donné les nombreux postes d’emploi qu’ils vont générer. Pour ce qui est du volet environnemental, les unités hôtelières n’ont pas d’autre choix que de s’adapter au changement climatique et au stress hydrique auxquels fait face le pays. Le ministère incite dans ce sens ces établissements à rationaliser la consommation d’eau, économiser l’énergie et valoriser les déchets et les eaux traitées. Il convient de noter que les touristes étrangers accordent un grand intérêt aux normes et exigences environnementales.

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