Accueil Culture Ouverture de la 36e édition du FIFAK : Quand le cinéma restitue la mémoire

Ouverture de la 36e édition du FIFAK : Quand le cinéma restitue la mémoire

Kélibia ou la grande réunion de famille… La grande famille du cinéma.

C’est toujours avec beaucoup de peine et une multitude de difficultés que chaque édition du Festival international du film amateur de Kélibia arrive à s’organiser. Et c’est toujours avec grande joie et soulagement que nous arrivons au jour attendu pour que l’écran s’allume dans le théâtre de plein air de Kélibia, que les visages familiers commencent à défiler un peu plus vieillissants, les cheveux grisonnants et un esprit volontaire et amateur du 7e art jamais terni. Il ne faut pas oublier que la Ftca (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs) qui organise le festival est née en 1963 et que cette passion est passée de génération en génération. Entre les anciens et les jeunes membres le débat est toujours tendu, différences de vision, approches divergentes mais réunis tous autour d’un principe commun : un cinéma libre, indépendant et engagé. Une culture nationale démocratique et démocratisée. Cet esprit est toujours là, toujours d’actualité.

Comme chaque ouverture, la soirée commence avec de la musique, du chant, quelques titres nostalgiques entre cheikh Imam, Zine Safi, Amazighen, Adem Fethi, Hamadi Lajimi, Ali Saiden, Ridha Diki… ces icones de tout un mouvement qui persiste, résiste et signe. Puis la parole est donnée à Adel Abid, président de la Ftca et directeur du Fifak. Adel a souligné, encore une fois, l’engagement de la fédération et du festival et a remercié les partenaires et les compagnons de route.

Et puis place au film d’ouverture : «La visite et un jardin secret» de Irene M. Borrego. Ce film est une promesse faite par sa réalisatrice qui était au Fifak l’an dernier. Le voilà sur l’écran du théâtre de plein air et que le festival commence.

Derrière la porte d’un vieil appartement à Madrid, un film était caché, un chat, une vieille dame et un jardin secret.

A aucun moment «la visite» ne cherche à nous montrer les œuvres de cette artiste

On sait peu de choses sur la mystérieuse figure d’Isabel Santaló, une artiste née en 1923 et aujourd’hui oubliée. Mais, de temps en temps, des visiteurs lui rendent visite. À travers eux, et par la voix d’Antonio López, peintre de sa génération l’ayant côtoyée, se dessine un film sur la mémoire et l’oubli, sur ce que cela signifie d’être une femme et une artiste.

«La visite et un jardin secret» est né du retour dans ma ville et d’une visite en attente : de ma rencontre avec Isabel Santaló et de la peur. C’est peut-être pour cela que le film m’a demandé beaucoup de temps pour le finir : le temps de vivre et surtout de comprendre ce qui a été vécu», s’exprime la réalisatrice dans une interview antérieure.

Sans cacher les traces de son tournage—ou de sa propre démarche—, le film réfléchit sur la mémoire et l’oubli, sur l’art et le processus de création, c’est un film sur la distance et le regard.

«La visite», n’est pas un film intellectuel, ni un portrait d’artiste, car les thèmes et les émotions abordés par ce film résonnent avec les expériences, les doutes et les préoccupations de nombreuses personnes et spectateurs potentiels différents : beaucoup d’entre nous cherchent la lumière à travers les ombres.

Et la réalisatrice nous place justement dans cette zone d’ombre, celle qu’on ne voit pas, celle qui intéresse peu. Dans son écriture, Irène n’a pas opté pour une esthétique captivante : un micro qui dépasse, un plan poussiéreux. Sa caméra scrute les détails, s’ajuste à la vie et au rythme de la vieille artiste s’arrête sur une porte fermée qui ne révélera pas ses secrets.

Le film est aussi une recherche sur la simplicité évitant que sa force réside dans l’éblouissant ou le distrayant avec un langage austère, dépouillé, voire minimaliste.

Et d‘ailleurs, à aucun moment «la visite » ne cherche à a nous montrer les œuvres de cette artiste, à aucun moment le film n’assouvit en nous cette curiosité qui nous démange d’ouvrir cette porte sur ce jardin secret. Irène la réalisatrice reste immuable et ne tombe pas dans la tentation. Et ce n’est pas dans les musées, les galeries et les livres d’art qu’elle cherche Isabel, mais dans une vieille video familiale de sa communion qu’elle cherche sa présence bannie du cercle familial.

Isabel n’existe sur aucune photo de famille, aucune trace de correspondance, de cartes postales ou de vœux…elle existe nulle part. Mais c’est le cinéma qui la retrouve. Dans cet arrêt sur image sur la video familiale où elle est assise de dos. Et c’est avec ce documentaire qu’elle écrit cette part oubliée pour que le tableau soit enfin complet. Et derrière la porte d’un vieil appartement à Madrid, un film était caché et avec elle  un jardin secret.

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